Question orale n° 355 :
Rôle limité des maires dans les commissions d'attribution des logements sociaux

17e Législature

Question de : M. Sébastien Huyghe
Nord (5e circonscription) - Ensemble pour la République

M. Sébastien Huyghe attire l'attention de Mme la ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement, sur le rôle limité des maires dans les commissions d'attribution des logements sociaux. La crise du logement qui frappe le pays depuis 2022 s'aggrave, notamment dans les zones tendues. Pour de plus en plus de citoyens, accéder à un logement abordable près de son lieu de travail relève de l'impossible. Beaucoup se tournent vers le logement social. D'autres renoncent, découragés par l'ampleur des délais et le manque de perspectives. Certaines communes, comme celle de Bauvin dans la cinquième circonscription du Nord, dont le maire a récemment alerté M. le député, engagent des investissements lourds pour construire des logements sociaux. Pourtant, leur rôle dans leur attribution reste limité. Ils siègent de droit dans les commissions d'attribution des logements (CAL) mais leur voix pèse peu puisque les représentants de l'organisme HLM y sont majoritaires. La répartition entre réservataires prive donc souvent les habitants de ces communes de l'accès aux logements sociaux. Un résident de longue date ou une personne y travaillant peut se voir refuser un logement au profit d'un candidat venu d'ailleurs. Cette situation alimente l'incompréhension, puis la colère. Et cette colère monte. Elle fragilise le lien social et menace le vivre-ensemble, à un moment où celui-ci est plus que jamais nécessaire. Il apparaît donc nécessaire de mieux aligner les responsabilités des maires avec leur pouvoir réel dans ces commissions. Ils devraient avoir des pouvoirs spécifiques en matière de primo-attributions des logements sociaux puisque ce sont celles qui façonnent durablement l'équilibre d'un quartier et la réussite d'un programme. Le maire, qui connaît son territoire, est souvent le mieux placé pour en évaluer les enjeux. Ces mesures figuraient dans la proposition de loi sur l'attribution des logements sociaux et le projet de loi sur le développement de l'offre de logements abordables. Malheureusement, ces textes ne sont pas allés au bout de leur parcours législatif. Il lui demande si elle prévoit de rouvrir ce chantier essentiel dans un esprit de confiance avec les élus locaux et pour répondre collectivement au défi du logement.

Réponse en séance, et publiée le 11 juin 2025

ATTRIBUTION DES LOGEMENTS SOCIAUX
Mme la présidente . La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour exposer sa question, no 355, relative à l’attribution des logements sociaux.

M. Sébastien Huyghe . Ma question était initialement adressée à Mme la ministre chargée du logement, mais je ne doute pas que M. le ministre chargé des transports saura y répondre.

La crise du logement qui frappe notre pays depuis 2022 s’aggrave, notamment dans les zones tendues. Pour un nombre grandissant de nos concitoyens, il est impossible d’accéder à un logement abordable à proximité de son lieu de travail. Ils sont nombreux à se tourner vers le logement social, quand d’autres y renoncent, découragés par la longueur des délais et le manque de perspectives.

Certaines communes – comme, dans la cinquième circonscription du Nord, celle de Bauvin, dont le maire m’a récemment alerté – engagent des investissements lourds pour construire des logements sociaux. Le rôle des maires dans leur attribution reste pourtant limité : s’ils siègent de droit dans les commissions d’attribution des logements – les CAL –, leur voix pèse peu face à celles des représentants des organismes HLM, qui y sont majoritaires. Les répartitions entre les réservataires privent donc souvent les habitants de ces communes de l’accès aux logements sociaux : un résident de longue date ou bien une personne y travaillant peuvent se voir refuser un logement au profit d’un candidat venu d’ailleurs.

Cette situation alimente l’incompréhension et fait monter la colère. Elle fragilise le lien social et menace le vivre-ensemble, à l'heure où celui-ci est plus que jamais nécessaire. Il faut donc mieux aligner, dans ces commissions, les responsabilités des maires avec leur pouvoir réel. Ils devraient se voir reconnaître des pouvoirs spécifiques en matière de primo-attribution des logements sociaux, primo-attribution qui façonne durablement l’équilibre d’un quartier et la réussite d’un programme. Le maire, qui connaît son territoire, est souvent le mieux placé pour en évaluer les enjeux.

De telles mesures figuraient dans la proposition de loi sur l’attribution des logements sociaux et dans le projet de loi sur le développement de l’offre de logements abordables – textes qui n'ont malheureusement pu aller au bout de leur parcours législatif.

Le gouvernement prévoit-il de rouvrir ce chantier essentiel, dans un esprit de confiance envers les élus locaux, afin que nous puissions collectivement répondre aux défis du logement ?

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre chargé des transports.

M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports . Je vous remercie pour ces propositions, que je ne manquerai pas de transmettre à ma collègue Valérie Létard. De futurs vecteurs législatifs nous permettront peut-être d’avancer sur ces sujets.

Je rappelle que le maire dispose de différents moyens d’action dans le cadre légal en vigueur. Vous le savez, c'est l’échelon intercommunal qui tient le rôle principal dans la politique du logement depuis la loi Alur de 2014.

Pour autant, le maire reste un acteur essentiel dans la politique d'attribution des logements sociaux. Certains l'oublient, mais le code de la construction et de l'habitation prévoit plusieurs leviers afin d'associer pleinement les maires au processus de décision en matière d'attribution, que ce soit grâce aux documents de planification stratégique ou lors des instances décisionnelles attribuant les logements.

Ainsi, les maires participent aux conférences intercommunales du logement comme à l'élaboration des conventions intercommunales d'attribution et du plan partenarial de gestion de la demande de logement social et d'information des demandeurs, qui sont du ressort des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

En outre, le maire donne son avis lors des différentes étapes liées aux attributions, ce qui est bien normal, que ce soit au sein des commissions de coordination des accords collectifs intercommunaux, où son avis en opportunité est attendu, ou dans les commissions d'attribution, où il dispose d'une voix prépondérante.

Enfin, lorsqu'il s'agit de quartiers prioritaires de la politique de la ville, où les enjeux d'équilibre de peuplement sont prégnants, il peut proposer la mise en place de commissions de coordination avec les acteurs réservataires afin de peser sur ces équilibres.

Le maire influence donc significativement les objectifs d'attribution et de mixité sociale de son territoire. Il est important qu'il se saisisse pleinement des outils à sa disposition. Le gouvernement est naturellement ouvert à des réflexions sur ces enjeux, comme je l'ai expliqué au début de ma réponse.

Mme la présidente . La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe . Force est cependant de constater que les maires n'ont la main que sur 20 % des attributions. Même s'ils sont consultés et peuvent donner leur avis sur les autres, 20 %, c'est peu.

Dans certaines zones très tendues, des habitants de longue date, profondément attachés à leur commune, souhaitent y rester. Ils y ont construit leur vie, leurs enfants vont à l'école, et leur travail est souvent situé à proximité. Pourtant, si vous me permettez l'expression, beaucoup voient les logements sociaux leur passer sous le nez, au profit de personnes venant de plus loin.

Cela résulte parfois du fait que les communes d'origine de ces nouveaux arrivants ne respectent pas leurs obligations en matière de logements sociaux.

Pour garantir un meilleur équilibre, il faudrait que les maires puissent bénéficier de bien plus que les 20 % actuels à la fin du processus, après que d'autres organismes prioritaires ont imposé des attributaires venant parfois d'autres territoires.

Données clés

Auteur : M. Sébastien Huyghe

Type de question : Question orale

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : Logement

Ministère répondant : Logement

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 juin 2025

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