Impossibilité de retirer une offre de rachat dans une liquidation judiciaire
Question de :
Mme Danielle Brulebois
Jura (1re circonscription) - Ensemble pour la République
Mme Danielle Brulebois attire l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice sur l'impossibilité de retirer une offre de rachat dans le cadre d'une liquidation judiciaire avant la publication du rapport de l'administrateur judiciaire et avant la date d'audience d'examen des offres du tribunal. En effet, conformément à l'article L. 642-2-V du code du commerce, lors d'une affaire de reprise auprès du tribunal de commerce, l'offre ne peut être ni modifiée, sauf dans un sens plus favorable aux objectifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 642-1, ni retirée. Elle lie son auteur jusqu'à la décision du tribunal arrêtant le plan. En cas d'appel de la décision arrêtant le plan, seul le cessionnaire reste lié par son offre. L'article R. 642-1 indique qu'à peine d'irrecevabilité, seule une modification dans un sens favorable à l'offre, peut être apportée dans les deux jours ouvrés avant la date fixée pour l'audience d'examen des offres. En revanche, aucun délai et aucune précision ne sont apportés par les textes concernant les modalités du retrait d'une offre. Il semble anormal et injuste que le retrait d'une offre soit interdit dès lors que ce retrait est justifié. En revanche, l'impossibilité de retirer une offre avant la publication du rapport de l'administrateur judiciaire et avant la date d'audience d'examen des offres du tribunal apparaît contre-productif comme le prouve à plusieurs reprise la jurisprudence. Elle souhaite connaître ses intentions sur les précisions très attendues à apporter à la loi.
Réponse publiée le 8 avril 2025
La cession de l'entreprise est l'un des modes de réalisation de l'actif d'un débiteur en liquidation judiciaire. Elle est régie par les articles L. 642-1 à L. 642-17 du code de commerce. L'article L. 642-1 en fixe l'objectif : assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et apurer le passif. L'article L. 642-5 dispose par suite que « le tribunal retient l'offre qui permet dans les meilleures conditions d'assurer le plus durablement l'emploi attaché à l'ensemble cédé, le paiement des créanciers et qui présente les meilleures garanties d'exécution ». L'offre est ici entendue au sens du droit civil : elle est une manifestation unilatérale de volonté, celle par laquelle l'offrant, le candidat à la reprise, émet une offre d'acquisition suffisamment ferme et précise pour que son acceptation, consacrée par le jugement arrêtant le plan de cession, entraîne à elle seule la formation du contrat c'est-à-dire les actes de cession de l'entreprise. Aussi, l'article L. 642-2 pose le cadre dans lequel l'offre de reprise doit être formulée, qui permet de vérifier cette qualification. Le I énonce qu'elle doit être adressée au liquidateur ou à l'administrateur lorsqu'il en a été désigné. L'offre est ainsi faite à personne déterminée. Le II de cet article énonce ensuite que l'offre doit être écrite et précise. Enfin, le V pose la règle, objet de la présente question, selon laquelle : « L'offre ne peut être ni modifiée, sauf dans un sens plus favorable aux objectifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 642-1, ni retirée". Elle lie son auteur jusqu'à la décision du tribunal arrêtant le plan. C'est à dire que l'offre doit être ferme – elle engage le repreneur – et qu'elle est intangible. C'est donc parce que cette offre est irrévocable qu'elle permet la cession de l'entreprise au profit de son auteur, lorsque le tribunal la retient et arrête à son profit le plan de cession. Par hypothèse, l'offre est parvenue à son destinataire – le liquidateur ou l'administrateur judiciaire – elle ne peut donc être librement rétractée en application de l'article 1115 du code civil. Le V de l'article L. 642-2 déroge à l'article 1116 du code civil, qui envisage la rétractation de l'auteur dans un délai fixé par lui ou un délai raisonnable. Il en va de l'efficacité de la décision de justice, que commandent les objectifs poursuivis. Il convient de préciser que la jurisprudence admet cependant la licéité de certaines conditions suspensives qui peuvent être insérées dans l'offre, lorsqu'elles tiennent par exemple à l'obtention d'un agrément mais ces conditions devront être purgées avant le jugement, qui ne saurait être conditionnel. Ce dispositif vise à sécuriser le processus de cession d'entreprises en difficulté, favoriser le maintien de l'activité, des emplois et le désintéressement des créanciers, c'est pourquoi la modification du V de l'article L. 642-5 n'est pour l'immédiat pas envisagée.
Auteur : Mme Danielle Brulebois
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 28 janvier 2025
Réponse publiée le 8 avril 2025