Question écrite n° 3880 :
Trafic à Marseille, quelles actions face à l'échec judiciaire ?

17e Législature

Question de : Mme Gisèle Lelouis
Bouches-du-Rhône (3e circonscription) - Rassemblement National

Mme Gisèle Lelouis appelle l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'urgence d'un renforcement de l'appareil judiciaire pour faire face aux trafics de stupéfiants qui gangrènent Marseille. En effet, lancée il y a plus de 6 mois à Marseille, l'opération « place nette XXL » n'a pas permis d'endiguer le trafic de stupéfiants. L'échec cuisant de cette opération révèle au grand jour l'inefficacité des pouvoirs publics qui s'acharnent dans une stratégie d'actions chocs et ponctuelles pour faire face à un phénomène enraciné, qui persiste et s'adapte très rapidement. Plus encore, de nouveaux points de deal réapparaissent déjà comme à la résidence Vert Parc dans le 14e arrondissement. Au sein de la cité phocéenne, le nombre de points de deal ne cesse d'augmenter et ce alors que leur nombre culminait déjà au nombre faramineux de 127 en 2023. L'apparition de ces nouveaux points de deal est un véritable fléau pour la population de ces quartiers, qui voit son mode de vie totalement modifié en raison du trafic. Nuisance sonore, montée de l'insécurité et de la violence, la population de ces quartiers se sent progressivement délaissée par l'État qui ne met rien en place pour lutter contre le trafic. Ce bilan est d'autant plus catastrophique que la justice semble faire preuve d'un certain laxisme à l'égard des trafiquants. En effet, le 14 octobre 2024, un redoutable narcotrafiquant présenté comme le chef du clan « Marignane » a été remis en liberté 11 jours avant son procès par la Cour de cassation. Au vu du travail des policiers et des risques qu'ils encourent sur le terrain pour arrêter les narcotrafiquants, la décision de la Cour de cassation ne peut qu'indigner, tant les forces de l'ordre que la population qui endure quotidiennement les graves répercussions du trafic de drogue. Ainsi, à la lumière de ce constat, elle lui demande les mesures qu'il entend mettre en œuvre afin de punir plus sévèrement les narcotrafiquants. Par ailleurs, elle souhaite connaître les mesures concrètes que le Gouvernement compte mettre en place à Marseille, où le trafic est devenu endémique.

Réponse publiée le 8 avril 2025

Il doit être rappelé en premier lieu qu'il n'appartient pas au Gouvernement de se prononcer sur une affaire judiciaire en cours. Concernant le régime de détention provisoire susceptible de s'appliquer aux personnes mises en examen pour des faits de trafic de stupéfiants, celui-ci obéit en droit français à des règles procédurales strictes, dans l'objectif de parvenir à un équilibre entre la préservation de l'ordre public d'une part et celle des droits fondamentaux d'autre part, tels que la présomption d'innocence. Ainsi, la détention provisoire n'intervient qu'en dernier ressort, lorsqu'il ne peut être satisfait à certaines conditions par la voie du contrôle judiciaire ou d'une assignation à résidence sous surveillance électronique, conformément à l'article 144 du code de procédure pénale. Pour autant, les infractions relevant de la criminalité organisée, parmi lesquelles les trafics de stupéfiants, sont soumises à un traitement procédural spécifique. La procédure pénale a ainsi été modifiée pour s'adapter tout particulièrement aux enjeux de la criminalité organisée, pour laquelle un régime procédural dérogatoire du droit commun est applicable. Dans la mesure où il s'agit d'une criminalité particulièrement complexe et technique, qui suppose des délais d'enquête et de procédure de manière générale plus longs que pour les infractions de droit commun, le régime de la détention provisoire a déjà été adapté pour répondre aux besoins des enquêteurs et des magistrats. Ainsi, l'article 145-1 du code de procédure pénale prévoit qu'en matière correctionnelle, si la détention ne peut excéder quatre mois par principe, elle peut aller jusqu'à deux ans lorsque la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants. Cette durée de deux ans peut elle-même, à titre exceptionnel, être prolongée par la chambre de l'instruction pour un nouveau délai de quatre mois lorsque la mise en liberté de la personne concernée constituerait un risque d'une particulière gravité pour la sécurité des personnes et des biens. Il convient ici de souligner que la lutte contre les trafics de stupéfiants s'inscrit dans une action plus globale du Gouvernement, qui ne saurait se résumer au seul recours à la détention provisoire ou aux quanta des peines prévues en matière d'infraction à la législation sur les stupéfiants, parmi les plus sévères prévues par le droit pénal français. La lutte contre les trafics de stupéfiants constitue une politique prioritaire du Gouvernement, reprise dans le plan interministériel de lutte contre les trafics de stupéfiants signé le 17 septembre 2019 entre les ministres de l'Intérieur, de la Justice et de l'Action et des Comptes publics. Ce plan a notamment permis le déploiement sur l'ensemble du territoire des cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants, la mise en place d'une nouvelle formation commune aux forces répressives ou la cartographie des points de vente de stupéfiants. Après quatre années d'exercice, la refonte en cours de ce plan interministériel a vocation à adapter chacune des mesures à l'évolution de l'état de la menace. Le ministère de la Justice mène, aux côtés du ministère de l'Intérieur, un combat sans relâche contre ces trafics et conduit une politique pénale pragmatique, prenant en considération les particularismes locaux à l'instar de la situation marseillaise. La circulaire de politique pénale générale du 20 septembre 2022 et la dépêche du 12 mars 2024 relative à l'articulation de l'autorité judiciaire et des forces de sécurité intérieure dans le cadre des opérations de lutte contre les produits stupéfiants dites « place nette » rappellent les orientations de politique pénale du ministère en ce domaine. Ces orientations visent à la fois l'offre et de la demande liées aux stupéfiants : - pour ce qui est de la demande, les actions du ministère de la Justice visent avant tout à la dissuasion des consommateurs, par le biais du recours à l'amende forfaitaire délictuelle et en encourageant les dispositifs de prise en charge des usagers au titre de la politique de réduction des risques en la matière ; - s'agissant de l'offre, les parquets sont invités à tendre au démantèlement des trafics, via des procédures judiciaires comprenant autant que possible un aspect patrimonial. Cette approche éco-criminelle des investigations en matière de trafic de stupéfiants est essentielle au regard de la nature lucrative de ceux-ci. Dans une optique de réappropriation de l'espace public et pour enrayer la stratégie d'emprise exercée par les trafiquants sur un territoire, les directives du ministère de la Justice rappellent la nécessité de recourir à l'ensemble des mesures judiciaires d'éloignement prévues par la loi, outre les peines d'emprisonnement. Plus récemment encore, la volonté ferme de s'attaquer à ces trafics trouve sa traduction dans la circulaire du 27 janvier 2025 de politique pénale générale, laquelle donne aux procureurs de la République comme première priorité d'action la lutte contre les organisations criminelles et le narcotrafic. Il y est mis l'accent sur la lutte contre le blanchiment, le partage du renseignement criminel, le recours accru aux saisies et confiscations afin de lutter contre l'économie souterraine inhérente à l'activité de ces réseaux. Cette circulaire préconise également l'articulation entre un circuit court, destiné à apporter une réponse rapide et ferme aux trafics de voie publique de basse intensité, et un circuit long dédié au démantèlement en profondeur des réseaux, dont les investigations seront nécessairement assorties d'un volet financier. La circulaire 5 mars 2025 relative au renforcement de la coordination judiciaire en matière de lutte contre la criminalité organisée, laquelle prévoit notamment les modalités de la structuration du partage de l'information entre acteurs de la lutte contre la criminalité organisée, à la fois entre acteurs judiciaires ainsi qu'avec les acteurs extérieurs et en particulier avec l'administration pénitentiaire ; la création d'une cellule de coordination opérationnelle au sein de la JUNALCO destinée à centraliser et analyser l'information et offrir un soutien opérationnel aux JIRS ; ou encore la création d'un comité stratégique de lutte contre la criminalité organisée au service d'une synergie renforcée entre les acteurs concernés. Le projet de création d'un parquet national anticriminalité organisée dans le cadre de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic en cours d'examen à l'Assemblée nationale s'inscrit enfin dans cette même dynamique. L'ensemble de ces dispositifs concourt ainsi à renforcer l'arsenal répressif quotidiennement mobilisé par les acteurs judiciaires de la lutte contre le trafic de stupéfiants, à Marseille comme sur l'ensemble du territoire national.

Données clés

Auteur : Mme Gisèle Lelouis

Type de question : Question écrite

Rubrique : Drogue

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 11 février 2025
Réponse publiée le 8 avril 2025

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