Question orale n° 376 :
Reconnaissance de la torture au pays basque et enjeux de coopération judiciaire

17e Législature

Question de : M. Peio Dufau
Pyrénées-Atlantiques (6e circonscription) - Socialistes et apparentés

M. Peio Dufau interroge M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur les faits de torture et mauvais traitements révélés dans le cadre du conflit basque et leurs implications en matière de coopération judiciaire. La France est signataire de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1987, qui dans son article 15 dispose qu'aucune déclaration obtenue par la torture ne peut être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, si ce n'est contre la personne accusée de torture pour établir qu'une déclaration a été faite. Toutes les garanties juridiques essentielles doivent en outre être assurées afin que les personnes accusées soient jugées de manière équitable. La France est également partie à la Convention européenne des droits de l'homme, qui interdit explicitement en son article 3 la torture et engage les États à mener des enquêtes efficaces sur les allégations crédibles de mauvais traitements. À ce jour, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné l'Espagne à 12 reprises pour avoir manqué à cette obligation. Dans l'affaire Portu et Sarasola, la Cour a même constaté des traitements inhumains et dégradants. Plus récemment, une décision de l'Audience nationale espagnole est venue reconnaître la réalité de faits de torture dans une autre affaire, brisant ainsi un tabou institutionnel et marquant un tournant dans la reconnaissance judiciaire de ces pratiques. Depuis plusieurs années déjà, de nombreux éléments concordants, issus d'expertises médicales, de rapports d'organisations internationales et de travaux d'instituts attestaient également de cas de torture subie en garde à vue en Espagne. Ces éléments concernant une ancienne dirigeante de l'ETA ont été versés aux débats dans le cadre des procédures de mandats d'arrêt européens instruites sur le territoire français. La coopération judiciaire entre la France et l'Espagne repose sur la confiance mutuelle, mais l'usage de déclarations extorquées sous la torture ou les mauvais traitements ne saurait être compatible avec l'État de droit, ni avec les engagements internationaux de la France en matière de droits humains. La reconnaissance de ces pratiques ne peut se limiter à des affaires individuelles. Au Pays Basque, 5 657 cas de torture ont été comptabilisés par la fondation Euskal Memoria d'après ses chiffres de 2021. La plupart étaient des ressortissants de l'État espagnol. Ces chiffres, croisés à de nombreuses expertises indépendantes et décisions de justice, révèlent une dimension systémique des mauvais traitements dans le cadre du conflit basque. Cette réalité ne peut être ignorée si l'on souhaite avancer vers une résolution juste et durable. Mettre toute la lumière sur ce qu'il s'est passé est une condition nécessaire pour construire une paix fondée sur la vérité, la reconnaissance et la responsabilité. Dans ce contexte, alors que la torture a été reconnue dans plusieurs cas par la justice européenne, documentée par des experts indépendants et commence à l'être également par certaines juridictions espagnoles, M. le député souhaite connaître les suites que le Gouvernement entend donner à cette situation, notamment en matière de coopération judiciaire avec l'Espagne et d'évaluation des dossiers de mandats d'arrêt européens concernés. Au regard des révélations concordantes sur le caractère systémique des violences commises dans le cadre du conflit basque, il souhaite également connaître les engagements que le Gouvernement est prêt à prendre et les suites qu'il entend donner à cette réalité dans la résolution du conflit basque.

Données clés

Auteur : M. Peio Dufau

Type de question : Question orale

Rubrique : Droits fondamentaux

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 juin 2025

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