Question au Gouvernement n° 372 :
Devoir de vigilance des entreprises

17e Législature

Question de : M. Dominique Potier
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Socialistes et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 6 février 2025


DEVOIR DE VIGILANCE DES ENTREPRISES

Mme la présidente . La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier . Monsieur le premier ministre, la plus grande victoire idéologique de Donald Trump serait que nous ayons l'humanisme honteux. Une note remise le 22 janvier à Bruxelles par les autorités françaises nous a scandalisés : elle évoque un report sine die de l'entrée en vigueur de la directive, dite C3SD, sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. Elle nie ainsi dix ans de militance et de combat de la société civile en faveur des droits humains et de la protection de l'environnement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.)

Elle nie le résultat des délibérations que nous avons validé dans cette assemblée à la quasi-unanimité. Elle nie le long parcours législatif, au sein du trilogue, qui a abouti à l'adoption de cette directive au printemps dernier. Sur la forme, quelle brutalité !

Sur le fond, la remise en cause de cette directive reviendrait au triomphe de Shein…

M. Ian Boucard . Donc de M. Castaner !

M. Dominique Potier . …et au déni des millions de victimes de tous les Rana Plaza du monde. Elle serait oublieuse du fait que 160 millions d'enfants travaillent sur les chaînes de production mondialisées. Elle oublierait une planète qui, partout, déborde ou brûle.

Je vous le dis avec force, est-ce vraiment le moment pour que le gouvernement français, en particulier Bercy, demande à Bruxelles de rétablir l'impunité des multinationales, qui pourront s'exonérer de leurs responsabilités, alors que leur pouvoir est souvent supérieur à celui des États ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR. – Mme Marie-Pierre Rixain, M. Christophe Blanchet et M. Ian Boucard applaudissent aussi.)

Les directives européennes CS3D et CSRD – relative à la comptabilité extra-financière – ne sont pas seulement des fers de lance éthiques et des accélérateurs de la transition écologique ; elles sont aussi un bouclier pour notre industrie et pour notre agriculture.

M. Jean-Paul Lecoq . Exactement !

M. Dominique Potier . L'économie est un fleuve. Si elle n'est pas contenue par les rives du droit, elle ressemble à un marécage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

Vous êtes l'héritier de Marc Sangnier ; vous vous en réclamez. Retrouvez donc ce « sillon » (Mêmes mouvements – M. André Chassaigne applaudit également) et aidez-nous à bâtir une Europe puissance productive parce qu'elle sera une puissance normative. La position de la France est-elle susceptible d'évoluer ? Il s'agit de porter avec fierté la parole humaniste dans la mondialisation, au lieu de s'aligner sur ce qu'il y a pire dans le monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)

M. Jérôme Guedj . Marc Sangnier et Le Sillon ont été cités !

M. Olivier Falorni . Un humaniste !

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . Merci de votre question, qui va nous donner l'occasion, je l'espère, de clarifier les choses – et pardonnez-moi si je ne cite pas Marc Sangnier dans ma réponse.

M. Olivier Falorni . Vous pourriez !

M. Éric Lombard, ministre . Je sais que vous avez défendu, en 2017, un texte important qui porte votre nom et qui nous a permis d'avancer.

Nous sommes là au confluent de deux objectifs prioritaires. Le premier est effectivement la transformation écologique et énergétique. Il est exact que les directives CSRD et CS3D ont permis des avancées. En effet, rapporter publiquement ce que l'on fait, c'est s'exposer à la pression de la société, et nous croyons que cela va dans le bon sens. Mais, en même temps, nous avons un impératif de simplification, à un moment où les entreprises européennes sont dans la difficulté et soumises à une concurrence accrue.

Sur ces deux textes, notre volonté est similaire. La directive CSRD est déjà en vigueur pour les grandes entreprises. Pour les PME et les ETI, nous souhaitons nous fixer un objectif de simplification : il s'agit de rendre les règles plus praticables pour qu'elles puissent s'appliquer rapidement à ces entreprises. Pour avoir introduit la CSRD dans une grande institution que j'ai eu l'honneur de diriger jusqu'à récemment, je sais que c'est effectivement assez lourd. Un allégement est donc nécessaire. Je rappelle en outre que tous les pays européens n'ont pas transposé la directive, ce qui pose un problème de concurrence.

S'agissant de la directive CS3D, le processus est moins avancé, mais ne vous méprenez pas : nous souhaitons bel et bien qu'elle soit mise en œuvre. Nous devons néanmoins traiter deux sujets : la simplification des règles et leur modulation en fonction de la taille des entreprises. Plus l'entreprise est petite, plus les règles applicables doivent être simples, de sorte qu'elles soient effectivement mises en œuvre.

Nous allons bien dans la direction que vous indiquez, mais de façon précautionneuse, car il s'agit aussi de protéger nos entreprises. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

Données clés

Auteur : M. Dominique Potier

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Environnement

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 février 2025

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