Menace sur les maisons de justice et du droit
Question de :
M. Hadrien Clouet
Haute-Garonne (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Hadrien Clouet interroge M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur la fermeture des maisons de justice et du droit en Haute-Garonne. Le département compte aujourd'hui théoriquement trois maisons de la justice et du droit (MJD). Une se trouve dans la commune de Tournefeuille, deux dans la commune de Toulouse. Les MJD sont un lieu de proximité essentiel, permettant un accès plus proche à la justice, à la fois gratuit et anonyme. Au nombre de 144, elles sont placées sous l'autorité du procureur de la République et la présidence du tribunal judiciaire de leur territoire. Elles informent les citoyens sur leurs droits lors de consultations juridiques et concourent à la prévention. Elles facilitent les règlements des petits conflits à l'amiable, permettant une déjudiciarisation de la société. Elles accueillent des cas et des personnes qui seraient sinon renvoyés auprès des tribunaux, déjà sous-dimensionnés et engorgés. Finalement, elles assurent les procédures substitutives aux poursuites ou aux peines et reçoivent des mineurs confiés à la protection judiciaire de la jeunesse. Or force est de constater qu'une seule des trois MJD, dans le quartier de la Reynerie à Toulouse, fonctionne avec des permanences régulières et des horaires d'ouverture compatibles aux besoins de la population. La MJD de Toulouse-Nord n'est plus ouverte, quant à elle, que trois jours par semaine, contre cinq jours auparavant. Pire encore, la MJD de Tournefeuille est fermée depuis le mois de décembre 2024. Cette situation est la conséquence directe des politiques d'austérité. En effet, les MJD fonctionnent à partir d'un personnel issu du ministère de la justice, des collectivités locales et des associations. Ces trois types d'acteurs sont tous concernés par les baisses de budgets. Le ministère de la justice demeure le parent pauvre de l'Europe, avec un budget qui progresse moins vite que le nombre et la complexité des affaires. Les collectivités subissent une réduction incessante de leurs dotations, qui les amène à sacrifier certains services publics. Les associations sont victimes à la fois de la réduction des subventions d'État et des collectivités. Tout cela se noue au sein des MJD, étranglées dans la Haute-Garonne comme ailleurs. Mais la justice ne peut pas être une variable d'ajustement des budgets étatiques, départementaux et associatifs. Ces coups de rabot nuisent directement aux usagers du service public et aux magistrats. Chaque fermeture d'antenne provoque une recentralisation des services de justice vers l'antenne principale, mais avec un nombre d'agents équivalent. L'engorgement des tribunaux n'est pas causé par un soi-disant ensauvagement de la société, mais par une casse du service public de la justice orchestré par l'austérité budgétaire des gouvernements actuels et précédents. Aussi M. le député demande-t-il à M. le ministre s'il compte mettre en place un plan d'urgence pour sauver les maisons de justice et du droit, qui ferment en nombre à cause du manque de moyens des collectivités, des associations et de l'État. Il souhaite savoir ce qu'il propose aux usagers et au personnel des MJD Tournefeuille et Toulouse-Nord, désormais privés d'une offre de consultation, d'information et d'activité judiciaire de proximité.
Réponse publiée le 8 avril 2025
Le ministre d'Etat, garde des Sceaux, ministre de la Justice précise que le ministère de la Justice a été alerté de la situation préoccupante des maisons de justice et du droit (MJD) situées à Toulouse et y est particulièrement attentif. Les MJD ont été créées dans les années 1990 dans les quartiers sensibles à l'initiative des procureurs de la République pour rapprocher le traitement de la petite délinquance des lieux de commission des infractions. Elles participent des actions menées pour renforcer le maillage territorial des lieux d'accès au droit au profit des usagers et à la promotion de la justice de proximité. Le ministère de la Justice accorde une importance toute particulière au maillage territorial de l'accès au droit pour un accès à la justice pour toutes et tous jusqu'au dernier kilomètre de nos politiques publiques. Alors qu'aucune décision de création de maison de justice et du droit n'avait été prise depuis 2014, le ministère de la Justice a récemment fait droit à quatre demandes de création de maisons de justice et du droit. Deux d'entre elles ont ouvert leurs portes à Lesparre-Médoc en Gironde et à Alès dans le Gard en 2024. Les deux dernières sont en cours de création, à Limoux dans l'Aude et à Paris 13ème. Par ailleurs, la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle du 12 octobre 2016, a mis en place un service d'accueil unique du justiciable (S.A.U.J.) et érige l'accès au droit et à la justice comme un service public de la justice, ce qui transforme les MJD dans leur fonctionnement. A ce jour, 150 maisons de justice et du droit sont implantées sur l'ensemble du territoire. Elles sont situées au sein de 66 départements et de 30 cours d'appel. Le fonctionnement régulier d'une MJD dépend notamment du personnel mis à disposition d'une part par les collectivités locales porteuses du projet et, d'autre part, par le ministère de la Justice, selon les préconisations de l'article R131-10 du code de l'organisation judiciaire. Le ministère de la Justice constate que les MJD font face à un manque de moyens humains et financiers, dans un contexte de désengagement croissant des collectivités locales. Ainsi, dans le ressort du tribunal judiciaire de Toulouse, la MJD de Toulouse Tournefeuille est fermée depuis fin 2024 en raison du non-renouvellement du contrat des agents mis à disposition par le Conseil départemental de la Haute-Garonne, ce qui a eu un impact très important sur l'activité de la MJD Toulouse Nord, qui a dû fermer durant le mois de décembre 2024 et a réouvert de manière partielle en janvier 2025. Selon les informations dont le ministère dispose, il ne restera plus que deux agents en contrat aidé au premier semestre 2025 (contre sept auparavant), de sorte que la poursuite de l'activité de ces deux MJD est compromise. C'est dans ce contexte que le ministère de la Justice, et plus particulièrement le service de l'accès au droit et à la justice et de l'aide aux victimes (SADJAV), en collaboration avec la direction des services judiciaire (DSJ), travaille afin de trouver des solutions pérennes pour maintenir l'activité des MJD sur le territoire national. Des postes de greffiers étant dédiés au bénéfice des MJD, le recrutement de 1 800 greffiers sur 5 ans de 2023 à 2027 permettra au directeur de greffe, sous le contrôle des chefs de juridiction en application de l'article article R123-16 du code de l'organisation judiciaire, de renforcer ces structures.
Auteur : M. Hadrien Clouet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 4 février 2025
Réponse publiée le 8 avril 2025