Refus de visa pour 16 journalistes afghans menacés de mort
Question de :
Mme Ségolène Amiot
Loire-Atlantique (3e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Ségolène Amiot attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la situation préoccupante des 16 journalistes afghans dont les demandes de visa ont été récemment rejetées par les autorités françaises. Ce refus de visa intervient dans un contexte particulièrement sensible, alors que l'Afghanistan est sous le régime des talibans, un régime qui persécute systématiquement les journalistes, en particulier ceux qui défendent la liberté d'expression et d'opinion. Il semble que cette décision, prise dans un contexte politique particulièrement sensible, soit avant tout motivée par des considérations diplomatiques. En effet, la France semble avoir fait le choix de limiter l'accueil de réfugiés et notamment de journalistes afghans, au moment même où elle se positionne sur la scène internationale concernant la situation en Afghanistan. Ce choix pourrait être perçu comme une décision purement politique, qui va à l'encontre des engagements internationaux de la France en matière de protection des droits des réfugiés et des journalistes persécutés. En tant que signataire de la Convention de Genève et des autres instruments internationaux relatifs à la protection des droits humains, la France a une responsabilité envers les journalistes fuyant les violences et les persécutions, en particulier lorsque ces individus risquent leur vie pour défendre la liberté d'expression et d'opinion. En refusant d'accueillir ces journalistes, la France se trouve en contradiction avec ses valeurs et ses engagements internationaux, tout en énonçant sa volonté de lutter contre les régimes autoritaires et le terrorisme. Le rejet de ces demandes de visa soulève également des préoccupations graves en matière de dignité humaine. Du fait de ce refus d'obtention de visa français, ces journalistes sont menacés d'expulsion, ainsi que de retour dans leur pays d'origine. La France les expose à des risques accrus de persécution en cas de retour et fait preuve d'un manque de moyens et de volonté politique pour mettre en place une réponse adaptée à la situation d'urgence à laquelle ces personnes sont confrontées. Depuis la prise de pouvoir des talibans en 2021, la situation des journalistes en Afghanistan est extrêmement dangereuse. Plus de 50 journalistes ont été tués ou blessés depuis 2021, avec une forte hausse des agressions et menaces (CPJ). 200 médias ont été fermés et les journalistes sont soumis à une censure stricte. Ceux qui couvrent des sujets sensibles risquent des arrestations ou des menaces de mort. Des visas ont été refusés à des journalistes femmes, alors même que le M. le Premier ministre François Bayrou a exprimé lors de son discours de politique générale la volonté de lutter contre les oppressions subies par les femmes afghanes. Depuis la prise de pouvoir des talibans en 2021, les femmes afghanes sont sévèrement persécutées. La répression des libertés des femmes est systématique et brutale. Dans ce contexte, Mme la députée interroge M. le ministre sur les raisons exactes de ces refus et sur la politique qui a présidé à cette décision. Elle souhaite savoir quelles mesures concrètes le Gouvernement entend prendre pour respecter ses engagements internationaux et protéger les journalistes afghans persécutés, notamment en facilitant leur accueil et leur protection en France. Enfin, elle lui demande quel renforcement des moyens serait envisagé afin d'assurer une prise en charge adéquate de ces personnes vulnérables, en cohérence avec les valeurs humaines et démocratiques que la France prône sur la scène internationale.
Réponse publiée le 17 juin 2025
La France, dans le respect de ses obligations internationales, continue de porter une attention particulière aux ressortissants afghans persécutés par le régime taliban, en particulier les femmes et les journalistes. Dès mai 2021, avant même la chute de Kaboul, la France a évacué 623 Afghans, agents de droit local et leurs familles. Puis, dans le cadre de l'opération APAGAN qui a débuté le 17 août 2021, la France a procédé à des évacuations de grande ampleur, en sus des demandes de réunification familiale déposées par des ressortissants afghans qui ont fait l'objet d'une instruction accélérée, permettant ainsi l'accueil de près de 14 000 personnes. Pour des raisons diplomatiques et sécuritaires évidentes, l'Ambassade de France à Kaboul a dû fermer ses portes le 28 août 2021. A partir de cette date, des dispositifs d'accueil ont été créés depuis des pays tiers afin que les Afghans en besoin de protection puissent être auditionnés par les services consulaires français et soumis aux contrôles de sécurité. Pour ce faire, des moyens supplémentaires ont été alloués à nos ambassades et aux services du ministère de l'Intérieur. Parmi ces dispositifs, le visa au titre de l'asile, qui est une spécificité française unique en Europe, a été déployé à grande échelle. Délivré à titre exceptionnel, le visa au titre de l'asile constitue une mesure de faveur qui relève du pouvoir discrétionnaire des autorités françaises, ni le droit international, en particulier la Convention de Genève, ni le droit européen, ni le droit français ne prévoyant le droit de demander l'asile depuis un pays tiers. Sur la base d' orientations conjointes du ministère de l'Intérieur et du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, il nécessite d'objectiver la menace actuelle et personnelle à laquelle sont exposés les demandeurs, non seulement dans leur pays d'origine mais également dans le pays depuis lequel ils sollicitent ces visas, ainsi que leurs liens avec la France. Dans ce cadre, les journalistes, travailleurs humanitaires, militants en faveur des droits de l'Homme ou les femmes isolées font l'objet d'une attention renforcée, et comme pour toute demande de visa, le ministère de l'Intérieur est également extrêmement attentif au risque de menace à l'ordre public. Depuis août 2021, plus de 1 900 visas au titre de l'asile ont été délivrés à des ressortissants afghans se trouvant principalement au Pakistan, en Iran et en Turquie. Entre 2022 et 2024, 31 % des bénéficiaires étaient des journalistes ou membres de la famille d'un journaliste, et 34 % des étaient des femmes. S'agissant des décisions de refus prises à l'encontre de 16 journalistes afghans et leurs familles, elles ont fait suite à un examen individuel minitieux de chaque situation, sur la base des éléments produits par les intéressés et d'un examen sécuritaire. Le tribunal administratif de Nantes a rejeté 10 des 16 requêtes et constaté le non-lieu à statuer dans 3 autres. Seuls 3 dossiers ont fait l'objet d'une injonction du tribunal à réexaminer les situations sur la base d'éléments nouveaux. Par ailleurs, la France a pris un engagement fort lors du Forum mondial pour les réfugiés de décembre 2023 en lançant l'initiative « Avec elles », en annonçant la réinstallation de 300 femmes afghanes et de leurs descendants en 2024. Cet objectif a été atteint. La France a tenu ses engagements, alors même que le parc d'hébergement pour demandeurs d'asile est occupé à 98% malgré l'effort considérable consenti dès 2017 pour l'accroître de 45 %.
Auteur : Mme Ségolène Amiot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 4 février 2025
Réponse publiée le 17 juin 2025