Crise de la filière de l'imprimerie
Question de :
M. Yannick Favennec-Bécot
Mayenne (3e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
M. Yannick Favennec-Bécot attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la situation critique de la filière de l'imprimerie en France et en particulier sur le territoire de Mayenne Communauté. Les professionnels de l'imprimerie, composés majoritairement de TPE et PME, font face, depuis plusieurs mois, à une crise structurelle amplifiée par des facteurs conjoncturels récents : libertés accordées aux maisons d'édition en matière de facturation en lien avec la dérogation de la loi « LME », créant une forte pression sur les imprimeurs en fragilisant leurs marges et leur trésorerie ; hausse continue des coûts et tensions sur l'approvisionnement en papier, accentués par des déséquilibres géopolitiques et écologiques ; transformations technologiques rapides qui nécessitent des investissements lourds pour rester compétitif, en particulier dans les domaines de l'impression numérique, de la personnalisation à grande échelle et de la réduction de l'empreinte carbone ; difficultés rencontrées par les entreprises de la branche, majoritairement sous-capitalisées, pour accéder à l'investissement, en raison de la perception défavorable du secteur par les établissements bancaires. À ces contraintes s'ajoute une menace de plus en plus pressante : la délocalisation progressive de la production imprimée vers d'autres pays européens qui présentent des coûts de main-d'œuvre très bas. Plusieurs maisons d'édition commencent déjà à externaliser une part croissante de leurs impressions, faute d'un écosystème français suffisamment soutenu. Ces éléments fragilisent l'ensemble de la chaîne de valeur, menaçant des emplois qualifiés, un savoir-faire reconnu et des entreprises ancrées localement. Sur le territoire de Mayenne Communauté, plusieurs sites industriels sont aujourd'hui en difficulté, alors même qu'ils contribuent à la vitalité économique locale et participent à la structuration de filières complémentaires (édition, logistique, distribution). Les professionnels de l'imprimerie appellent donc à une concertation sur l'évolution des pratiques contractuelles entre éditeurs et imprimeurs, dans un esprit de rééquilibrage équitable et durable ; à la saisine du médiateur des entreprises pour mener cette concertation ; à la mise en place de mécanismes d'aides ciblées pour soutenir l'investissement dans les technologies d'impression de nouvelle génération et enfin à reconnaissance de l'imprimerie comme un secteur stratégique dans les politiques industrielles régionales et nationales, en tenant compte de sa dimension culturelle de son poids en emploi, en innovation et en structuration territoriale. Aussi, il souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour accompagner la filière de l'imprimerie dans cette transition et ainsi préserver la pérennité d'une filière qui demeure essentielle à la diversité culturelle, à l'aménagement du territoire et à la souveraineté industrielle de la France.
Réponse en séance, et publiée le 11 juin 2025
FILIÈRE DE L'IMPRIMERIE
Mme la présidente . La parole est à M. Yannick Favennec-Bécot, pour exposer sa question, no 367, relative à la filière de l'imprimerie.
M. Yannick Favennec-Bécot . La filière de l'imprimerie française traverse une crise profonde et silencieuse, qui fragilise ce secteur essentiel à notre souveraineté industrielle et à la vitalité de nos territoires. Dans mon département, la Mayenne, cette crise est devenue palpable.
Les entreprises du secteur, souvent des PME indépendantes, font face à une accumulation de difficultés : allongement des délais de paiement, qui asphyxie leur trésorerie ; baisse structurelle de la demande, liée à la dématérialisation ; explosion du coût des matières premières, notamment du papier et de l'énergie ; concurrence déloyale venue de l'étranger. À cela s'ajoute une menace croissante : la délocalisation insidieuse de la production imprimée vers d'autres pays européens à bas coût. Allons-nous attendre que le prix Goncourt soit imprimé à l'étranger – non par choix culturel, mais pas résignation économique – pour réagir ? Ce serait un aveu d'échec.
Pourtant, ces entreprises sont des piliers dans nos territoires. En Mayenne, plus de 130 imprimeries sont implantées, parfois depuis plusieurs générations. L'imprimerie Floch, par exemple, imprime régulièrement des prix littéraires. Elle incarne un savoir-faire reconnu et une capacité industrielle de premier plan. Mais l'excellence de ces établissements ne suffit plus à garantir leur pérennité. L'imprimerie Corlet Roto, autre acteur historique de mon territoire, cessera ses activités à la fin du mois de juin, faute d'avoir pu résister à la pression économique.
Ces entreprises représentent des centaines d'emplois directs, une compétence technique précieuse et un tissu économique vivant. Mais aujourd'hui, elles peinent à investir, à se moderniser, à faire leur transition énergétique. Elles se battent seules.
Avec les professionnels et les élus locaux de mon territoire, nous vous demandons l'ouverture d'un dialogue structuré entre les éditeurs et les imprimeurs, sous l'égide du Médiateur des entreprises, afin de mieux réguler les relations commerciales. Nous vous demandons aussi l'instauration de dispositifs ciblés de soutien à l'investissement, assortis d'un accompagnement à la hauteur des enjeux. Le gouvernement va-t-il laisser la filière française de l'imprimerie et des industries graphiques s'éteindre à petit feu ? Quelles mesures concrètes entend-il prendre pour soutenir ce secteur, en particulier dans les départements industriels ruraux tels que la Mayenne ?
Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics . Je fais le lien entre votre question relative à l'imprimerie et une annonce intervenue ce week-end concernant le secteur amont : l'État va entrer au capital, pour 27 millions d'euros, de l'usine de pâte à papier Chapelle Darblay. Cela montre bien qu'il s'engage en faveur de l'ensemble de la filière.
L'imprimerie est une filière essentielle pour la culture de notre pays. Vous avez évoqué les prix littéraires, en particulier le prix Goncourt. Vous insistez sur la nécessité d'accompagner l'investissement des imprimeries sur le territoire national, pour qu'elles puissent moderniser leurs moyens de production, se décarboner et maintenir leur compétitivité, donc leurs emplois.
Sachez que le gouvernement est pleinement engagé dans le soutien à une industrie française forte, résiliente, compétitive et durable. Il a ainsi engagé 54 milliards d'euros dans le cadre du plan France 2030 pour soutenir les filières industrielles. Les imprimeries sont tout à fait éligibles aux appels à projets lancés en ce sens, notamment à ceux qui portent sur la décarbonation. Nous vous invitons donc à les relayer auprès de ces entreprises, à qui ils pourraient se révéler bénéfiques.
De nombreux industriels français de la production de papier ont bénéficié de soutiens massifs. Surtout, les récents progrès dans les négociations entre EDF et les industriels sur les contrats d'approvisionnement en électricité devraient profiter à la filière et, par suite, aux imprimeurs qui en sont les clients et consomment, eux aussi, beaucoup d'électricité.
Vous soulignez en outre l'intérêt d'une saisine du Médiateur des entreprises, compte tenu des difficultés dans les relations commerciales entre éditeurs et imprimeurs. Je vous confirme que le recours au Médiateur peut être utile lorsque les relations commerciales deviennent source de tensions. Dans le cas présent, vos préoccupations concernent les pratiques contractuelles, notamment en matière de délais de paiement et de pression tarifaire. Elles sont légitimes, car des difficultés de cette nature risquent d'affecter la stabilité économique des entreprises en question.
Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire, et son cabinet se tiennent à votre disposition et à celle des acteurs afin d'apprécier dans quelles conditions le Médiateur pourrait être saisi. Une telle initiative, si elle était retenue, est susceptible de rétablir un dialogue constructif entre les acteurs concernés et permettrait aussi d'aborder la difficulté d'accès des imprimeurs au secteur bancaire, dont vous avez fait état.
Vous l'avez compris, le gouvernement veillera à créer les conditions nécessaires pour que l'activité des imprimeurs mayennais se poursuive. Comme vous, j'estime regrettable que certains se résignent à ce que nos grandes œuvres littéraires soient imprimées à l'étranger. Il y va de l'avenir de toute la filière du livre, de la production de papier – j'ai évoqué la papeterie Chapelle Darblay – aux librairies – elles ont bénéficié, elles aussi, d'un large soutien depuis la crise du covid-19. Elle doit demeurer une filière d'excellence et de rayonnement.
Auteur : M. Yannick Favennec-Bécot
Type de question : Question orale
Rubrique : Presse et livres
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 juin 2025