Question écrite n° 3684 :
Accès aux soins lacunaire des personnes en centre de rétention administrative

17e Législature

Question de : M. Édouard Bénard
Seine-Maritime (3e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine

M. Édouard Bénard interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la prise en charge des personnes retenues en centre de rétention administrative. Quoique perfectible, la prise en charge médicale des détenus au sein des établissements pénitentiaires est assurée par le service public hospitalier dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie la population. À ce titre, les personnes détenues bénéficient de soins délivrés par des professionnels exerçant en milieu hospitalier (médecin, dentistes, psychologues, infirmiers...) ainsi qu'au sein des unités de consultations de soins ambulatoire (USCA) de l'établissement pénitentiaire. Ceux-ci sont affiliés au régime général de la sécurité sociale, disposent d'un dossier médical établi lors de leur entrée dans l'établissement pénitentiaire et peuvent demander à obtenir une consultation au sein de l'USCA. La demande de consultation peut également émaner du personnel pénitentiaire ou de toute autre personne agissant dans l'intérêt du détenu. À l'inverse, l'accès aux soins pour les personnes retenues en centre de rétention administrative est jugé très largement perfectible par les organisations assurant une mission d'information et d'aide à l'exercice des droits auprès des retenus. Ainsi, le rapport pour l'année 2023 publié par les associations Forum réfugiés, France Terre d'asile, le groupe SOS solidarités - Assfam, La Cimade et Solidarité Mayotte sur la situation dans les centres de rétention administrative fait état de l'insuffisante prise en compte de l'état de santé des étrangers malades retenus en CRA. Si les unités médicales des centres de rétention administrative (UMCRA) sont rattachées à un établissement de santé par le biais d'une convention signée par le préfet territorialement compétent et ledit établissement, il ressort du rapport précité que les UMCRA ne parviennent pas toujours à assurer le niveau de présence et de diversité des prises en charge prévu par les textes. À titre d'exemple, le CRA de Lille-Lesquin, qui dispose de 116 places, supposerait selon l'instruction du Gouvernement du 11 février 2022 (NOR:INTV2119176J) la présence de médecins 10 demi-journées par semaine. Dans les faits, les trois médecins assurant l'astreinte n'ont pas d'horaires de présence fixes et ne se déplacent que sur demande. Jusqu'en 2022 aucun médecin n'intervenait au CRA de Guadeloupe. Les CRA de Lyon St-Exupéry ont sous-traité les missions des UMCRA à une société privée DOKEVER, qui devait pallier les difficultés des hôpitaux de Lyon, société qui est elle-même incapable de remplir les conditions de présence exigées par la convention signée avec l'État. Le rapport précité indique que la plupart des unités médicales n'ont pas d'accès systématique à un interprétariat professionnel, rendant l'application des droits relatifs au consentement aux soins ou au refus de soins aléatoire au regard de la langue maîtrisée par la personne retenue. Par ailleurs, le rapport indique que la confidentialité de la prise en charge médicale des personnes retenues s'avère problématique dans de nombreux CRA. Alors que la présence d'un personnel de surveillance du CRA peut être sollicitée, à titre exceptionnel, par le personnel de l'UMCRA, des agents de police sont placés de manière systématique devant la porte du local dans certains CRA pendant tout le temps d'ouverture du service médical. Pire encore, les policiers et les gendarmes sont présents dans les locaux de l'UMCRA au moment des rendez-vous médicaux dans les deux CRA de Lyon St-Exupéry. L'accès à des spécialistes depuis les CRA est particulièrement complexe, ceux-ci se déplaçant rarement dans les CRA. L'administration du CRA argue bien souvent de problématiques d'escortes pour justifier les difficultés d'accès aux spécialistes. De fait, des situations d'interruption de suivi médical, pourtant considéré comme urgent et indispensable, dont bénéficiait la personne à l'extérieur, ou pendant sa période de détention précédant son arrivée au CRA, sont relevées par le rapport. De même, des personnes retenues en CRA rencontrées par les associations ont témoigné de difficultés d'accès à leurs traitements médicaux habituels quand d'autres, souffrant de troubles addictifs, se retrouvent dans une situation de sevrage forcé sans un appui médical en CRA. Par ailleurs, les textes en vigueur ne prévoient pas de transfert automatique du dossier médical des anciens détenus transférés en CRA, ce qui peut conduire a une interruption de traitement. En ce qui concerne les locaux de rétention administrative, créés sur décision du préfet, aucun accès aux soins n'y est prévu par les textes. La seule possibilité pour la personne retenue de voir un médecin consiste à solliciter une consultation d'un médecin extérieur conditionnée au seul bon vouloir de la police. Alors que les personnes retenues en CRA ne font pas l'objet d'une sanction pénale mais d'une décision administrative, pouvant conduire à un enfermement de 90 jours, ceux-ci disposent concrètement d'un accès aux soins inférieur à celui des détenus. Aussi, il lui demande quelles dispositions il entend prendre pour améliorer et rendre effectif l'accès aux soins aux personnes retenues dans les CRA et les LRA ainsi que pour garantir le respect du secret médical. Par ailleurs, il lui demande de préciser s'il prévoit d'organiser un transfert automatisé du dossier médical des anciens détenus transférés à leur sortie en CRA au personnel de santé dûment habilité intervenant pour le compte des CRA.

Données clés

Auteur : M. Édouard Bénard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date :
Question publiée le 4 février 2025

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