Prolifération inquiétante des drogues de synthèse
Question de :
M. Karl Olive
Yvelines (12e circonscription) - Ensemble pour la République
M. Karl Olive attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'augmentation inquiétante de la consommation par les plus jeunes d'un cannabinoïde de synthèse, la molécule 5F-AKB4, appelée communément « Buddha blue » ou « Pète ton crâne » (PTC). La molécule de synthèse en question agit sur les mêmes récepteurs cérébraux que le tétrahydrocannabinol (THC) mais engendre des effets bien plus puissants. Ce cannabinoïde synthétique équivaut à une concentration de 95 % de THC, avec des effets pouvant être jusqu'à 100 fois plus intenses que ceux du cannabis naturel, tout en étant nettement plus addictif. Inodore, incolore et souvent présenté sous forme de liquide pour cigarette électronique, le « PTC » est indétectable à l'œil nu et échappe aux tests de dépistage du cannabis en raison de l'absence de THC. Ses effets peuvent être particulièrement graves : épisodes de « bad trips » prolongés, agitation, troubles de la conscience, convulsions, voire arrêts cardiaques. Cette drogue de synthèse a été inscrite sur la liste des stupéfiants par un arrêté du 31 mars 2017. Toutefois, une hausse alarmante de sa consommation et des intoxications a été observée récemment : entre 2019 et 2022, quelques dizaines de cas d'intoxications étaient recensés chaque année, contre près de 200 en 2024, selon le chef de service du centre antipoison de Paris. Cette recrudescence s'explique par la facilité d'accès au « PTC », disponible à bas prix (environ 10 euros par flacon) sur internet, notamment via des plateformes comme Snapchat. Ce produit attire une population jeune, principalement des collégiens et lycéens peu informés des graves conséquences de sa consommation. Il souhaite donc savoir quelles mesures il prévoit pour endiguer le phénomène de la généralisation et de l'accessibilité des drogues de synthèse en général et cette nouvelle drogue « PTC » en particulier.
Réponse publiée le 17 juin 2025
Les cannabinoïdes de synthèse (ou « cannabis de synthèse ») sont des molécules chimiques mimant les effets psychoactifs du cannabis mais avec des effets bien plus graves et plus intenses. Les risques qu'ils représentent sont d'autant plus élevés que les consommateurs ignorent souvent la nature exacte des produits achetés, notamment leur concentration en produit psychoactif. En France, la liste des cannabinoïdes de synthèse classés comme stupéfiants est fixée par un arrêté du 31 mars 2017 du ministre chargé de la santé, qui a complété de manière significative la liste établie par arrêté en 2015. Afin de contourner la réglementation, de compliquer la détection et d'empêcher la mise sous contrôle réglementaire, leurs structures moléculaires sont régulièrement modifiées par les trafiquants. Par ailleurs, si la consommation et le trafic des « cannabis de synthèse » classés stupéfiants sont pénalement sanctionnés en France, d'autres pays, y compris au sein de l'Union européenne, n'ont pas la même législation prohibitive. Cette situation met en évidence la difficulté à endiguer ce type de menace sans une approche internationale, au regard de la stratégie de contournement des législations. Parmi les multiples appellations commerciales des cannabinoïdes de synthèse, figure le « Buddha Blue » (ou « Pète ton crâne », ou « PTC »), qui peut concerner plusieurs molécules synthétiques difficiles à détecter. Il se présente le plus souvent sous la forme d'e-liquide à vapoter. Ce produit est prisé par les usagers qui recherchent la discrétion (absence d'odeur / possibilité de le confectionner soi-même / usage de e-cigarettes). Cette drogue est particulièrement plébiscitée par les collégiens/lycéens qui confondent ces e-liquides avec ceux contenant du CBD, aujourd'hui légalisé. Il s'agit d'un enjeu de santé publique, d'autant plus que les effets puissants peuvent entraîner des hospitalisations, et que la consommation de « PTC » n'est pas détectée par les dépistages salivaires utilisés pour le THC (cannabis). Des cas d'intoxication - notamment de mineurs, comme souligné dans la question écrite - observés dans plusieurs régions françaises laissent penser que ces substances irriguent l'ensemble du territoire métropolitain (des faits similaires sont observés dans des pays voisins : Belgique, Suisse, Allemagne). Des consommateurs peuvent d'ailleurs en consommer à leur insu du fait de leur apparence. Comme la majorité des « nouveaux produits de synthèse » (NPS), ces produits sont fabriqués en Asie, essentiellement par des entreprises chimiques situées en Chine, et dans une moindre mesure en Inde. Des organisations criminelles sont impliquées dans le trafic. La découverte d'installations de transformation et de conditionnement et de quantités importantes de cannabinoïdes de synthèse en Belgique et aux Pays-Bas démontre que certaines étapes du processus de fabrication peuvent être réalisées en Europe, à partir de cannabinoïdes bruts importés de Chine. La direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), en particulier l'Office anti-stupéfiants (OFAST), et la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) de la préfecture de police sont particulièrement investies dans la lutte contre les drogues de synthèse. Celle-ci relève du combat global mené par les forces de sécurité intérieure de l'État contre les organisations criminelles agissant dans le trafic de stupéfiants. En 2024 par exemple, elles ont saisi 9 090 510 comprimés d'ecstasy/MDMA (+123 % par rapport à 2023) et 618 kg d'amphétamine/méthamphétamine (+ 133 %), soit des saisies record. L'action de la gendarmerie sur les points de deal et les réseaux de trafiquants a ainsi permis de poursuivre plus de 8 300 mis en cause, et de saisir plus de 2,2 millions de cachets d'ecstasy. Elle est également concernée dans les outre-mer, spécialement en Polynésie française, par la lutte contre le trafic d'ICE (méthamphétamine) en provenance des États-Unis et du Mexique. Près de 13 kg y ont été saisis en 2024. Bien qu'une large part des quantités mises hors-circuit en France (75 % pour l'ecstasy/MDMA et 22 % pour l'amphétamine/méthamphétamine) serait destinée à des marchés étrangers, le marché de consommation en France métropolitaine et outre-mer est dynamique et requiert donc le maintien d'un niveau de vigilance élevé. Alors que la lutte contre le trafic de stupéfiants a été érigée en priorité par le ministre d'État, ministre de l'intérieur, la mobilisation des forces de l'ordre s'intensifie. Elle va bénéficier des avancées introduites par la loi, comme des mesures engagées dans le cadre des plans d'action départementaux de restauration de la sécurité du quotidien (PADRSQ) pour renforcer la présence des forces de l'ordre sur la voie publique et frapper, par tous les leviers, l'écosystème de la drogue. La création d'un état-major spécialisé, permettra aussi d'améliorer l'efficacité de l'action inter-services et interministérielle. Police et gendarmerie sont donc en ordre de bataille face à la criminalité organisée. Toute la chaîne de police judiciaire s'engage dans ce contentieux. En gendarmerie, l'ensemble des unités sont mobilisées, depuis les brigades territoriales, jusqu'aux offices centraux, en passant par les brigades et sections de recherches, par les structures départementales, régionales et nationales d'animation, centralisation et rapprochement du renseignement et de l'investigation judiciaire. L'unité nationale de police judiciaire (UNPJ) de la gendarmerie, en cours de création, regroupera sous un commandement unifié les capacités d'investigation, de renseignement criminel et d'expertise criminalistique, pour apporter un appui solide aux unités, mener des investigations d'initiative et de haut niveau, et développer une stratégie judiciaire nationale contre les groupes criminels. Il convient enfin de rappeler que ce combat implique d'agir également sur la consommation, en responsabilisant les consommateurs, notamment par le recours plus intensif aux amendes forfaitaires délictuelles en matière de stupéfiants, dont près de 197 000 ont été traitées en 2024, soit une augmentation de plus de 21 % par rapport en 2023. Forte de l'augmentation de sa présence de voie publique, et de ses actions ciblées, la gendarmerie a par exemple verbalisé plus de 80 000 contrevenants pour usage de stupéfiants, dont 61 000 par amendes forfaitaires délictuelles en 2024 (+23% par rapport à 2023). Tel est aussi l'objet de la vaste campagne de communication menée par le ministère de l'intérieur en février. Les policiers comme les gendarmes continuent également d'intervenir régulièrement dans les collèges et lycées, dans le cadre du partenariat avec l'éducation nationale, pour des actions de sensibilisation sur les risques liés à la consommation de stupéfiants, tant en matière de drogues de synthèse que des autres stupéfiants.
Auteur : M. Karl Olive
Type de question : Question écrite
Rubrique : Drogue
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 11 février 2025
Réponse publiée le 17 juin 2025