Question orale n° 350 :
Financement public aberrant de la protection des loups

17e Législature

Question de : M. Vincent Rolland
Savoie (2e circonscription) - Droite Républicaine

M. Vincent Rolland alerte Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le financement public aberrant de la protection des loups. Financer la protection du loup pendant que les éleveurs souffrent : une aberration ! Alors que les attaques de loups se multiplient, mettant en péril l'élevage en zone de montagne, les éleveurs doivent se contenter de mesures partielles et de plus en plus encadrées. Il convient de dénoncer fermement cette incohérence flagrante de la politique actuelle face à la prédation du loup : dans certains secteurs, l'activité est aujourd'hui tout simplement menacée ! Les attaques sont toujours plus nombreuses et malgré les dispositifs mis en place (gardiennage, clôtures, chiens de protection, effarouchement...), les éleveurs sont démunis face à une prédation massive qui cause détresse psychologique, épuisement physique et incertitude économique. Dans ce contexte, le non-choix de l'État est particulièrement choquant ! D'un côté, l'État consacre des moyens pour tenter de protéger les troupeaux et indemniser les pertes avec des démarches longues et complexes voire impossibles pour les bovins ; de l'autre, il finance en parallèle des actions directement destinées à protéger le loup ou à expérimenter des méthodes alternatives via des projets portés par certaines associations ou établissements publics comme l'expérimentation du tir d'effarouchement traumatique (TEFT) menée par le Conservatoire d'espaces naturels, qui consiste à équiper des loups de colliers GPS pour mesurer leur réaction aux tirs. Comment ne pas susciter la colère largement justifiée du terrain ! Une méthode absurde et incompréhensible pour les éleveurs qui vivent dans l'urgence et la détresse ! Les tirs de défense simplifiés (TDS) seul moyen efficace de réponse immédiate, sont limités par des arrêtés-cadres et aucun nouveau tir n'est autorisé en cas d'attaque sur des bovins. M. le député souhaite donc savoir si le Gouvernement prévoit de réviser concrètement sa doctrine. Le niveau de protection du loup va-t-il effectivement être abaissé dans les textes et avec quelles conséquences concrètes ? Le nombre de prélèvements autorisés va-t-il être augmenté et dans quelle proportion ? L'État entend-il simplifier les procédures d'autorisation de tir et accélérer les indemnisations ? Enfin, il lui demande comment le Gouvernement envisage de mieux organiser la cohabitation entre les chiens de protection devenus indispensables et les randonneurs, souvent mis en difficulté par leur présence. Face à un coût financier croissant pour la collectivité et aux résultats limités, il lui demande si une suppression des crédits affectés à la protection du loup est envisagée afin de garantir la priorité absolue à la reconquête pastorale et à la sauvegarde des éleveurs de montagne en première ligne dans ce déséquilibre.

Réponse en séance, et publiée le 11 juin 2025

PRÉDATION DU LOUP
Mme la présidente . La parole est à M. Vincent Rolland, pour exposer sa question, no 350, relative à la prédation du loup.

M. Vincent Rolland . Dans nos montagnes, une colère sourde mais tenace monte chaque jour un peu plus. Elle est réelle, profonde et insupportable.

C'est la colère de nos éleveurs, de ces femmes et de ces hommes qui travaillent sans relâche pour nourrir le pays, entretenir les paysages et faire vivre des territoires que d’autres ne regardent qu'en carte postale.

Cette colère est légitime. Pendant que les attaques de loups se multiplient, que des troupeaux entiers sont massacrés malgré les clôtures, les chiens de protection et la présence humaine, l’argent public – oui, l’argent des Français – continue d’être versé pour protéger le loup !

C’est une absurdité doublée d’un mépris pour ceux qui subissent, une forme de lâcheté collective qui abandonne nos éleveurs face à une prédation devenue hors de contrôle.

Les chiffres ne mentent pas : les attaques explosent. Avec 65 000 têtes de bétail tuées chaque année en Europe, les dispositifs de protection ne suffisent plus. Les indemnisations sont lentes, complexes, parfois humiliantes. Pendant ce temps, on finance des programmes comme celui du Conservatoire d’espaces naturels, qui pose des colliers GPS sur les loups dans certains parcs pour étudier leur comportement face aux tirs et savoir s'ils en ont peur.

Mais où est le bon sens ? Où est la décence, quand des exploitations entières voient leurs bêtes massacrées ? Madame la ministre, je connais votre engagement en faveur du pastoralisme. Maintenant que le statut de protection du loup vient d’être abaissé de « strictement protégé » à « protégé », allez-vous augmenter significativement les prélèvements autorisés et simplifier les tirs de défense ? Quelles solutions envisagez-vous pour gérer la cohabitation difficile entre les chiens de protection et les randonneurs, qui se font régulièrement agresser ? Quels dispositifs pouvez-vous mettre en place concernant la protection spécifique des bovins et des équins ?

La reconquête pastorale et le soutien au monde agricole face au loup doivent être une priorité absolue. Si nous continuons à laisser mourir nos éleveurs, ce sont nos montagnes vivantes que nous condamnons à moyen terme.

Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire . Vous le savez et je vous remercie de l'avoir rappelé, je me suis toujours intéressée au dossier du loup, enjeu majeur pour le maintien de nos activités d'élevage, notamment en montagne. Mais la présence du loup est désormais tellement répandue qu'elle ne concerne plus les seuls territoires de montagne et ne menace plus seulement le pastoralisme : elle est devenue un enjeu national.

L'an dernier, plus de 4 000 attaques pour 11 000 bêtes tuées ou blessées ont été recensées. En conséquence, le préjudice économique et moral que subissent les éleveurs devient insupportable. L'État engage 52 millions d'euros par an dans le soutien aux éleveurs victimes de ces attaques ; croyez bien que je préférerai que cet argent soutienne directement l'élevage.

Je redis mon total soutien aux éleveurs, notamment de Savoie, département particulièrement touché, comme ma détermination à poursuivre et à accélérer les travaux engagés depuis trois ans pour permettre aux éleveurs de mieux se défendre et défendre leurs troupeaux.

Pour ce faire, il fallait d'abord obtenir le déclassement du statut de protection du loup au sein de la directive européenne « Habitats ». C'est enfin le cas : le Parlement européen l'a adopté à une large majorité le 8 mai et le Conseil européen s'est prononcé en sa faveur jeudi dernier. C'est un combat que l'Association nationale des élus de la montagne (Anem), que nous connaissons bien tous deux, mène depuis des années ; il a été initié par mon prédécesseur Marc Fesneau, qui a défendu au nom de la France le déclassement du statut de protection du loup. C'est une avancée qui donnera aux États une plus grande flexibilité dans la gestion des populations lupines. J'espère qu'ils en feront usage, sinon à quoi servirait-elle ?

Par ailleurs, un projet d'arrêté pris en application de l'article 47 de la loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (LOA) permettra de délivrer des autorisations de tir pour la protection des troupeaux – bovins, équins et asins –, y compris en l'absence d'attaque et de mesures de protection. La consultation publique dont il a fait l'objet a pris fin aujourd'hui. Il sera publié rapidement.

En ce qui concerne la race Patou de chiens de protection des troupeaux, l'article 47 prévoit la création d'un régime de responsabilité spécifique qui permettra de mieux protéger les éleveurs contre des recours abusifs. Il faudra aussi, en concertation avec les élus locaux, organiser une meilleure information des randonneurs.

Dans un contexte réglementaire très contraint au regard du droit européen, soyez assuré que nous avançons au maximum, pas à pas, étape après étape. J'ai présenté l'arrêté autorisant les tirs de protection en l'absence d'attaque, mais le déclassement du statut de protection du loup nous oblige à revoir notre doctrine nationale. Nous risquons sinon de nous retrouver à nouveau en situation de surtransposition. C'est l'objet de travaux à venir, auxquels j'attache une attention toute particulière.

Données clés

Auteur : M. Vincent Rolland

Type de question : Question orale

Rubrique : Élevage

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 juin 2025

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