Maintien de la cellule de gendarmerie DEMETER
Question de :
M. Christophe Bex
Haute-Garonne (7e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Christophe Bex interroge Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire concernant le maintien de la cellule de gendarmerie Demeter. Créée début octobre 2019 par le ministère de l'intérieur en collaboration avec les syndicats agricoles FNSEA et Jeunes Agriculteurs, la cellule de gendarmerie Demeter avait pour objectif d'apporter une réponse à l'ensemble des problématiques de sécurité touchant le monde agricole afin de détecter des menaces et autres infractions visant des exploitations. Elle devait notamment s'intéresser aux comportements qualifiés d’« idéologiques » ou perçus comme « nuisibles à l'image des agriculteurs », ce qui soulève un certain nombre de questions quant à la définition des comportements ciblés. Aussi, par un jugement du 1er février 2022 (jugement n° 2006530-2018140), le tribunal administratif de Paris avait annulé le refus du ministre de l'intérieur de mettre fin à une partie des activités de la cellule nationale de suivi des atteintes au monde agricole, également appelée « cellule Déméter », en lui demandant la cessation de ses activités de prévention des « actions de nature idéologique », dans un délai de deux mois sous peine d'une astreinte de 10 000 euros. Cette décision a été annulée en appel (CAA de PARIS, 4e chambre, 29/09/2023, 22PA01415), bien que l'État n'ait pas contesté l'injonction de cesser les activités de prévention, rendant cette partie du jugement définitive. Par une décision du 7 novembre 2024, le Conseil d'État a finalement rejeté la requête de l'association de défense des animaux L214, donnant ainsi la possibilité à la gendarmerie de surveiller les « actions de nature idéologique» initiées par des organisations écologistes, animalistes ou antispécistes concernant l'agriculture. Et ce, même si ces activités sont parfaitement légales. M. le député souhaite exprimer son inquiétude concernant cette décision du Conseil d'État et ses conséquences potentiellement néfastes pour l'avenir de la liberté d'expression en matière d'écologie et de défense des animaux. En effet, les actions de Demeter ont été largement critiquées par les militants écologistes, les ONG et les citoyens. Beaucoup dénoncent une entreprise d'« intimidation » visant à censurer les opposants à l'agriculture industrielle et à dissuader les associations et citoyens d'exercer leur liberté d'expression. Des pratiques telles que les convocations régulières des membres d'associations de lutte pour le bien-être des animaux, la présence de gendarmes à des réunions d'associations locales, l'interrogation de responsables associatifs sur la teneur de leurs activités et autres intimidations, sont perçues par beaucoup comme une entrave au débat démocratique et aux libertés fondamentales. Faisant suite à cette décision de la cour d'appel de Paris, M. le député souhaite demander à Mme la ministre si le Gouvernement compte suspendre les missions de surveillance idéologique de la cellule Demeter avant la prononciation de sa dissolution définitive ainsi que celle des observatoires de l'agribashing (un élément de langage endossé par les pouvoirs publics pour un phénomène quasi introuvable selon l'analyse des compte rendus et notes internes transmis par des préfectures du Grand Ouest) et dans le cas contraire, qu'elle lui présente les raisons de leur maintien.
Réponse publiée le 17 juin 2025
Créée à la fin de l'année 2019 sur décision du ministre de l'intérieur, la cellule « Demeter » a été organisée sur un mode « fonctionnel » au sein de la gendarmerie nationale. Elle n'a donc pas fait l'objet d'une création d'unité ad hoc ni bénéficié d'un budget spécifique. Progressivement, cette cellule fonctionnelle s'est transformée en une démarche globale de lutte contre les atteintes au monde agricole et de réassurance de la filière agricole à l'instar des opérations mises en œuvre au profit de professions exposées comme les médecins, les pharmaciens ou encore les élus. Dans le cadre de ce dispositif et dans le respect des lois et règlements, la gendarmerie mobilise des expertises dans les domaines tels que la prévention, la communication, le renseignement et la police judiciaire. Il s'agit de développer une démarche partagée avec les exploitants agricoles, en diffusant des conseils organisationnels et techniques afin de réduire les vulnérabilités constatées. Ainsi, en 2024, les référents sûreté de la gendarmerie présents dans chaque département ont réalisé 66 diagnostics de sûreté au profit des exploitations et concessionnaires agricoles et 544 consultations de sûreté. En complément, un guide "sécuriser mon exploitation agricole" a été diffusé aux agriculteurs. La gendarmerie lutte également contre les phénomènes sériels d'appropriation et de destruction touchant cette filière en mobilisant des offices centraux et sa chaîne judiciaire jusqu'aux brigades, en lien et sous la direction de l'autorité judiciaire. A cet effet, le service central de renseignement criminel de la gendarmerie établit trimestriellement une analyse des faits de délinquance touchant le monde agricole. Des affaires judiciaires récentes illustrent l'efficacité de la stratégie de la gendarmerie nationale dans la lutte contre les atteintes faites aux agriculteurs. Tout d'abord, à la fin de l'année 2024, l'auteur de vols à l'encontre de 23 exploitations agricoles, pour un butin estimé à 430 000 euros, est appréhendé par la section de recherche de Versailles et condamné à 6 ans de prison ferme. Dans l'Est de la France, c'est une équipe de nationalité lituanienne qui est interpellée et placée en détention provisoire après 6 vols d'analyseurs de grains (d'une valeur unitaire de 30.000 euros). Enfin, début mars 2025, la gendarmerie démantèle une organisation impliquée dans un trafic de GPS agricoles qui sévissait dans le sud-ouest de la France. Un groupe de nationalité roumaine est interpellé. Lors de la perquisition, 40 équipements agricoles dont 34 GPS agricoles, d'une valeur estimée à 720 000 euros sont saisis. Le nombre total de GPS agricoles dérobés est estimé à plus de 100, portant le préjudice à plus d'1,5 million d'euros. Enfin, la gendarmerie poursuit la sensibilisation des exploitants agricoles et le partage des bonnes pratiques, sur le terrain au sein des exploitations ou lors d'événements tels que le Salon international de l'agriculture.
Auteur : M. Christophe Bex
Type de question : Question écrite
Rubrique : Gendarmerie
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 28 janvier 2025
Réponse publiée le 17 juin 2025