Parc à thème Rocher Mistral
Question de :
Mme Sophie Taillé-Polian
Val-de-Marne (11e circonscription) - Écologiste et Social
Mme Sophie Taillé-Polian interroge Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur la situation du parc d'attractions Rocher Mistral, au château de La Barben dans les Bouches-du-Rhône, classé au titre des monuments historiques. Le parc est situé dans des zones de protection de l'environnement et de la biodiversité (zone Natura 2 000, zone de protection spéciale et zone d'intérêt écologique et faunistique). Depuis son ouverture en 2021, plusieurs aménagements ont été réalisés sans autorisation, notamment un parking de 450 places sur un espace naturel protégé, la perturbation d'espèces protégées ainsi que la transformation non autorisée d'un jardin classé, et cela en méconnaissance des législations relatives à la protection du patrimoine et de l'environnement. Le 28 avril 2023, une visite de la sous-commission départementale de sécurité conclut à un avis défavorable à la poursuite d'exploitation de l'établissement, pointant un manque de culture de sécurité et de maîtrise technique de l'encadrement, ainsi qu'une nouvelle extension non autorisée des aménagements. Un jugement du tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence, rendu le 13 février 2024, a condamné la SAS Rocher Mistral à une amende de 70 000 euros avec sursis, ainsi que son président, à une amende de 20 000 euros avec sursis. Le tribunal a également ordonné des mesures de remise en état du site du château et de son environnement. Le procès en appel qui devait se tenir le 7 mai 2025 a été reporté au 19 novembre de la même année. En dépit de ce jugement, les atteintes à l'environnement et au patrimoine persistent. Deux nouvelles plaintes ont été notamment déposées par les associations France nature environnement 13 et Ethicpol. Malgré les alertes et tandis que les plaintes et les nuisances s'accumulent, il est difficile de comprendre la bienveillance constante et ininterrompue des services de l'État à l'égard de la SAS Rocher Mistral. Un exemple parmi d'autres : en juillet 2023, un arrêté municipal a interdit l'accès au chemin menant au parking illégal du Rocher Mistral. En mars 2024, la mairie a bloqué physiquement cet accès. Le préfet des Bouches-du-Rhône soutient néanmoins l'exploitation de ce parking illégal, en totale contradiction avec la décision du tribunal correctionnel ainsi qu'avec la position des services de l'État mentionnée plus haut, invoquant la liberté du commerce et de l'industrie pour contester l'arrêté municipal. Le 5 juin 2024, le tribunal administratif de Marseille a confirmé la légalité de cet arrêté. Ce cas illustre à lui seul toutes les contradictions de l'État, qui soutient dans ce dossier un contrevenant. Deux notes internes rédigées en janvier 2025 par le directeur régional des affaires culturelles pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et le sous-préfet d'Aix-en-Provence, révélées par la presse régionale, montrent que l'État reconnaît des manquements aux codes de l'urbanisme, du patrimoine et de l'environnement imputables à un chef d'entreprise, mais préfèrent régulariser a posteriori. Les services de l'État envisagent, selon ces notes, la mise en place d'un plan de régularisation avec une feuille de route partagée, et ce alors même que le jugement en appel de la décision du tribunal correctionnel de février 2024 n'a pas encore été rendu. Mme la députée craint que cette stratégie de régularisation a posteriori n'ait pour effet de compromettre l'autorité et l'effectivité de la décision à venir de la cour d'appel. Elle l'interroge sur la bienveillance persistante de l'État à l'égard d'un opérateur reconnu responsable d'infractions graves et dont les agissements traduisent un mépris répété des règles de droit.
Réponse en séance, et publiée le 11 juin 2025
PARC DE LOISIRS EN PROVENCE
Mme la présidente . La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour exposer sa question, no 351, relative à un parc de loisirs en Provence.
Mme Sophie Taillé-Polian . L’installation du parc d'attractions « Rocher Mistral » au château de La Barben dans les Bouches-du-Rhône dans l’irrespect total des réglementations environnementales et patrimoniales en vigueur dans ce site classé, est un véritable scandale. Depuis son ouverture en 2021, plusieurs aménagements ont été réalisés sans autorisation, notamment un parking de 450 places en plein espace naturel protégé, entraînant d'importants dommages pour la biodiversité.
Grâce à la mobilisation des associations locales de défense de l’environnement et des habitants, un jugement condamnant la SAS Rocher Mistral ainsi que son président, M. d’Alançon a été rendu en février 2024. Si le tribunal a exigé une remise en état du site du château et de son environnement, le procès en appel a été retardé au mois de novembre. Pendant ce temps, les atteintes à l’environnement persistent, les nuisances s’accumulent et une nouvelle saison touristique va se dérouler, au mépris de l'environnement et du cadre de vie des habitants.
Je m’interroge sur la bienveillance constante de l’État à l’égard du projet, le préfet n'ayant pas hésité à soutenir l'exploitation illégale du parking, contre l’avis des élus locaux. Deux notes internes datées de janvier 2025, révélées par la presse quotidienne régionale, attestent que l’État reconnaît des manquements aux codes de l’urbanisme, de l’environnement et du patrimoine mais aussi que les services de l’État proposent de mettre en place un plan de régularisation du contrevenant, alors même qu'on attend encore le jugement en appel.
Cette politique du fait accompli et de son accompagnement par l'État sont scandaleux. Pourquoi de telles faveurs sont-elles octroyées à la SAS Rocher Mistral ? Quand allez-vous faire respecter avec fermeté la réglementation destinée à protéger l’environnement et notre patrimoine national ?
Lorsqu'en mars 2022, l'un de mes prédécesseurs, M. François-Michel Lambert, avait interrogé le gouvernement sur ce sujet, votre prédécesseur avait répondu que tout serait organisé pour sauvegarder l'environnement. Pourtant, il n'en a rien été ; bien au contraire !
Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics. Je tiens à vous rassurer quant à la mobilisation des services de l'État sur ce dossier. Si un projet de développement touristique est tout à fait possible dans son principe et peut participer à la valorisation et au rayonnement touristique de la région, l'État ne transigera pas – je viens de répondre à une question en ce sens. Nous sommes exigeants : sur ce site exceptionnel, comme sur tous ceux qui existent en France, tout projet doit s'inscrire dans une approche prenant en compte la valeur environnementale, paysagère, historique et patrimoniale du lieu.
Vous l'avez dit : de nombreux travaux ont été conduits sans autorisation. C'est ainsi que les services de la direction régionale des affaires culturelles (Drac) ont été amenés à dresser plusieurs procès-verbaux d'infraction entre 2021 et 2024.
S'agissant du volet urbanisme et protection du patrimoine, à la suite de l'appel interjeté par Rocher Mistral à l'encontre du jugement rendu le 13 février 2024 par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, une procédure juridictionnelle est en cours. La condamnation prononcée, notamment liée à l'exécution de travaux non autorisés, n'est pas exécutoire à ce stade.
La Drac cherche à maintenir le dialogue avec le porteur de projet et l'accompagne dans ses différentes initiatives. Accompagner ne signifie pas régulariser les travaux effectués sans autorisation mais s'intéresser à la manière dont nous pouvons protéger le site et, notamment, nous prémunir contre d'autres interventions susceptibles de porter atteinte aux abords et au monument. Pour bâtir un projet équilibré, le recours à une équipe pluridisciplinaire comprenant, outre l'architecte du patrimoine mandaté sur le monument, un paysagiste, est essentiel selon nous.
Pour ce qui est du volet environnemental relatif à l'évaluation et à la protection des espèces, des échanges réguliers sont menés avec le porteur de projet afin d'améliorer la qualité de son dossier et de réduire l'impact environnemental. L'État défend des exigences ambitieuses visant à protéger au mieux une biodiversité locale riche.
Je vous confirme qu'à ce stade le dossier n'est pas encore satisfaisant et que des compléments sont attendus de Rocher Mistral. La direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) recommande que le porteur de projet mette à jour l'étude d'impact pour tenir compte des modifications qu'il lui a apportées. Cette mise à jour inclura notamment une évaluation des incidences Natura 2000.
Madame la députée, je tiens à vous le dire ici très solennellement : il n'y a pas de bienveillance persistante de l'État ! Comme partout en France, il y a une exigence, celle de respecter la loi et de trouver le bon équilibre entre le développement économique – en l'occurrence touristique – et la protection de notre environnement. En effet, c'est bien l'environnement qui donne une chance d'intérêt et d'attrait touristique à ce lieu ; il doit donc être protégé.
Mme la présidente . La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian . Si j'entends vos mots, qui sont forts, j'espère qu'ils seront suivis d'effets sur le terrain.
Laisser une nouvelle saison touristique se dérouler alors même que les dégâts sont avérés suscite néanmoins des interrogations. Ce projet de divertissement, qui défend une vision biaisée de l'histoire, s'inscrit dans la croisade culturelle menée par l'extrême droite pour promouvoir dans notre pays un récit national aux antipodes des valeurs de la République. Nous ne devons pas laisser les promoteurs d'un prétendu « âge d'or de l'ancien régime » mettre en péril un espace protégé, sur un site où les risques naturels sont majeurs. Nous devons veiller au bien-être des habitants et habitantes ainsi qu'à celui des élus locaux qui s'élèvent contre ce projet.
Auteur : Mme Sophie Taillé-Polian
Type de question : Question orale
Rubrique : Environnement
Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 juin 2025