Suites gouvernementales au rapport Les Frères musulmans et islamisme politique
Question de :
Mme Constance Le Grip
Hauts-de-Seine (6e circonscription) - Ensemble pour la République
Mme Constance Le Grip interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les suites que le Gouvernement entend donner aux recommandations formulées dans le rapport déclassifié « Les Frères musulmans et islamisme politique en France ». Commandé par le ministère de l'intérieur, ce document alerte sur la progression méthodique d'un islamisme politique porté par la mouvance frériste, visant à rendre progressivement la société compatible avec les principes de la charia, au moyen de stratégies d'entrisme, de prédication et de séparatisme. Alors qu'un Conseil de défense et de sécurité nationale s'est tenu ce mercredi 21 mai 2025 autour du Président de la République, elle souhaite savoir quelles mesures concrètes le Gouvernement entend prendre pour faire face à cette menace identifiée, notamment en matière de traduction juridique des recommandations, de démantèlement des réseaux concernés et de protection effective de la République, de ses citoyens et de ses valeurs.
Réponse en séance, et publiée le 11 juin 2025
ISLAMISME POLITIQUE
Mme la présidente . La parole est à Mme Constance Le Grip, pour exposer sa question, no 357, relative à l'islamisme politique.
Mme Constance Le Grip . Ma question porte sur le rapport relatif à la mouvance des Frères musulmans et à l'islamisme politique, rendu public il y a quelques jours. Issu d'une commande passée lors d'un conseil de défense et de sécurité nationale en janvier 2024 par Gérald Darmanin, alors ministre de l'intérieur, et Sébastien Lecornu, ministre des armées, et rédigé par plusieurs hauts fonctionnaires, il met en avant une menace grave, devenue malheureusement une réalité : l'entrisme de la mouvance des Frères musulmans.
Cette stratégie se caractérise, entre autres, par la dissimulation et le double discours – autrement dit, on avance souvent masqué – avec, pour objectif, de faire basculer notre société, notre pays en les soumettant aux règles coraniques, en rupture avec nos valeurs et nos institutions républicaines, notamment la laïcité, l'un des fondements de notre pacte républicain.
Cette mouvance a entamé de façon méthodique une démarche qui vise à introduire d'autres allégeances que le respect des lois de la République française. En France, c'est l'organisation Musulmans de France – anciennement UOIF, Union des organisations islamiques de France – qui en constitue la branche principale. Elle est en quelque sorte sa vitrine, avec 139 lieux de culte, plus de 280 associations satellites et trois établissements scolaires de référence.
L'entrisme de l'islamisme politique, qui ne saurait se résumer aux Frères musulmans, repose, selon le rapport, sur un triptyque bien identifié : prédication, éducation et action associative, caritative, sportive ou culturelle.
Le 21 mai dernier, un Conseil de défense et de sécurité nationale, présidé par Emmanuel Macron, a été convoqué pour analyser le rapport et étudier les suites à donner à celui-ci. Le 26 mai, le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau, a participé, dans les Hauts-de-Seine – dont j'ai l'honneur d'être une élue – à une réunion de la cellule départementale de lutte contre l'islamisme politique et le repli communautaire (Clir). J'en profite au passage pour saluer l'engagement fort du préfet des Hauts-de-Seine, Alexandre Brugère, sur ces questions.
Quels sont les axes de combat et les pistes d'action et de travail précises envisagés par le gouvernement – durcissement des entraves administratives, renforcement de mesures contenues dans la loi « séparatisme », création d'un délit d'entrisme, ou encore nouvelle étape législative avec peut-être une loi « séparatisme » 2 ? Quelles réponses allons-nous apporter ?
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur . La menace que représentent en France les Frères musulmans et l'entrisme de l'islam radical a été documentée dans le rapport que vous avez cité, et qui a été rédigé à l'initiative du ministre de l'intérieur et du président de la République. Chacun a pu en prendre connaissance.
En braquant les projecteurs sur ceux qui veulent rester dans l'ombre, le premier objectif du gouvernement était d'agir contre ceux qui tentent, à bas bruit, d'imposer des valeurs qui vont à l'encontre de celles qui fondent notre démocratie. Le rapport permet de nous renseigner sur les territoires où ils agissent et sur la menace que font courir à la République ceux qui, souvent par intérêt électoral, pactisent avec ces personnes.
Le constat, accablant, dévoile le projet, les méthodes et surtout la progression de la stratégie des Frères musulmans. Lors du dernier Conseil de défense et de sécurité nationale, le président de la République a d'ailleurs encouragé le gouvernement à aller encore plus loin dans les propositions de solutions – celles-ci seront présentées lors d'un prochain Conseil.
Sans attendre, le ministère de l'intérieur a d'ores et déjà annoncé de premières mesures visant à ce que chacun prenne conscience de la menace et se rende compte de cette stratégie insidieuse qui joue sur nos principes démocratiques et détourne notre confiance. C'est important.
Il faut donc former les fonctionnaires, c'est pourquoi un séminaire sera organisé dans les prochains jours pour les préfets, tandis que des modules sur le sujet seront introduits dans la formation des hauts fonctionnaires. Il convient également de sensibiliser les élus qui ne maîtrisent pas toujours ces enjeux alors qu'ils sont en première ligne. Nous devons aussi assurer une meilleure information de tous nos concitoyens – la publication de ce rapport y contribue.
Vous l'avez dit, il faut aussi entraver ceux qui constituent cette menace avec tous les moyens à notre disposition. Les dissolutions sont déjà possibles mais n'ont pas toujours les effets escomptés, les organisations arrivant à transférer leur trésor de guerre à l'étranger. Le ministre de l'intérieur souhaite donc se concentrer sur leur financement en cassant les écosystèmes financiers pour taper au portefeuille – ce qui est également important.
De même, les motifs de dissolution manquent parfois face à des groupes passés maîtres dans l'art de la dissimulation – la fameuse taqiya. Il est donc nécessaire de trouver des moyens adaptés à leur stratégie afin de rendre possibles les dissolutions.
Par ailleurs, il faut mieux organiser l'action de l'État et de ses différents services, sur le modèle de ce qui se fait dans les Clir, avec un état-major permanent dédié à cette mission, ce qui facilitera le partage d'information entre les administrations fiscale, judiciaire, scolaire mais aussi sportive et donc l'identification des associations délictueuses.
Enfin il faut soutenir certaines dispositions législatives, comme l'interdiction des signes religieux lors des compétitions sportives officielles ou celle des listes communautaires, particulièrement à l'approche des élections municipales. J'ajoute que la proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire que « nul ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour se soustraire à la règle commune » a été déposée, une nouvelle fois, au Sénat en février. Nous souhaitons bien sûr que ce texte poursuive son parcours législatif.
Grâce à tous les moyens que j'ai évoqués, nous devons être implacables car le phénomène que vous évoquez est de nature à déstabiliser notre pays.
Auteur : Mme Constance Le Grip
Type de question : Question orale
Rubrique : Laïcité
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 juin 2025