Moratoire sur l'élevage intensif
Question de :
Mme Colette Capdevielle
Pyrénées-Atlantiques (5e circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Colette Capdevielle attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les préoccupations croissantes concernant le bien-être animal dans les abattoirs et les pratiques d'élevage intensif. Les articles R. 214-63 à R. 214-81 du Code rural et de la pêche maritime encadrent les procédés d'immobilisation, d'étourdissement et de mise à mort des animaux dans les abattoirs. De surcroît, depuis la promulgation de la loi Agriculture et alimentation, tous les abattoirs sont tenus de nommer un responsable de la protection des animaux chargé de veiller au respect des règles de bien-être animal au sein de l'établissement. Néanmoins, des révélations récentes, notamment par l'association L-214, ont mis en lumière des conditions d'abattage préoccupantes, soulevant des questions sur la conformité aux normes en vigueur et sur l'attribution de labels de qualité, tels que le Label Rouge ou le label bio, à des produits issus de ces établissements. Par ailleurs, un décret récent a relevé les seuils à partir desquels une évaluation environnementale est obligatoire pour les élevages intensifs, facilitant ainsi l'extension de ces pratiques. Cette évolution réglementaire suscite des inquiétudes quant à l'impact sur le bien-être animal et l'environnement. Compte tenu du soutien majoritaire des Français en faveur d'une transformation durable des pratiques d'élevage et à quelques semaines de l'ouverture du salon de l'agriculture 2025, Mme la députée souhaite savoir si elle envisage d'instaurer un moratoire sur l'élevage intensif, en interdisant toute nouvelle construction d'installations confinant des animaux sans accès à l'extérieur. Elle s'interroge également sur la volonté du ministère d'élaborer un plan structuré, en concertation avec les acteurs concernés, afin d'accompagner une transition vers des modes de production plus respectueux du bien-être animal et de l'environnement. Enfin, elle souhaite connaître les mesures prévues pour renforcer les contrôles dans les abattoirs et garantir la transparence des résultats, dans le but d'assurer le respect des normes de bien-être animal et la légitimité des labels de qualité.
Réponse publiée le 15 juillet 2025
Les récentes vidéos de l'association L-214 de l'abattoir public Rhône Ouest, situé à Saint-Romain-de-Popey, ont mis en lumière des pratiques d'abattage qui ne respectaient pas les normes. La réaction de la préfecture du Rhône a été immédiate en annonçant une inspection administrative accompagnée d'une mise en demeure de la société exploitante pour corriger ces défaillances dans les 72 heures. Face à la persistance de ces anomalies rencontrées lors de l'inspection, la direction départementale de la protection des populations (DDPP) a interdit l'abattage des porcins jusqu'à la mise en œuvre des mesures correctives demandées. Cependant, l'abattage des animaux de boucherie est l'une des activités économiques les plus contrôlées tous secteurs confondus. En effet, des agents de l'État sont présents en permanence pour réaliser des contrôles durant toutes les périodes d'abattage. Cette activité de contrôle mobilise aujourd'hui 1 265 équivalents temps plein (ETP) pour les abattoirs français. Les agents des directions départementales de la protection des populations (DDPP) qui sont postés au quotidien dans les abattoirs réalisent des contrôles réguliers de la qualité des viandes, de l'hygiène de production et de la bientraitance animale. Par ailleurs, des audits complets de la protection animale sont réalisés au moins une fois par an, voire plus fréquemment si l'abattoir est identifié à risque particulier. Ces inspections donnent lieu à des rapports et, selon les besoins, à des suites proportionnées administratives et pénales, pouvant aller jusqu'à la fermeture de l'établissement. La direction générale de l'alimentation (DGAL) assure un suivi des abattoirs à l'échelle nationale et, depuis début 2022, elle a renforcé sa capacité d'intervention en constituant une force d'inspection nationale afin d'appuyer les services déconcentrés en département, pour les cas les plus complexes. Cette force peut être mobilisée sur demande du préfet de département, qui est seul compétent à pouvoir décider de la fermeture d'un abattoir. Il convient également de rappeler que l'exploitant de l'abattoir reste le premier responsable du contrôle du respect de la protection animale dans son établissement. Il doit mettre en place, à cet effet, un contrôle interne portant notamment sur les pratiques de ses opérateurs. Les inspecteurs officiels interviennent quant à eux en contrôle de second niveau. À ce titre, ils ne sont pas présents en permanence dans les locaux où les animaux vivants sont manipulés. Le règlement (CE) n° 1099/2009 impose également aux professionnels la présence d'un responsable de la protection animale, chargé de veiller à l'application des mesures correctives nécessaires. Les clients des abattoirs réalisent également des audits dans le cadre de cahiers des charges commerciaux, tandis que la filière a mis en place un dispositif d'audits volontaires en collaboration avec des associations de protection animale. Certaines associations, telles que l'œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs (OABA), réalisent ainsi des diagnostics sur invitation des abatteurs. Enfin, le « plan abattoirs », inscrit dans le cadre du plan de Relance pour la modernisation, la sécurité sanitaire et le bien-être animal, a poursuivi trois objectifs principaux : améliorer la protection animale et les conditions de travail, renforcer la compétitivité des filières et maintenir l'emploi, ainsi que former les professionnels aux réglementations sanitaires et environnementales. L'accompagnement financier, doté de 115 millions d'euros, a permis de moderniser les outils d'abattage, y compris les ateliers de découpe, de former le personnel, de certifier les abattoirs aux normes sanitaires des pays tiers et de développer des infrastructures innovantes, telles que les abattoirs mobiles. Un accent a été mis sur le déploiement de la vidéosurveillance pour renforcer le contrôle interne de la protection animale. Particulièrement conscient des suspicions qui pèsent aujourd'hui sur les abattoirs, mais également pleinement sensibilisé à la place indispensable qu'ils occupent dans la chaîne alimentaire, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire reste attaché à apporter toute la transparence nécessaire pour maintenir la confiance des concitoyens et des consommateurs vis-à-vis de l'activité d'abattage. Il en va de la pérennité de la filière viande. L'amélioration du bien-être des animaux et la lutte contre la maltraitance animale sont des priorités du Gouvernement. Il existe une attente sociétale forte et croissante de la part des consommateurs et des citoyens sur les questions de bien-être animal, il faut y répondre. L'amélioration du bien-être animal est un facteur d'avenir pour les filières animales françaises comme européennes. Si l'élevage français présente des caractéristiques variées, le modèle majoritaire demeure celui d'une structure familiale avec, pour la plupart des bovins, un accès des animaux au plein air. Ainsi, seuls 19 % des élevages de bovins ont plus de 100 vaches laitières et 36 % des élevages ont 50 vaches allaitantes ou plus, d'une manière générale 17 % des élevages de bovins ont moins de 8 unités gros bovins (UGB) ou 5 vaches (source : chiffres clés du GEB – Idèle 2023). Dans l'Union européenne, la taille moyenne des exploitations est 3 fois plus grande. Autre exemple, en volailles la diversité des modes d'élevages et des espèces élevées a été préservée et la France compte près de 20 % de volailles élevées en plein air, contre seulement 5 % dans les autres pays européens. Une exploitation française standard compte, en moyenne, 2 poulaillers, pour une surface totale de 2 300 m2 abritant près de 40 000 volailles, ce qui représente une taille jusqu'à 50 fois inférieure aux fermes-usines installées dans d'autres pays producteurs du monde (source : https://interpro-anvol.fr/filiere-avicole/). Bien que les modalités de mises en œuvre diffèrent en fonction du nombre d'animaux détenus et du mode d'élevage, les règles imposées en matière de bien-être animal sont les mêmes et les résultats attendus pour les animaux sont identiques. La règlementation nationale découle de la règlementation européenne. Elle est déclinée par espèce et concerne toutes les étapes de la vie de l'animal de l'élevage, au transport et à son abattage. Quel que soit le mode d'élevage, l'application de ces réglementations par les professionnels garantit le respect des 5 libertés individuelles de l'animal que sont : l'absence de faim, de soif et de malnutrition, l'absence de peur et de détresse, l'absence de stress physique et thermique (confort), l'absence de douleur, de blessures et de maladies, et la liberté de pouvoir exprimer le comportement naturel de l'espèce. Ainsi, les élevages dits « industriels » français sont suivis par les services de l'État et sont soumis à des normes de protection animale, sanitaires et environnementales nombreuses qui limitent leurs impacts négatifs sur l'environnement, l'animal et les épizooties. Les conditions de vie dans lesquelles les animaux sont élevés sont aussi contrôlées par les autorités officielles départementales, selon une analyse de risques établie en fonction de plusieurs critères de risques parmi lesquels figure le nombre d'animaux et les densités d'élevage.
Auteur : Mme Colette Capdevielle
Type de question : Question écrite
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 11 février 2025
Réponse publiée le 15 juillet 2025