Occupation illégale de terrains privés et conditions d'évacuation
Question de :
M. Mathieu Lefèvre
Val-de-Marne (5e circonscription) - Ensemble pour la République
M. Mathieu Lefèvre attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les difficultés rencontrées par les propriétaires privés et les collectivités territoriales confrontés à l'occupation illégale de terrains dans le Val-de-Marne et sur les obstacles à une évacuation rapide. À Fontenay-sous-Bois, à la limite du Perreux-sur-Marne, un campement informel a été découvert en février 2024 sur une parcelle privée en friche, cadastrée n° 337, enclavée entre deux bretelles de l'autoroute A86. Composé de cinq cabanes de fortune, ce camp abrite environ vingt personnes, dont quatorze enfants, dans des conditions sanitaires très dégradées. L'installation, dissimulée par la végétation, est illégale, mais son évacuation se heurte à la lourdeur des procédures, notamment judiciaires, que le propriétaire privé doit engager à ses frais pour obtenir une ordonnance d'expulsion. Cette situation n'est pas isolée. En amont des jeux Olympiques, la police et la gendarmerie ont procédé, le 11 juillet 2024, à l'évacuation d'un campement similaire près de l'autoroute A4, à Joinville-le-Pont. Toutefois, des témoignages indiquent que les occupants se seraient depuis réinstallés à proximité, révélant l'ineffectivité durable de certaines opérations. De nombreux élus locaux font état de la complexité procédurale entourant l'évacuation des campements illégaux, laquelle requiert une coordination étroite entre plusieurs entités administratives : services de police, autorités judiciaires, préfectures, voire la direction des routes d'Île-de-France (DIRIF) lorsque les emprises concernées relèvent du domaine public ou jouxtent des infrastructures routières. Bien que la fin de la trêve hivernale, intervenue le 31 mars 2025, ait théoriquement levé certains obstacles juridiques, les délais de traitement et la multiplicité des acteurs compétents freinent encore significativement les interventions. Ces occupations illicites soulèvent par ailleurs des problématiques majeures, tant sur le plan humanitaire que sur le plan de la sécurité publique : risques sanitaires, insalubrité, départs d'incendie, exposition à des zones à fort trafic routier. Elles alimentent en outre un sentiment d'abandon chez les riverains et les propriétaires fonciers concernés, souvent démunis face à l'absence de réponse coordonnée ou de soutien institutionnel effectif. Ainsi, il l'interroge sur les mesures que le Gouvernement entend prendre pour permettre une gestion plus réactive et coordonnée de ces situations récurrentes, dans le respect des droits, mais avec une effectivité renforcée des procédures d'évacuation.
Réponse en séance, et publiée le 16 juillet 2025
OCCUPATION ILLÉGALE DE TERRAINS PRIVÉS
Mme la présidente . La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour exposer sa question, no 389, relative à l'occupation illégale de terrains privés.
M. Mathieu Lefèvre . Je veux vous interpeller au sujet de deux campements illégaux qui se sont constitués et reconstitués dans ma circonscription. Le premier se situe à la frontière de Fontenay-sous-Bois et du Perreux-sur-Marne. Des dizaines de personnes, dont des enfants, vivent dans des conditions d'insalubrité manifeste sur un terrain qui appartient pour partie à la direction des routes d'Île-de-France. Il m'avait été indiqué qu'il était naturellement impossible de mettre en mouvement l'action publique quand la trêve hivernale était en cours. Elle est désormais échue et je crains que l'action publique ne soit cependant pas enclenchée, ce qui contrevient pourtant aux objectifs de santé, de tranquillité et de sécurité publiques auxquelles ont droit tous nos concitoyens qui habitent cette zone, y compris les personnes qui se situent dans ce campement.
J'avais également saisi M. le préfet de police, que je remercie, pour un autre campement à proximité du pont de Joinville, près de Nogent-sur-Marne. Le campement a été évacué au mois de juillet dernier mais, malheureusement, il a été progressivement réinstallé, entraînant des nuisances très fortes pour les riverains. Ces situations créent beaucoup d'inquiétude et d'incompréhension chez nos concitoyens, d'autant qu'elles durent parfois plusieurs mois ou plusieurs années sans que les élus locaux puissent faire grand-chose.
C'est la raison pour laquelle j'en appelle à votre écoute et à votre souhait d'assurer la tranquillité publique pour que force reste à la loi. Il faut évidemment mettre à l'abri ces personnes, mais il me semble que la priorité est l'évacuation de ces deux campements, en particulier du premier. En effet, la situation n'a que trop duré.
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Vous abordez la question essentielle, à la fois complexe et récurrente, des occupations illégales de terrains, notamment en zone urbaine dense, et des limites de notre capacité à y répondre de manière rapide, coordonnée et surtout durable. Juridiquement, les moyens d’action sont très clairs. Si les campements illicites des gens du voyage peuvent être évacués directement par le préfet à l’issue d’une procédure particulière fixée par la loi, il n’en va pas de même pour les campements tels que ceux que vous évoquez, qui sont soumis au régime de droit commun. Il convient donc d’utiliser les voies de recours juridictionnelles classiques : les occupants de ces campements peuvent être expulsés en exécution d’une décision de justice. C’est au propriétaire ou au titulaire du droit d’usage d’agir selon la nature du terrain, devant l’un ou l’autre ordre de juridiction, devant le juge administratif lorsque le terrain appartient au domaine public, devant le juge judiciaire lorsque le terrain appartient au domaine privé d’une personne publique, ou que le terrain est une dépendance de la voirie routière, comme dans le cas que vous évoquiez, ou encore lorsque son propriétaire est une personne privée. Dans les deux cas, une action en référé, simple et rapide, est la plus efficace. En principe, cela devrait fonctionner – je n'entrerai pas davantage dans le détail.
Le cas que vous évoquez du campement situé avenue Louison-Bobet à Fontenay-sous-Bois illustre ce que nous constatons dans plusieurs secteurs du territoire, en Île-de-France comme ailleurs : des installations précaires, souvent dissimulées, qui soulèvent des enjeux de salubrité – vous l'avez relevé –, de sécurité publique et d'accompagnement humanitaire. Ce campement fait l’objet d’une attention particulière des services préfectoraux. Un diagnostic social a été réalisé et la direction territoriale de la sécurité de proximité s’est rendue pour la dernière fois sur place au début du mois de mars 2025.
Enfin, des procédures pénale et civile sont en cours. Je puis vous confirmer que les services du ministère de l’intérieur sont mobilisés pour intensifier cette coordination et conjuguer fermeté dans l’application du droit et responsabilité. Il ne s’agit plus de traiter au cas par cas, dans l’urgence, mais de construire une réponse systémique, coordonnée et pérenne, pour protéger à la fois l’ordre public, la salubrité et les droits des personnes.
Voilà les actions qui sont actuellement menées. Nous pourrons vous tenir au courant de l'évolution des procédures engagées.
Mme la présidente . La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre . Je vous remercie pour votre réponse exhaustive. Je me réjouis que la justice ait été saisie, ce qui permettra que force reste à la loi et que nos concitoyens puissent vivre dans la tranquillité, sans avoir à faire face à des zones de non-droit.
Auteur : M. Mathieu Lefèvre
Type de question : Question orale
Rubrique : Propriété
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 10 juin 2025