Question de : M. Thierry Frappé
Pas-de-Calais (10e circonscription) - Rassemblement National

M. Thierry Frappé attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur le ralentissement préoccupant du marché de l'emploi en France. Après une période de forte dynamique sur le front de l'emploi, le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de manière significative, avec une progression de 3,9 % au quatrième trimestre 2023 pour la catégorie A. Ce retournement s'inscrit dans un contexte économique marqué par des défaillances d'entreprises en hausse (+ 16,8 % en 2024). Alors que les politiques économiques précédentes, notamment les incitations à l'apprentissage et les baisses de charges pour les entreprises, ont permis de soutenir l'emploi, ces mesures semblent aujourd'hui atteindre leurs limites. Par ailleurs, l'environnement international, avec une récession en Allemagne et un déplacement des investissements vers les États-Unis d'Amérique, accentue les difficultés pour les entreprises françaises. Dans ce contexte, il est essentiel d'anticiper les risques de fragilisation durable du marché du travail et de désindustrialisation. Il l'interroge donc sur les actions concrètes qu'il entend mettre en œuvre pour enrayer cette dynamique négative. Il souhaite savoir quelles mesures sont prévues pour soutenir l'investissement, favoriser la compétitivité des entreprises françaises et renforcer la politique de l'emploi, tout en répondant aux impératifs de maîtrise des finances publiques.

Réponse publiée le 27 mai 2025

En réponse à la dégradation de la conjoncture économique et à l'augmentation du volume de restructurations et de défaillances d'entreprises, et dans l'objectif de prévenir les licenciements économiques, le Gouvernement a souhaité mettre en œuvre un nouveau dispositif d'aide au maintien dans l'emploi à destination des entreprises, l'Activité partielle de longue durée rebond (APLD rebond), dont le bénéfice est conditionné à la prise d'engagements ambitieux en matière de maintien dans l'emploi et de formation professionnelle de la part de l'employeur. Institué par la loi de finances pour 2025, l'APLD rebond vise à accompagner les entreprises confrontées à une baisse d'activité durable qui n'est pas de nature à compromettre leur pérennité. Reposant sur la négociation collective de l'APLD instituée en 2020, ce nouveau dispositif permet à l'employeur de réduire, par la voie d'un accord collectif ou d'un document unilatéral pris en application d'un accord de branche étendu, la durée collective de travail en réponse à une baisse durable de l'activité. Le nouveau dispositif s'appuie sur les principes qui ont fait le succès de l'APLD instituée en 2020 pour accompagner la sortie de crise sanitaire. Dès la publication du décret d'application de la disposition législative, l'employeur aura la possibilité de transmettre son accord collectif ou son document unilatéral d'APLD rebond à l'autorité administrative. Cette possibilité sera ouverte jusqu'au 28 février 2026. Les entreprises pourront bénéficier du dispositif pendant 18 mois, consécutifs ou non, sur une période de référence de 24 mois consécutifs. Un même employeur ne pourra en revanche pas bénéficier de manière concomitante de l'APLD classique et de l'APLD rebond. L'accord collectif ou le document unilatéral transmis à l'administration devra comporter un diagnostic précis détaillant la baisse d'activité durable subie par l'entreprise, les perspectives d'activité envisagées ainsi que les besoins en compétences des salariés pour répondre aux difficultés rencontrées. Le placement en APLD rebond des salariés par l'employeur autorisera le versement d'une indemnité d'APLD rebond au salarié à hauteur de 70 % de sa rémunération antérieure brute. En contrepartie, l'employeur percevra une allocation, financée par l'État et l'Unédic, dont le montant est fixé à 60 % de la rémunération antérieure brute du salarié. Le Gouvernement a toutefois souhaité que le nouveau dispositif réponde davantage que l'APLD institué en 2020 à une double logique de soutien et de responsabilisation des entreprises en difficulté : le bénéfice de l'allocation d'APLD rebond est ainsi conditionné à la définition d'engagements ambitieux en matière de maintien dans l'emploi et de formation professionnelle qui seront opposables à l'employeur durant la période de recours au dispositif. L'employeur aura ainsi la responsabilité de définir un plan de formation visant à renforcer les compétences des salariés pour répondre aux mutations économiques affectant son entreprise. Les entreprises seront également invitées à prendre des engagements spécifiques au bénéfice de leurs salariés seniors. L'administration, dont les pouvoirs de contrôle sont renforcés, sera particulièrement vigilante quant au respect de ces engagements. Les entreprises qui ne les respecteraient pas se verront demander le remboursement de tout ou partie des allocations perçues. Enfin, les compétences en matière de contrôle du recours au dispositif et de sanction de l'autorité administrative seront renforcées afin de garantir l'effectivité des engagements pris par l'employeur. Outil à la fois souple et ambitieux pour répondre aux mutations économiques, l'APLD rebond doit permettre à l'ensemble des entreprises en difficulté de préserver l'emploi tout en mettant en œuvre les actions nécessaires, notamment s'agissant des compétences de leurs salariés, pour renouer avec la compétitivité et garantir une croissance durable. Une politique structurelle a été menée depuis 2017 pour améliorer significativement la compétitivité des entreprises, en particulier industrielles. Des efforts considérables ont été entrepris depuis une dizaine d'années pour contenir la progression du coût du travail en France face à nos partenaires européens, avec des mesures très fortes en faveur de la compétitivité, telles que la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi en un allègement de cotisations sociales employeur, ainsi qu'un allègement supplémentaire de cotisations sociales de 4 points au niveau du SMIC. Au troisième trimestre 2024, le coût horaire du travail manufacturier en France était ainsi inférieur de 3,2 % à celui de l'Allemagne. En tenant compte de la productivité, l'effort réalisé afin de gagner en compétitivité est plus net encore : les coûts salariaux unitaires ont progressé moins vite en France que dans la zone euro entre 2015 et 2023, soutenant la compétitivité des entreprises. Une politique résolue de réduction de la fiscalité des entreprises a été mise en œuvre. Pour renforcer la compétitivité, attirer des investissements en France et s'aligner sur la moyenne de l'Organisation de coopération et de développement économiques, le taux normal de l'impôt sur les sociétés a été baissé progressivement de 33,3 % en 2017 à 25 % en 2022. Concernant les impôts de production, il a été choisi, dans le droit fil du plan France Relance, de baisser la fiscalité de la production de plus de 10 milliards d'euros pour les entreprises, avec un abaissement du taux de plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée de 3 % à 2 %, une révision des paramètres de la méthode comptable aboutissant à une réduction de moitié de la valeur locative des établissements industriels et enfin une baisse de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) de 50 % à hauteur de la part régionale. Des moyens considérables ont aussi été déployés pour soutenir la capacité d'innovation des entreprises industrielles. La mise en œuvre, courant 2021, du plan France 2030, lequel intègre le 4e programme d'investissements d'avenir, a opéré un tournant dans le soutien public à la recherche, au développement et à l'innovation en renforçant, dans une logique de politique industrielle, le soutien dit "dirigé". Ainsi, le financement de projets relevant de secteurs ou encore d'activités préalablement identifiés comme prioritaires par la puissance publique (intelligence artificielle, santé, technologies quantiques) a été renforcé et demeure complété par un volet "structurel"de soutien à l'innovation, technologiquement neutre. Il inclut notamment le plan deeptech et les startups industrielles, visant d'une part à favoriser l'émergence de technologies de rupture et d'autre part à accompagner le passage en production des solutions innovantes développées par les startups. De manière plus générale, le renforcement de l'intervention publique en"fonds propres" (en direct ou via des fonds de fonds) visait à faire levier sur le capital-risque privé, le tout afin de développer l'écosystème d'innovation. En outre, un certain nombre d'instruments de soutien indirect (crédits d'impôt recherche et innovation, jeunes entreprises innovantes) ont pour objectif de promouvoir la recherche et l'innovation. Le crédit d'impôt recherche joue notamment un rôle majeur dans l'attractivité de la France et le maintien sur le territoire national des activités de recherche. En prévoyant de faire passer le déficit de la France de 6,1 % du Produit intérieur brut (PIB) à 5,4 % entre 2024 et 2025, un effort temporaire est demandé à l'ensemble des acteurs économiques. Cet effort décale dans le temps, sans pour autant la remettre en question, la stratégie gouvernementale d'amélioration de la compétitivité. Ainsi, la loi de finances pour 2025 reporte de 3 ans la suppression définitive de la CVAE, initialement prévue pour 2027. Cette suppression soutiendra particulièrement l'industrie française, puisqu'elle bénéficiera de plus de 25 % des gains de la suppression de la CVAE, soit près du double de la part de la valeur ajoutée industrielle dans le PIB.

Données clés

Auteur : M. Thierry Frappé

Type de question : Question écrite

Rubrique : Emploi et activité

Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles

Ministère répondant : Travail et emploi

Dates :
Question publiée le 11 février 2025
Réponse publiée le 27 mai 2025

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