Transports frigorifiques le week-end
Question de :
M. Éric Michoux
Saône-et-Loire (4e circonscription) - UDR
M. Éric Michoux attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la circulation des camions frigorifiques pendant les week-ends et sur les dérives potentielles que permet le régime dérogatoire actuellement en vigueur. En principe, le transport de poids lourds de plus de 7,5 tonnes est interdit de circulation sur l'ensemble du réseau routier national le samedi après-midi, le dimanche et les jours fériés. Toutefois, les camions frigorifiques bénéficient d'une dérogation permanente dès lors qu'ils transportent des denrées périssables, au nom de la continuité de la chaîne logistique alimentaire. Or ce régime soulève aujourd'hui une problématique et des préoccupations sécuritaires. Plusieurs enquêtes récentes ont mis en lumière l'utilisation de ces véhicules à des fins détournées, notamment pour le transport de stupéfiants ou encore de migrants en situation irrégulière, dans des conditions inhumaines et dangereuses. La structure même des camions réfrigérés est fermée, insonorisée, thermiquement isolée, ce qui donne naissance à une discrétion de la marchandise transportée qui est difficilement contrôlable ; ces caractéristiques sont ainsi utilisées par les trafiquants en tout genre. En parallèle, de nombreux élus locaux et citoyens dénoncent l'impact de cette circulation sur la saturation du réseau routier le week-end, les nuisances sonores et les risques accrus pour la sécurité routière, en particulier dans les zones rurales et périurbaines. Par ailleurs, il est constaté que de nombreux camions circulent à vide durant le week-end, ce qui soulève une problématique d'efficacité logistique et de saturation inutile des routes. Limiter ces déplacements permettrait également de favoriser le bien-être des conducteurs routiers, en leur offrant plus de temps pour leur vie familiale et personnelle. Cela contribuerait aussi à une meilleure organisation du travail en permettant de concentrer les effectifs sur les jours de semaine, où les besoins sont plus importants. Aussi, il souhaite savoir si le Gouvernement entend réévaluer le cadre de cette dérogation, notamment en limitant son champ aux seules urgences sanitaires dûment justifiées et en renforçant les contrôles coordonnés entre forces de sécurité intérieure, douanes et inspection des transports.
Réponse en séance, et publiée le 11 juin 2025
TRANSPORTS FRIGORIFIQUES LE WEEK-END
Mme la présidente . La parole est à M. Éric Michoux, pour exposer sa question, no 378, relative aux transports frigorifiques le week-end.
M. Éric Michoux . Monsieur le ministre chargé des transports, je me fais le messager de nos concitoyens, des élus locaux et des professionnels du transport : ils disent non aux transports frigorifiques le week-end. Ce type de transport bénéficie d'une dérogation spéciale pour les denrées alimentaires. Pourtant, les professionnels dénoncent plusieurs problèmes : des camions qui roulent à vide le week-end ; des chauffeurs qui ne peuvent profiter ni de leur famille ni de leurs proches ; une pollution supplémentaire du fait des émissions de gaz carbonique, des microparticules de caoutchouc dues à l'usure des pneumatiques, et de l'usure des routes ; la surcharge des réseaux routiers, qui est une menace pour la sécurité des usagers ; surtout, l'utilisation détournée des camions pour des trafics de drogue, d'armes, voire d'êtres humains. Tout cela est bien évidemment amplifié par la présence réduite des forces publiques le week-end.
Ce qui s'est passé à Bordeaux il y a quelques mois en est une bonne illustration. Un camion frigorifique a eu un accident grave – mortel. Ce camion transportait des pièces mécaniques, mais pas de denrées alimentaires.
Sur l'A39, l'aire du Poulet de Bresse, dans ma circonscription, est le lieu de divers trafics le week-end. C'est quelque chose que l'on connaît un peu partout.
Les camions frigorifiques étant fermés, insonorisés et thermiquement isolés, les marchandises sont transportées en toute discrétion. Des trafiquants en tout genre en profitent.
Il serait bon, dans le cadre de notre guerre contre le narcotrafic, de réviser la dérogation actuelle en la limitant aux seules urgences sanitaires.
Monsieur le ministre, qu'avez-vous à répondre à nos concitoyens, aux élus, aux chauffeurs, aux chefs d'entreprise sur ce point ?
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports . L'interdiction de la circulation des poids lourds de plus de 7,5 tonnes les veilles des dimanches et jours fériés à partir de 22 heures et au cours de ces journées jusqu'à 22 heures répond à des objectifs de sécurité routière, de protection des conducteurs routiers et de limitation des nuisances pour les autres usagers et pour les riverains des routes. Cette mesure d'intérêt général doit cependant être compatible avec certains enjeux sociaux, sécuritaires ou économiques, s'agissant de transports essentiels à la vie du pays. La réglementation prévoit de ce fait des dérogations très limitées pour le transport de certaines marchandises, telles que les produits périssables, notamment dans des camions frigorifiques lorsque leur nature l'exige, à condition que leur quantité occupe au moins la moitié du chargement, les circulations à vide étant strictement encadrées.
Cette disposition répond à la nécessité d'assurer la continuité de la chaîne logistique pour ces produits de manière à assurer le bon approvisionnement de la population partout en France, en limitant les pertes de marchandises. Le gouvernement considère que ce cadre réglementaire est équilibré et n'envisage pas de le modifier. Des contrôles sont régulièrement effectués et tout manquement constaté est puni d'une amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe, pouvant être complétée par l'immobilisation du véhicule. En 2023, plus de 2 300 camions ont ainsi été verbalisés par les forces en tenue et par les contrôleurs des transports terrestres. Vous pouvez compter sur la mobilisation des forces de sécurité intérieure, des douanes et des contrôleurs des transports terrestres pour poursuivre ces actions, notamment contre les organisations frauduleuses.
Mme la présidente . La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux . Les 2 300 infractions que vous venez de citer représentent une part très faible des millions de camions qui circulent le week-end. Or, en pratique, dans ces camions frigorifiques, on ne transporte pas que des denrées alimentaires : on y trouve aussi des pièces mécaniques, des machines à laver, des migrants – lesquels voyagent dans des conditions qui, il faut le reconnaître, ne sont pas très correctes –, de la drogue, des armes. Il faut être réaliste !
Je reviendrai sur cette question et nous aurons l'occasion de nous revoir à ce propos, monsieur le ministre. Chez nous, c'est devenu un réel problème. Allez voir ce qui se passe sur l'A39 !
Auteur : M. Éric Michoux
Type de question : Question orale
Rubrique : Transports routiers
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 juin 2025