Question orale n° 381 :
Encadrement de la vente en ligne de médicaments sans ordonnance

17e Législature

Question de : M. Christophe Blanchet
Calvados (4e circonscription) - Les Démocrates

M. Christophe Blanchet interroge M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins, sur l'encadrement de la vente en ligne de médicaments sans ordonnance et les contraintes réglementaires pesant sur les officines françaises. Depuis 2012, la vente en ligne de médicaments sans ordonnance est autorisée en France pour les officines, mais elle reste encadrée par un dispositif particulièrement restrictif, notamment en ce qui concerne la localisation du local de stockage, qui doit se situer dans le même « quartier » que l'officine. Or cette notion de « quartier » est définie par le code de la santé publique en référence à des éléments divers hétérogènes (unité géographique, population résidente, limites communales, naturelles, infrastructures). Ainsi, chaque « quartier » est défini par chaque directeur d'Agence régionale de santé, en fonction de ces différents éléments d'appréciation hétérogènes, ce qui engendre des interprétations variables d'un territoire à l'autre. Il en résulte une rupture manifeste d'égalité devant la réglementation : ainsi, deux pharmacies séparées de quelques centaines de mètres peuvent être soumises à des règles différentes, selon la commune à laquelle elles sont rattachées, les contraintes et configurations locales auxquelles elles font face. Cette situation n'est pas simplement injuste : elle crée un désavantage concurrentiel pour les pharmacies françaises face à des plateformes belges ou néerlandaises, qui opèrent sous des règles bien plus souples. Certains de ces acteurs n'hésitent pas à tourner en dérision le droit national, comme ce fut le cas durant la période covid avec la distribution d'autotests. Cette distorsion de concurrence s'accompagne d'un paradoxe : la France est aujourd'hui l'un des pays d'Europe les plus restrictifs en matière de vente en ligne de médicaments sans ordonnance et pourtant le marché français est massivement capté par des parapharmacies ou des opérateurs étrangers, souvent détachés des exigences imposées aux pharmaciens d'officine français. Cette réglementation, dénoncée à plusieurs reprises par l'Autorité de la concurrence, concerne tous les pharmaciens français, qu'ils s'engagent dans la vente en ligne ou d'autres activités que leur permet la réglementation et qui nécessitent des espaces supplémentaires. Elle freine l'innovation et empêche l'émergence de pharmaciens champions français du médicament en ligne, alors même que les besoins en santé numérique augmentent, que les officines se réorganisent et que la démographie pharmaceutique décline. Il lui demande s'il envisage de réviser rapidement les règles relatives à la vente en ligne de médicaments, notamment en substituant à la notion rigide de « quartier » un critère de proximité plus objectif, comme un rayon kilométrique contrôlé, permettant d'assurer un contrôle effectif par le pharmacien titulaire et ses adjoints tout en mettant fin à une rupture d'égalité juridiquement contestable et économiquement préjudiciable.

Réponse en séance, et publiée le 16 juillet 2025

VENTE EN LIGNE DE MÉDICAMENTS
Mme la présidente . La parole est à M. Christophe Blanchet, pour exposer sa question, no 381, relative à la vente en ligne de médicaments.

M. Christophe Blanchet . Depuis 2012, la vente en ligne de médicaments sans ordonnance est autorisée en France pour les officines, mais elle reste encadrée par un dispositif restrictif, la localisation du local de stockage devant notamment se situer dans le même quartier que l'officine.

Or cette notion de quartier est définie, dans le code de la santé publique, par des éléments hétérogènes : unité géographique, population résidente, limites communales et naturelles et infrastructures. Ainsi, chaque quartier est défini par les directeurs des agences régionales de santé (ARS), en fonction de ces éléments d'appréciation, interprétés de façon variable d'un territoire à l'autre.

Une rupture manifeste d'égalité devant la réglementation en résulte. Deux pharmacies séparées de quelques centaines de mètres peuvent être soumises à des règles différentes selon la commune à laquelle elles sont rattachées ou les contraintes et configurations locales auxquelles elles font face.

Cette situation injuste crée un désavantage concurrentiel pour les pharmacies françaises face à des plateformes belges ou néerlandaises, qui opèrent selon des règles plus souples. Certains de ces acteurs n'hésitent pas à tourner en dérision notre droit national, comme ce fut le cas durant la période du covid avec la distribution d'autotests.

Cette distorsion de la concurrence s'accompagne d'un paradoxe. La France est l'un des pays d'Europe les plus restrictifs en matière de vente en ligne de médicaments sans ordonnance, et pourtant le marché français est massivement capté par des parapharmacies ou des opérateurs étrangers, souvent détachés des exigences imposées aux pharmaciens d'officine français.

Cette réglementation, dénoncée à plusieurs reprises par l'Autorité de la concurrence (ADLC), concerne tous les pharmaciens français, qu'ils s'engagent dans la vente en ligne ou d'autres activités que leur permet la réglementation et qui nécessitent des espaces supplémentaires.

Elle freine l'innovation et empêche l'émergence de pharmaciens champions français du médicament en ligne, alors que les besoins en santé numérique augmentent, que les officines se réorganisent, et que la démographie des pharmaciens décline – moins de 20 000 en France, aujourd'hui.

Monsieur le ministre, envisagez-vous de réviser rapidement les règles relatives à la vente en ligne de médicaments, en substituant à la notion rigide de quartier un critère de proximité plus objectif – comme un rayon kilométrique contrôlé – afin d'assurer un contrôle effectif par le pharmacien titulaire et ses adjoints, tout en mettant fin à une rupture d'égalité juridiquement contestable et économiquement préjudiciable ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins. Vous m'interrogez sur le cadre réglementaire de la vente en ligne de médicaments sans ordonnance, et plus particulièrement sur ses conséquences en termes de compétitivité des pharmacies françaises face aux acteurs étrangers. Vous soulignez également les disparités territoriales liées à l'appréciation des distances entre les officines et leurs entrepôts de stockage.

Ces enjeux, au croisement de la sécurité sanitaire et de la compétitivité du secteur officinal, sont pleinement identifiés par le ministère.

Vous soulignez les contraintes réglementaires liées à la vente en ligne de médicaments. En effet, le dispositif en vigueur réserve la vente en ligne de médicaments sans ordonnance aux pharmaciens d'officine, via un site internet adossé à l'officine et soumis à l'autorisation préalable du directeur général de l'ARS.

À ces exigences s'ajoute la nécessité de situer le local de stockage dans le même quartier que l'officine. Ce choix, qui s'inscrit dans la logique du monopole pharmaceutique, vise à garantir le contrôle direct du pharmacien sur ses stocks, la continuité et la qualité du service rendu ainsi que la traçabilité des médicaments dispensés.

Plus largement, ce cadre réglementaire vise à assurer la protection de la santé publique, dans un contexte où la circulation de médicaments falsifiés sur internet constitue un risque avéré. Il répond également à une forte attente de nos concitoyens, attachés à la proximité et au conseil personnalisé de leur pharmacien.

Le gouvernement – et mon ministère en particulier – rappelle son attachement au maillage territorial des pharmacies d'officine, pilier de l'accès aux soins et du modèle français de dispensation du médicament. Une ouverture trop large de la vente en ligne de médicaments risquerait de fragiliser ce maillage, notamment dans les territoires ruraux où la pharmacie constitue souvent l'unique relais de santé de proximité.

Par ailleurs, malgré sa croissance, la vente en ligne de médicaments sans ordonnance, marginale, ne représente que 1 à 2 % des ventes totales de médicaments sans ordonnance, la très grande majorité des achats continuant de s'effectuer en officine. Les plateformes étrangères, bien que parfois plus souples dans leur organisation, ne captent qu'une part résiduelle du marché français, en raison du cadre réglementaire national et de l'attachement des Français à leur pharmacie de proximité. Le risque d'une captation massive du marché par des acteurs étrangers ne doit donc pas être surestimé.

Vous avez toutefois raison de souligner l'importance d'adapter l'offre aux nouveaux usages et aux besoins des patients. La vente en ligne peut être une activité complémentaire bénéfique, notamment pour les petites officines situées dans les territoires sous-dotés. Je ne suis donc pas opposé par principe au lancement d'une réflexion avec les acteurs de la profession qui porterait sur l'évolution du critère de proximité, notamment de la notion de quartier. Je vous propose donc de nous rencontrer pour évoquer ce sujet.

Mme la présidente . La parole est à M. Christophe Blanchet.

M. Christophe Blanchet . Je prends acte de votre réponse et de votre invitation à une rencontre prochaine, mais nous attendons depuis si longtemps, et le mal progresse ! Vos arguments sont pertinents mais il faut anticiper avant de subir. Nous sommes submergés par des plateformes étrangères qui vendent en ligne des médicaments dont beaucoup sont des produits de contrefaçon. Le meilleur moyen de contrer ces pratiques consiste à permettre aux pharmaciens qui exercent légalement en France d'investir ce marché et d'atteindre le dernier kilomètre de la plus petite campagne, qui a vu disparaître son officine. Prenons cette voie plutôt que d'attendre et de subir durablement.

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre . Notez que je vous propose, après cinq mois en poste à ce ministère, de vous rencontrer pour évoquer ce problème qui se pose depuis de nombreuses années.

Données clés

Auteur : M. Christophe Blanchet

Type de question : Question orale

Rubrique : Pharmacie et médicaments

Ministère interrogé : Santé et accès aux soins

Ministère répondant : Santé et accès aux soins

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 10 juin 2025

partager