Accès aux soins en ophtalmologie dans les territoires
Question de :
Mme Julie Delpech
Sarthe (1re circonscription) - Ensemble pour la République
Mme Julie Delpech interroge M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins, sur l'accès aux soins en ophtalmologie qui reste un défi majeur, en particulier dans les zones rurales ou sous-dotées. Pourtant, des dispositifs innovants portés par des acteurs de terrain engagés ont émergé mais peinent encore à se déployer pleinement. Dans la circonscription de Mme la députée en Sarthe, l'organisation OphtaMaine a développé depuis près de vingt ans un modèle innovant de postes avancés en ophtalmologie. Fondé sur une coopération étroite entre orthoptistes et ophtalmologistes, ce dispositif repose sur la réalisation d'examens par des orthoptistes dans des cabinets délocalisés, souvent en zone rurale, analysés ensuite à distance par des médecins, qui interviennent ponctuellement si nécessaire. En déléguant les examens de réfraction et les prescriptions simples aux orthoptistes, il permet aux ophtalmologistes de se concentrer sur les cas complexes et les urgences, améliorant l'accès aux soins pour les patients ayant un besoin médical avéré. Ce modèle assure le suivi visuel de près de 45 000 patients par an, avec un taux de réorientation d'environ 17 %. Il a également été déployé à Mayotte, dans un contexte de quasi-absence d'offre de soins. Malgré son efficacité, ce dispositif est fragilisé par une application restrictive du protocole RNO, qui limite le champ d'action des orthoptistes aux seuls patients déjà suivis. Or OphtaMaine applique ce protocole à un public plus large, ce qui l'oblige à facturer une partie des actes hors nomenclature, sans remboursement possible pour les patients. Cette situation crée une incertitude juridique menaçant la viabilité du modèle. Dans cette même logique territoriale, les opticiens souhaitent contribuer activement à l'amélioration de l'accès aux soins visuels. Leur réseau, présent jusque dans les petites communes, en fait des relais précieux auprès des publics vulnérables, comme les personnes âgées ou les enfants rarement suivis. Sans prétendre à un rôle prescripteur, ils proposent de travailler en complémentarité avec orthoptistes et ophtalmologistes. En Sarthe, leur collaboration avec OphtaMaine illustre la pertinence de cette approche fondée sur la confiance et la complémentarité entre les acteurs de la filière visuelle. Pourtant, les expérimentations permettant l'intervention des opticiens, notamment en EHPAD, prévues par la loi « bien vieillir », restent difficiles à mettre en œuvre faute d'un encadrement suffisamment clair et opérationnel. Dans ce contexte, elle lui demande quelles évolutions du cadre réglementaire le Gouvernement envisage pour sécuriser juridiquement ces modèles locaux, favoriser leur déploiement dans les territoires sous-dotés et structurer une coopération durable entre ophtalmologistes, orthoptistes et opticiens au service de l'accès aux soins visuels pour tous.
Réponse en séance, et publiée le 16 juillet 2025
OPHTALMOLOGIE EN MILIEU RURAL
Mme la présidente . La parole est à Mme Julie Delpech, pour exposer sa question, no 391, relative à l'ophtalmologie en milieu rural.
Mme Julie Delpech . L’accès aux soins en ophtalmologie reste un défi majeur, en particulier dans les zones rurales ou sous-dotées. Pourtant, des dispositifs innovants lancés par des acteurs de terrain engagés ont émergé, mais peinent encore à se déployer pleinement.
Dans ma circonscription, dans le département de la Sarthe, l’organisation OphtaMaine a développé depuis 2019 un modèle innovant de postes avancés en ophtalmologie. Fondé sur une coopération étroite entre orthoptistes et ophtalmologistes, ce dispositif repose sur la réalisation d’examens par des orthoptistes dans des cabinets délocalisés, souvent en zone rurale, analysés ensuite à distance par des médecins, qui interviennent ponctuellement si nécessaire.
En déléguant aux orthoptistes les examens de réfraction et les examens de base, il permet aux ophtalmologistes de se concentrer sur les cas complexes et les urgences, améliorant l’accès aux soins pour les patients ayant un besoin médical avéré. Ce modèle assure le suivi visuel de près de 45 000 patients par an, avec un taux de réorientation d’environ 17 %. Il a également été déployé à Mayotte, dans un contexte de quasi-absence d’offre de soins. Malgré son efficacité, ce dispositif est fragilisé par une application restrictive du protocole organisationnel, qui limite le champ d’action des orthoptistes aux seuls patients déjà suivis par un cabinet. Or OphtaMaine applique ce protocole à un public plus large. Cette situation crée une incertitude juridique menaçant la viabilité du modèle.
Dans cette même logique territoriale, les opticiens souhaitent contribuer activement à l'amélioration de l’accès aux soins visuels. Leur réseau, présent jusque dans les petites communes, en fait des relais précieux auprès des publics vulnérables, comme les personnes âgées ou les enfants rarement suivis.
Sans prétendre à un rôle de prescripteur, ils proposent de travailler en coopération avec les orthoptistes et les ophtalmologistes. En Sarthe, leur collaboration avec OphtaMaine illustre la pertinence de cette approche fondée sur la confiance et la complémentarité entre les acteurs de la filière visuelle.
Pourtant, les expérimentations permettant l'intervention des opticiens, notamment celles prévues en Ehpad par la loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie, restent difficiles à mener, faute d'un encadrement clair et opérationnel.
Comment le gouvernement envisage-t-il de faire évoluer le cadre réglementaire pour sécuriser juridiquement ces modèles locaux, favoriser leur déploiement dans les territoires sous-dotés et structurer une coopération durable entre ophtalmologistes, orthoptistes et opticiens, afin de favoriser l'accès aux soins visuels pour tous ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins. Je vous remercie pour cette question concernant le déploiement de dispositifs innovants en matière d'organisation des soins, particulièrement en ophtalmologie, à l'image du modèle représenté dans votre département par OphtaMaine.
Vous le soulignez à juste titre : l'accès aux soins visuels demeure un enjeu majeur, particulièrement dans les zones rurales et sous-dotées. Malgré les progrès enregistrés, le délai médian d'obtention d'un rendez-vous en ophtalmologie étant passé de cinquante-deux jours en 2018 à trente-huit en 2023, les disparités territoriales et les tensions liées à la démographie médicale persistent.
Dans ce contexte, les organisations territoriales fondées sur la coopération entre professionnels de santé, comme celle développée par OphtaMaine, prennent tout leur sens. Ce modèle, qui repose sur une répartition efficiente des tâches entre ophtalmologues et orthoptistes a démontré sa pertinence, avec le suivi de près de 45 000 patients par an et un taux de réorientation maîtrisé.
Comme vous l'indiquez, l'application actuelle du protocole de renouvellement optique, qui restreint les actes des orthoptistes aux seuls patients déjà suivis, et dans des structures spécifiques, constitue une limite. Cette restriction empêche notamment le remboursement par l'assurance maladie de certains actes réalisés par les orthoptistes dans le cadre du dispositif OphtaMaine.
Des solutions existent néanmoins. L'application d'un protocole de coopération locale, validé par les autorités compétentes, permettrait de facturer les actes qui ne sont pas couverts dans le cadre actuel. Cette démarche sécuriserait juridiquement l'activité et assurerait la pérennité du modèle.
Au-delà de ce cas particulier, plusieurs mesures récentes ont fait évoluer la filière visuelle. Les orthoptistes peuvent désormais primo-prescrire et renouveler les prescriptions des lunettes et des lentilles sans passer par la téléexpertise d'un ophtalmologue. Les opticiens lunetiers peuvent adapter les prescriptions après examen de la réfraction, ce qui favorise un accès plus rapide aux équipements optiques.
Le gouvernement, et mon ministère en particulier, reste attentif aux initiatives locales et à la complémentarité entre les professionnels de santé de la filière visuelle. À titre d'exemple, le pacte de lutte contre les déserts médicaux prévoit de généraliser l'expérimentation permettant aux opticiens lunetiers d'intervenir en Ehpad. Cette mesure devra toutefois s'accompagner d'un encadrement plus clair et opérationnel que nous préciserons par voie législative et réglementaire.
Soyez assurée, madame la députée, que mon ministère et moi-même sommes pleinement engagés pour améliorer l'accès aux soins de nos concitoyens.
Mme la présidente . La parole est à Mme Julie Delpech.
Mme Julie Delpech . Je vous remercie pour votre réponse, monsieur le ministre. Le sujet est particulièrement important, en particulier dans la Sarthe, où les délais pour bénéficier d'un suivi visuel ne sont ni de cinquante-deux jours, ni de trente-huit, mais de plusieurs mois. Je vous invite à venir dans notre territoire pour étudier la situation de plus près et découvrir OphtaMaine.
Auteur : Mme Julie Delpech
Type de question : Question orale
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 10 juin 2025