Petite enfance - accueil en micro-crèches
Question de :
M. Yannick Favennec-Bécot
Mayenne (3e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
M. Yannick Favennec-Bécot attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur les inquiétudes de la fédération nationale représentative des entreprises de la petite enfance et des responsables des micro-crèches de la Mayenne, quant à un projet de décret qui mettrait en péril 80 000 places d'accueil, 35 000 emplois et 6 500 micro-crèches. En effet, sans concertation avec les professionnels du secteur de la petite enfance, le Gouvernement a annoncé en décembre 2024 vouloir modifier les règles organisationnelles et structurelles des micro-crèches au 1er janvier 2026, sans que ces règles puissent être mises en œuvre au vu de la situation du secteur (pénurie de professionnels, manque de places, de formation etc.) et de l'équilibre économique des structures. La France manque aujourd'hui de solutions d'accueil pour répondre aux besoins de garde d'enfants des familles, et permettre notamment aux femmes qui le souhaitent, principales concernées par l'absence possible de conciliation vie personnelle et professionnelle, de continuer d'exercer une activité professionnelle. En outre, le secteur de la petite enfance est confronté à une pénurie de professionnels ; 30 000 professionnels devront être recrutés pour répondre aux besoins des familles. Selon les professionnels du secteur, la réponse que le Gouvernement entend apporter à cette situation déjà très critique risque de détruire un modèle, celui des micro-crèches, au motif que celui-ci ne serait pas qualitatif alors même que l'inverse est démontré dans les récents rapports de l'inspection générale interministérielle du secteur social (IGAS) et de l'inspection générale des finances (IGF). Parmi les mesures envisagées, sur lesquelles le conseil d'administration de la caisse nationale d'allocations familiales a émis un avis défavorable, sont prévues notamment : l'obligation de licencier au 31 décembre 2025 les salariés diplômés de l'éducation nationale pour les remplacer par des professionnels titulaires de diplômes d'État délivrés en un à trois ans qui n'existent pas ; la fin de la possibilité d'évolution professionnelle vers des fonctions de direction (référent technique) des professionnels disposant notamment d'un diplôme d'auxiliaire de puériculture ou d'un CAP accompagnement éducatif petite enfance (AEPE) les privant de toutes perspectives d'évolution ; l'impossibilité pour les salariés disposant d'un CAP AEPE d'accueillir seuls jusqu'à 3 enfants alors même que les assistantes maternelles à domicile ou les maisons d'assistants maternels (MAM) peuvent accueillir seules jusqu'à six enfants, ce qui entraînera la réduction des horaires d'accueil des familles ; l'impossibilité de comptabiliser dans les effectifs encadrant les enfants le réfèrent technique de la structure, alors même que ce professionnel de la petite enfance est diplômé et qualifié (sa quotité de travail administratif passerait de 20 à 50 % de son temps travail). Les structures vont donc devoir embaucher pour pallier ce temps supplémentaire d'absence du référent technique et cela sans accompagnement financier. Ces mesures, prises dans un objectif d'amélioration de la qualité, si elles étaient appliquées, risquent de faire perdre leurs emplois à des milliers de professionnels en poste qui ne répondront pas à ces nouvelles obligations. En outre, les surcoûts engendrés par ces mesures ne pourront être supportés économiquement par les micro-crèches, dont les prix sont encadrés. D'autant que, sur ce sujet, le Gouvernement a apporté un avis défavorable à un amendement adopté par les sénateurs, qui visait justement à revaloriser le plafond horaire des micro-crèches dont le montant est figé à 10 euros depuis 2013. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelle réponse elle entend apporter à ces légitimes inquiétudes.
Réponse publiée le 18 mars 2025
Ce projet de décret, en cours d'examen par le Conseil d'Etat, a notamment pour objet d'aligner les normes d'encadrement des micro-crèches sur les crèches classiques de taille similaire (petites crèches). Il revient sur les dérogations qui s'appliquaient aux micro-crèches et demande que la structure compte au moins un professionnel diplômé d'Etat de rang 1 et la possibilité pour ce professionnel d'accueillir seul jusqu'à 3 enfants. Le texte prévoit qu'un directeur exerce des fonctions de direction pour un maximum de 2 établissements. La priorité de cette mesure est la qualité de l'accueil des enfants et la mise en place des garanties nécessaires pour que l'accueil soit respectueux de leurs besoins et de leurs droits. Cette qualité d'accueil est également la condition primordiale pour restaurer l'attractivité des métiers : les professionnels ne pourront venir et rester dans le secteur de la petite enfance que s'ils sont en mesure d'exercer leur profession d'une façon qui soit conforme à leurs valeurs et à leur formation. La pénurie ne pourra pas se résoudre en dégradant les conditions d'accueil et les conditions de travail pour être en mesure de recruter et de maintenir l'offre : cette dynamique suivie au cours des quinze dernières années a montré toutes ses limites et a conduit à la crise que nous connaissons aujourd'hui. Tout a été mis en place depuis deux ans pour s'engager dans un mouvement positif afin de rétablir la qualité d'accueil comme corollaire et préalable de la réponse aux défis de la pénurie de professionnels. Plusieurs rapports des inspections générales, tant le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2023 sur la qualité d'accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches que le rapport IGAS-Inspection générale des finances (IGF) sur les micro-crèches de 2024, ont souligné au cours des deux dernières années que les conditions d'encadrement dérogatoires prévues pour les micro-crèches n'étaient pas suffisantes pour garantir cette qualité d'accueil et permettre un accompagnement adéquat des professionnels dans l'exercice de leur métier. Les conclusions de ces rapports, fruits de plusieurs mois d'investigations approfondies des inspections générales, ont été saluées par l'ensemble du secteur pour leur pertinence et leur fidélité à la réalité quotidienne des professionnels et des enfants qu'ils accueillent. Le Gouvernement agit en conformité avec ces recommandations. Les enfants qui sont accueillis dans les micro-crèches et dans les petites crèches sont les mêmes : il n'y a aucune raison acceptable que les conditions prévues pour l'encadrement ne soient pas similaires. Les catégories administratives n'ont pas à avoir d'influence sur la façon dont sont accompagnés les enfants. Ces orientations ne signifient nullement que l'Etat abandonne les micro-crèches : il finance ces établissements en versant aux parents le complément mode de garde et en accordant aux entreprises qui y réservent des berceaux des crédits d'impôt et des exonérations sociales. A ce jour, le montant global de financement public pour un berceau en micro-crèche prestation d'accueil du jeune enfant peut aller jusqu'à près de 22 000 euros par an (rapport IGAS-IGF). L'Etat agit en faveur des professionnels, qui sont confrontés quotidiennement aux difficultés induites par des conditions d'encadrement fragiles, pour leur donner la même qualité de conditions de travail et d'accompagnement que les salariés de crèches classiques. S'agissant de fonctions de directeur, les professionnels titulaires de diplômes d'Etat, notamment les éducateurs de jeunes enfants et les infirmiers puériculteurs, sont formés pour assurer la direction des structures, accompagner et former leurs équipes, animer le projet pédagogique de l'établissement. Ils permettent à tous les professionnels de la structure de travailler en confiance et en sécurité avec un encadrement formé. Il est de la responsabilité des gestionnaires et des employeurs d'accompagner les professionnels titulaires d'un certificat d'aptitude professionnelle ou d'un diplôme d'auxiliaire de puériculture dans leur parcours de carrière et de leur permettre d'acquérir les diplômes et certifications nécessaires pour progresser vers des emplois de direction. Pour accompagner cette réforme, des mesures dérogatoires sont prévues pour les personnels déjà en poste et les nouvelles normes ne s'appliqueront aux recrutements qu'à partir du 1er septembre 2026, afin de laisser le temps nécessaire pour s'organiser et pour préserver les structures existantes. Des travaux sont également en cours pour faciliter l'accès à la validation des acquis de l'expérience pour les professsionnels. Le Gouvernement reste néanmoins vigilant quant au modèle économique global de ces crèches. C'est dans cette optique qu'une réforme du financement de l'accueil du jeune enfant est d'ores et déjà engagée. Les élus seront associés à cette démarche et ses effets se concrétiseront pleinement dans la prochaine convention d'objectifs et de gestion de la caisse nationale des allocations familiales, afin de favoriser la création et le maintien de places dans un cadre financier plus sécurisé.
Auteur : M. Yannick Favennec-Bécot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions et activités sociales
Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles
Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles
Dates :
Question publiée le 28 janvier 2025
Réponse publiée le 18 mars 2025