Question orale n° 38 :
Soutien aux écoles rurales

17e Législature

Question de : M. Corentin Le Fur
Côtes-d'Armor (3e circonscription) - Droite Républicaine

M. Corentin Le Fur interroge Mme la ministre de l'éducation nationale sur la politique qu'entend mener le Gouvernement en matière de soutien aux écoles rurales. Chaque année, au mois de février, les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (DASEN) publient les cartes scolaires dans la perspective de l'année scolaire suivante. Chaque année, de très nombreuses suppressions de postes sont annoncées. Chaque année, de trop nombreuses classes ferment donc leurs portes. Et chaque année, c'est la France rurale qui est la première victime de ces fermetures. En menaçant l'avenir des écoles, ces fermetures de classes portent directement atteinte à la vitalité des communes concernées. À deux mois de la publication de la carte scolaire 2025-2026, les maires ruraux font leurs comptes. Ils cherchent à inscrire de nouveaux élèves dans leurs écoles afin de maximiser leurs chances d'échapper à une potentielle fermeture de classe. L'an passé, pour le seul département des Côtes-d'Armor la carte scolaire prévoyait 42 fermetures de classes. Certaines de ces fermetures concernaient des écoles pour lesquelles les communes avaient engagé des travaux lourds et extrêmement onéreux pour des petites communes. Plus de 2,5 millions d'euros pour la construction d'une nouvelle école à La Motte. Plus de 700 000 euros pour le RPI Plédéliac-St-Rieul. Comment expliquer à un maire qui a consacré la quasi-totalité de son budget d'investissement à son école, qu'une de ses classes va fermer ? Surtout quand cette fermeture menace l'existence même de l'école. De même, comment expliquer à des communes ayant accepté un regroupement pédagogique intercommunal (RPI), qu'en dépit du regroupement de leurs écoles, une de leur classe devra fermer ses portes ? Au RPI Plussulien-St-Mayeux, cette suppression de poste a conduit un maire à la démission. Comment faire fonctionner un RPI avec seulement 2 postes et des classes comprenant 5 niveaux ? Initialement, le RPI devait être une garantie pour les élus et les parents d'élèves. Il ne l'est malheureusement plus. Les élus ruraux se donnent corps et âme dans leur mandat pour attirer des familles dans leurs communes et ainsi assurer l'avenir de leurs écoles. Ils le font avec leurs moyens et des marges de manœuvre par nature limitées et qui tendent à se réduire. L'exemple du zéro artificialisation nette (ZAN) en est l'exemple parfait. Comment accueillir des familles lorsque la construction n'est plus possible ? Dans ces conditions et à quelques semaines de la publication de la prochaine carte scolaire, il lui demande de bien vouloir lui indiquer comment le Gouvernement compte bâtir cette carte scolaire et s'il entend prendre des mesures particulières afin de protéger la ruralité de fermetures de classes qui, ces dernières années, ont souvent été excessives.

Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2024

ÉCOLES RURALES
M. le président . La parole est à M. Corentin Le Fur, pour exposer sa question, no 38, relative aux écoles rurales.

M. Corentin Le Fur . Chaque année, au mois de février, les directeurs académiques publient les cartes scolaires, dans la perspective de l’année scolaire à venir ; et chaque année, hélas, de très nombreuses suppressions de postes sont annoncées. Chaque année, de trop nombreuses classes ferment leurs portes ; et chaque année, c’est la France rurale qui est la première victime de ces fermetures. En menaçant l’avenir de leur école, ces fermetures de classes portent directement atteinte à la vitalité des communes concernées.

Nous sommes en décembre. Dans deux mois, la nouvelle carte scolaire sera publiée et elle est redoutée. Dans cette perspective, les maires ruraux sont inquiets et font le tour des maisons, à la recherche d’élèves. Or nos élus ne supportent plus de vivre ainsi, avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête.

L’an passé, dans les Côtes-d’Armor, nous avons subi quarante-deux fermetures de classes, notamment dans ma circonscription : à La Motte, à Lamballe, à Quessoy, au regroupement pédagogique intercommunal (RPI) de Plussulien et Saint-Mayeux, au RPI de Plédéliac et Saint-Rieul et au RPI de Quintin et Cohiniac. Chaque fermeture est vécue comme un traumatisme par les élus concernés, les enseignants et les parents. Certaines de ces fermetures ont même concerné des écoles pour lesquelles les communes avaient engagé des travaux lourds et onéreux : plus de 2,5 millions d’euros pour la construction d’une nouvelle école à La Motte et plus de 700 000 euros pour le RPI de Plédéliac et Saint-Rieul. Je vous laisse estimer ce que cela représente pour ces petites communes.

Comment peut-on expliquer à un maire qui a consacré la quasi-totalité de son budget d’investissement à ces travaux que l’une de ses classes va fermer, surtout quand cette fermeture menace l’existence même de l’école ? Comment expliquer à des communes ayant accepté un regroupement pédagogique intercommunal qu’en dépit de celui-ci, une de leur classe va fermer ? Cette situation a conduit le maire de Plussulien à la démission – une issue qui doit tous nous faire réagir. Comment faire fonctionner un RPI avec seulement deux postes et des classes de cinq niveaux différents ?

Monsieur le ministre, je vous sais sensible à la situation des classes rurales. Le gouvernement est-il prêt à prononcer un moratoire – qui est indispensable – sur ces fermetures en milieu rural ?

M. le président . La parole est à M. le ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel.

M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel . Je veux, avant toute chose, saluer votre engagement dans la défense de l'école rurale, qui a un rôle essentiel dans l'aménagement de notre territoire. Je vous sais très actif sur cette question dans votre département des Côtes-d'Armor.

J'aimerais ensuite rappeler un principe simple : l'égalité des chances doit être une réalité pour tous nos enfants, qu'ils aient grandi dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, en plein cœur de Paris ou dans un territoire rural. Ce principe a trop souvent été oublié et notre pays a besoin qu'il soit réaffirmé avec la plus grande force. Si la baisse continue de la démographie scolaire nécessite des ajustements de la carte scolaire, il est hors de question que l'école rurale soit l'éternelle sacrifiée dans les choix que nous aurons à faire pour les années à venir.

Ce n'est pas seulement un enjeu de pédagogie ; c'est aussi un enjeu d'aménagement du territoire, comme vous l'avez très bien rappelé. Une fermeture de classe peut avoir un impact négatif qui dépasse largement la dimension scolaire et il importe donc d'activer tous les leviers pour préserver nos écoles sur nos territoires. Les efforts que nous avons à faire ne peuvent pas peser toujours sur le rural : c'est cela aussi, la solidarité nationale.

C'est dans votre beau département des Côtes-d'Armor que j'ai fait mon tout premier déplacement, précisément sur la défense de l'école rurale. La ruralité a été l'une des priorités de la rentrée 2024 et nous veillerons à ce qu'elle le reste en 2025, au terme des débats budgétaires. Dans votre département, les communes rurales ont bénéficié d'un tiers des ouvertures et ont subi un quart des fermetures de classes, alors qu'elles représentent près de la moitié des établissements du département.

L'Observatoire des dynamiques rurales s'est réuni pour la première fois le 25 novembre autour du préfet, du Dasen (directeur académique des services de l’éducation nationale) et des élus locaux. Il a permis de partager les constats démographiques et de poser les bases d'une feuille de route concertée – j'y insiste – et adaptée aux besoins du territoire, avec la mise en place de groupes de travail à l'échelle des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) du département pour anticiper l'évolution de la carte scolaire dans les années à venir. Ce travail doit être poursuivi ; une réunion d'étape aura lieu avant l'été et nous suivrons tout cela avec attention.

M. le président . La parole est à M. Corentin Le Fur.

M. Corentin Le Fur . Je vous remercie pour cette réponse et pour votre engagement, monsieur le ministre : vous connaissez les zones rurales et vous les défendez. Je vous remercie d'être venu dans mon département des Côtes-d'Armor pour voir ce qu'est l'école en zone rurale. Il faut absolument éviter d'avoir une école à deux vitesses et préserver les spécificités des zones rurales. Lorsqu'une classe ferme en zone rurale, la classe la plus proche n'est pas dans le pâté de maisons voisin, comme en milieu urbain, mais souvent à plusieurs dizaines de kilomètres.

Quand on a un bon ministre, qui connaît ses dossiers et qui défend les classes en zone rurale, il faut le garder. J'espère que vous pourrez poursuivre votre mission et prononcer un moratoire sur les fermetures d'écoles en zone rurale !

Données clés

Auteur : M. Corentin Le Fur

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement maternel et primaire

Ministère interrogé : Éducation nationale

Ministère répondant : Éducation nationale

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 novembre 2024

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