Question de : Mme Géraldine Grangier
Doubs (4e circonscription) - Rassemblement National

Mme Géraldine Grangier attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la situation critique que traverse F2J Japy, sous-traitant automobile historique et fleuron industriel de Valentigney, dans le pays de Montbéliard. Entreprise emblématique de la région, F2J Japy est spécialisée dans la fabrication de boîtes de vitesses et collabore principalement avec le groupe Stellantis. Depuis plusieurs années, elle est confrontée à des crises récurrentes, qui illustrent les difficultés structurelles de l'industrie automobile française face aux mutations du secteur. En effet, l'entreprise a dû mettre en œuvre six plans de sauvegarde de l'emploi en huit ans, réduisant ses effectifs de façon drastique. Alors qu'elle employait encore plus de 600 salariés au début des années 2000, ce chiffre a chuté à 102 en 2024 et pourrait tomber à 62 d'ici quelques mois, avec la suppression prévue de 40 postes, soit 40 % de ses effectifs actuels. Ce nouveau plan social, qui prendra effet en mars 2025, s'explique principalement par la chute des commandes liées à la production de véhicules thermiques, en raison des nouvelles normes environnementales européennes et de l'arrêt programmé des moteurs thermiques d'ici 2035. F2J Japy, dont le cœur de métier repose sur ces technologies, peine à s'adapter à cette transition écologique, imposée de façon brutale et sans anticipation suffisante. Par ailleurs, l'entreprise doit faire face à une concurrence étrangère toujours plus féroce, provenant notamment de pays où les normes sociales et environnementales sont bien moins exigeantes. Au-delà des chiffres, cette situation met en péril un savoir-faire unique et stratégique pour l'industrie automobile française. F2J Japy est reconnue pour la qualité de ses productions, qui reposent sur une expertise accumulée depuis plusieurs décennies. Cependant, faute d'un accompagnement adéquat, cette entreprise risque de disparaître, emportant avec elle des compétences précieuses et un outil industriel performant. Cette crise n'est pas seulement celle d'une entreprise isolée, mais celle de tout un territoire. Le pays de Montbéliard, déjà durement frappé par les restructurations dans l'industrie automobile, voit son tissu économique et social se fragiliser davantage. De nombreuses familles dépendent directement ou indirectement de F2J Japy et des autres sous-traitants de Stellantis. À titre d'exemple, la fermeture d'usines ou les licenciements massifs dans cette région ont des répercussions sur les commerces de proximité, les services publics, ainsi que sur l'attractivité générale du territoire. Malgré cela, la direction de F2J Japy et ses salariés ne baissent pas les bras. Ils ont exprimé leur volonté de diversifier l'activité de l'entreprise, notamment vers des solutions plus adaptées aux nouvelles exigences du marché, comme la fabrication de composants pour les véhicules hybrides ou électriques. Cependant, cette transition nécessite des investissements importants, que l'entreprise ne peut pas assumer seule dans un contexte de fortes pressions concurrentielles et de baisse des volumes de production. Cette situation illustre également l'incapacité structurelle de la France à anticiper les mutations économiques. Alors que l'Union européenne impose des normes environnementales contraignantes, les outils d'accompagnement pour aider les entreprises à relever ces défis restent insuffisants ou inadaptés. Par ailleurs, le manque de protection des industries nationales face à la concurrence internationale aggrave les difficultés rencontrées par les entreprises françaises, notamment dans des secteurs stratégiques comme l'automobile. Dans ce contexte, Mme la députée demande à M. le ministre quelles mesures concrètes et immédiates il envisage pour accompagner financièrement et stratégiquement la diversification de F2J Japy, afin de préserver son outil industriel, ses savoir-faire et ses emplois. Elle souhaite savoir s'il est prévu de mobiliser des fonds spécifiques, comme ceux du plan France 2030 ou des dispositifs européens, pour permettre à cette entreprise de se repositionner sur des marchés porteurs. Elle souhaite également savoir ce qui est prévu pour renforcer l'anticipation des transitions industrielles, afin d'éviter que des territoires entiers ne subissent une désindustrialisation massive et connaître les politiques que le Gouvernement compte mettre en place pour garantir une adaptation plus fluide des entreprises aux normes environnementales, tout en soutenant les sous-traitants, souvent les premières victimes de ces transformations. Elle souhaite savoir ce que le Gouvernement envisage pour soutenir le bassin d'emploi du pays de Montbéliard, en développant des dispositifs de formation et de reconversion adaptés et en favorisant l'installation de nouvelles activités industrielles et s'il envisage de créer des zones franches industrielles ou des incitations fiscales pour relancer l'attractivité de cette région fortement marquée par les crises économiques successives. Mme la députée appelle donc à une action rapide et ambitieuse pour préserver l'avenir industriel du pays de Montbéliard. L'exemple de F2J Japy illustre la nécessité de repenser le modèle économique et industriel, afin de garantir une transition écologique juste et équitable, sans sacrifier les savoir-faire ni les territoires qui font la force du pays. Elle lui demande si le Gouvernement est prêt à mettre en œuvre des solutions à la hauteur des enjeux, pour protéger les entreprises, les emplois et la souveraineté industrielle.

Réponse publiée le 20 mai 2025

La situation de F2J Japy illustre la situation dégradée de la filière automobile européenne. En raison des crises successives du Covid-19, des semi-conducteurs et des matières premières, et de la poursuite des politiques de mise en concurrence avec des « pays à bas coûts » par les constructeurs, les niveaux de production automobile européenne restent inférieurs de 20 % à ceux de 2019. C'est pourquoi les sous-traitants, et notamment ceux de la chaîne de valeur du véhicule thermique, ont été particulièrement touchés, dans leur chiffre d'affaires d'abord, dans leurs marges et dans leurs emplois ensuite. Cette situation rend difficile la réalisation d'investissements qui sont pourtant importants en vue de la transition écologique de la filière. Dans ce contexte, les sous-traitants automobiles et l'ensemble de la filière ont pu compter sur un soutien fort de l'État visant à répondre à leurs besoins d'investissement et d'innovation – en vue du maintien des activités et des emplois en France. Ainsi, ont été déployés depuis 2020, à travers le Fonds de modernisation des sous-traitants automobiles, les appels à projets « Soutien aux projets de diversification des sous-traitants de la filière automobile » et « Soutien aux projets d'investissement pour produire en France les véhicules routiers de demain et leurs composants ». En ont résulté près de 650 projets d'investissement, de modernisation et de diversification qui ont été soutenus par 750 millions d'euros d'aide publique, permettant de sécuriser près de 3 milliards d'euros d'investissements dans la filière. Sur ce point, F2J Japy a pu bénéficier du Fonds de modernisation initié dans le cadre de France Relance pour leur projet « F2J JAPY 4.0 » – à hauteur de 40 % des investissements réalisés, soit 800 000 euros sur 1 997 000 euros. Ce projet consistait à moderniser l'usine, à l'adapter aux technologies 4.0 et à diversifier son activité. Aussi, la filière automobile a bénéficié d'un soutien public pour ses projets d'innovation, à travers les appels à projets CORAM, des accompagnements individuels proposés en collaboration avec Bpifrance – les « Accélérateurs Automobiles » – ou encore des dispositifs dédiés à la décarbonation opérés par l'Ademe (par exemple, l'appel à projets Décarb'Ind). De même, concernant la question de l'emploi et les enjeux territoriaux, les entreprises peuvent candidater au dispositif Transitions Collectives (Transco) pour les sujets de reconversion, au Fonds national de l'emploi (FNE) – Formation pour les sujets de formation, tandis que le programme Territoires d'Industrie propose des dispositifs adaptés à l'échelle locale. Les entreprises de la filière automobile font l'objet d'un suivi de l'État, opéré par les DREETS et se traduisant par de nombreuses visites mensuelles, et ce afin de connaître les sous-traitants, leurs problématiques et leurs projets, d'anticiper les enjeux de la filière et de proposer les réponses publiques adaptées. Un plan « sous-traitants » a par ailleurs été annoncé en octobre 2023 par le ministre de l'Industrie, afin de déployer au mieux les dispositifs de soutien existants. Enfin, afin de répondre à une concurrence déloyale, la Commission européenne a mis en place en octobre 2024 des droits de douanes anti-subventions concernant les véhicules électriques légers produits en Chine. Cette mesure vise à rétablir une concurrence équitable sur le marché européen du véhicule électrique.

Données clés

Auteur : Mme Géraldine Grangier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Industrie et énergie

Dates :
Question publiée le 4 février 2025
Réponse publiée le 20 mai 2025

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