Retards de déploiement de la fibre optique dans les zones très denses
Question de :
M. Laurent Lhardit
Bouches-du-Rhône (2e circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Laurent Lhardit appelle l'attention de M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie, sur les retards préoccupants du déploiement de la fibre optique dans les zones urbaines très denses, notamment à Marseille. Lancé en février 2013, le plan France très haut débit (PFTHD) visait à couvrir l'intégralité du territoire en très haut débit d'ici 2022. Cette échéance a ensuite été modifiée par le Président de la République en une couverture non plus en très haut débit seulement, mais en fibre optique jusqu'à l'abonné (FttH), d'ici la fin 2025. Pour atteindre cet objectif, les décisions n° 2009-1106 et n° 2013-1475 de l'Autorité de régulation des communications éléctroniques des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) ont notamment défini, sans les consulter pour autant, une liste de communes constituant les zones très denses du territoire, sur lesquelles le régulateur a considéré, avec le soutien des principaux opérateurs privés, comme « économiquement viable pour plusieurs opérateurs de déployer leurs propres infrastructures, en l'occurrence leurs réseaux de fibre optique, au plus près des logements ». Environ 7,9 millions de locaux d'habitation et professionnels en France, dont l'intégralité des 530 000 locaux marseillais, relèvent ainsi de ces zones sur lesquelles seuls les opérateurs privés peuvent intervenir, exclusivement sur leurs fonds propres. Sur la base des chiffres les plus récents publiés par l'ARCEP (troisième trimestre 2024), l'objectif de couverture complète des foyers et entreprises en très haut débit est loin d'être atteint et ce, environ un an avant le terme fixé par le Président de la République. Le taux de locaux raccordables à la fibre s'élève ainsi à un peu plus de 85 % à Marseille (soit presque 80 000 locaux restant à couvrir), avec de très importantes disparités constatées d'un arrondissement à l'autre (seulement 49 % dans le premier arrondissement de la ville). Ce chiffre à l'échelle de la ville est comparable à celui de Nancy, mais d'autres grandes villes sont également éloignées de l'atteinte de l'objectif de complétude fixé : environ 88 % à Montpellier, 90 % à Toulon, Lille, Strasbourg et Toulouse, 91 % à Nantes et Bordeaux. Par ailleurs, il y a, localement comme à l'échelle nationale, un très net ralentissement des volumes de locaux traités en zones très denses. Ainsi, à Marseille, seulement 17 592 prises optiques ont été réalisées entre les troisièmes trimestres 2023 et 2024. Ce rythme ralentit depuis début 2022 au point que, sans action corrective massive, la couverture complète en fibre des communes des zones très denses ne serait pas atteinte avant la décennie 2030. Cette stagnation des déploiements pénalise grandement les citoyens et les entreprises pour lesquels une connexion à un internet à très haut débit de qualité est nécessaire au quotidien pour leurs usages numériques. Cette pénalisation deviendra une sanction pour ces mêmes habitants et entreprises si demain Orange est autorisée à fermer son réseau cuivre et donc l'ADSL, y compris en l'absence de fibre optique, sachant qu'en l'état l'ARCEP ne peut que retarder de quelques mois une telle fermeture, mais nullement l'interdire. À titre d'exemple, l'opérateur Orange envisage la fermeture technique de ce réseau en janvier 2028 dans le 9ème arrondissement de Marseille. Pourtant, le taux de locaux raccordables au troisième trimestre 2024 y est inférieur à 93 % et seules 157 prises y ont été réalisées depuis le deuxième trimestre 2024, 3 039 locaux demeurant à raccorder. Les habitants des zones très denses ne comprennent pas les retards très importants de déploiement de la fibre et n'acceptent pas des solutions alternatives aux coûts et caractéristiques non comparables (FTTO, 4G et 5G fixe, satellite) que les opérateurs et parfois l'État, entendent leur proposer. Ne disposant pas des calendriers des déploiements des opérateurs, les élus des communes en zones très denses sont désarmés pour leur apporter des réponses. Force est de constater que la dynamique des investissements des opérateurs dans les réseaux en fibre optique, presque exclusivement assumés par la société Orange, est aujourd'hui devenue largement insuffisante, alors qu'eux seuls ont le droit d'intervenir tant d'un point de vue réglementaire que du strict régime des aides d'État tel que fixé par l'Union européenne. Il apparaît donc urgent que le Gouvernement et l'ARCEP prennent acte des carences actuelles de l'initiative privée en zones très denses et établissent de concert un nouveau cadre réglementaire contraignant les opérateurs à reprendre et accélérer les déploiements de fibre optique, en leur imposant des échéances à respecter impérativement. Ce nouveau cadre doit à tout le moins interdire et non pas seulement retarder, la fermeture du réseau cuivre en l'absence de fibre optique. À défaut, il conviendrait que l'État et le régulateur laissent les collectivités reprendre la main sur l'intégralité de l'aménagement numérique de la zone très dense, y compris nécessairement sur les prises déjà déployées, afin de garantir la complétude que les acteurs privés n'auront pas été en mesure de faire. Aussi, il lui demande quelles mesures sont envisagées pour assurer dans les délais les plus brefs un raccordement en fibre optique de l'intégralité des locaux des zones très denses et plus globalement tenir l'engagement pris par le Président de la République de la couverture de l'ensemble du territoire national.
Auteur : M. Laurent Lhardit
Type de question : Question écrite
Rubrique : Numérique
Ministère interrogé : Industrie et énergie
Ministère répondant : Industrie et énergie
Date :
Question publiée le 4 février 2025