Défense européenne
Question de :
M. Matthieu Bloch
Doubs (3e circonscription) - UDR
Question posée en séance, et publiée le 6 février 2025
DÉFENSE EUROPÉENNE
Mme la présidente . La parole est à M. Matthieu Bloch.
M. Matthieu Bloch . À Bruxelles, les vingt-sept chefs d'État se sont réunis pour discuter de la défense européenne et de son financement, un an après le lancement des négociations sur le programme Edip – programme européen pour l'industrie de la défense – et dans le contexte du changement de présidence aux États-Unis.
Côté pile, ce programme prétend instaurer une préférence européenne en matière de défense, ce qui constituerait une avancée face à la domination américaine sur les achats d'armement européens. Côté face, la France semble bien seule à défendre une autonomie stratégique face à des partenaires qui préfèrent financer l'achat d'armes américaines grâce à l'argent des contribuables européens.
M. Laurent Jacobelli . Eh oui !
M. Matthieu Bloch . Pendant ce temps, la Commission européenne dirige son agenda vers une Union européenne de la défense, malgré l'absence de fondements d'une telle organisation dans les traités. Derrière ce slogan se cache une menace pour notre souveraineté et pour notre base industrielle de défense.
Vous affirmez adopter une position pragmatique, préférant ne rien faire plutôt que mal faire. Pourtant, accepter qu'un tiers des composants d'un projet européen provienne des États-Unis, au risque de compromettre nos exportations, n'est-ce pas un nouveau renoncement ? La souveraineté ne se négocie ni ne se partage, surtout pour une puissance nucléaire comme la France.
Il y a soixante-dix ans, la France du général de Gaulle a su dire non à la Communauté européenne de défense.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi . La chaise vide !
M. Matthieu Bloch . Aujourd'hui, alors que les traités garantissent que la politique de défense procède des seuls États, la Commission européenne avance sans aucune légitimité pour mettre à mal notre souveraineté sur ce sujet vital. Allez-vous laisser la Commission d'Ursula von der Leyen tailler en pièces notre défense, comme vous l'avez laissée massacrer notre modèle agricole, notre filière énergétique ou notre industrie automobile ? Allons-nous laisser le fruit de décennies d'investissements de l'État dans sa défense se dissoudre dans un marché mou européen à domination américaine ? Saurez-vous imposer la préférence européenne en matière d'achat d'armement, ce qui garantira notre indépendance d'approvisionnement et notre souveraineté sur l'utilisation de nos systèmes d'armes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre des armées.
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées . Pour expliquer ce que nous cherchons à faire à Bruxelles, dans le cadre des discussions que vous évoquez, il faut partir de nos propres intérêts. Premièrement, la défense est et restera une compétence des États membres, et toutes les initiatives qui sont lancées ne le sont que par l'expression des souverainetés des pays concernés, d'où l'objet de la réunion stratégique qui a eu lieu lundi dernier.
Deuxièmement, qu'on le veuille ou non et quelles que soient nos convictions politiques, l'Union européenne est déjà un marché unique, un marché commun ; or nos industries de défense ont besoin de financements, de simplification et d'accompagnement. Il y a trois ans, à Bruxelles, on voyait fleurir des initiatives en faveur d'une taxonomie sociale européenne, fondées sur l'idée selon laquelle produire des armes, c'était mal, voire sale. Les mêmes, trois ans plus tard, nous expliquent que l'on ne produit pas assez vite, ce qui sous-entend que les outils communautaires doivent servir à accélérer la production en Europe !
Troisièmement, des discussions sont en cours. Je le disais à l'instant à Mme Thillaye, un consensus doit être trouvé entre les différentes capitales. Je suis heureux de vous entendre parler de préférence européenne : on progresse ! Jadis, il aurait été uniquement question de préférence française. Vous l'avez dit vous-même : la domination américaine sur la plupart des acquisitions publiques en Europe est une réalité. Même si les armes françaises se vendent mieux en Europe qu'elles ne se vendaient il y a cinq ou dix ans - surtout ces quatre ou cinq dernières années, parce que la guerre en Ukraine a accéléré la prise de conscience à ce sujet -, il faut vraiment que l'argent du contribuable européen serve à acheter des armes dans l'Union européenne ! Si des capitales européennes veulent acheter des armes aux États-Unis, cela relève de leur souveraineté, mais elles doivent respecter la nôtre : cela ne doit pas se faire avec l'argent du contribuable français. (Mme Delphine Batho applaudit.)
Le bon deal – pardonnez-moi ce mauvais français –, c'est donc une arme dont la fabrication intègre suffisamment de composants produits dans l'Union européenne ; c'est surtout – vous ne l'avez pas dit – une arme de conception européenne. C'est ce critère qui permettra d'assurer une protection de nos outils communautaires et de notre souveraineté. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
Auteur : M. Matthieu Bloch
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Défense
Ministère interrogé : Armées
Ministère répondant : Armées
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 février 2025