Suppression de la vidéosurveillance systématique en garde à vue
Question de :
M. Thomas Ménagé
Loiret (4e circonscription) - Rassemblement National
M. Thomas Ménagé interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les conséquences de l'entrée en vigueur, au 1er octobre 2024, des articles R. 256-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, qui mettent fin à l'enregistrement systématique de la vidéosurveillance des locaux de garde à vue. Ces dispositions, issues du décret n° 2022-1382 du 31 octobre 2022, remplacent le dispositif antérieur par un régime d'enregistrement conditionné, selon les termes de l'article L. 256-2 du même code, à une décision du chef du service responsable de la sécurité des lieux concernés ou de son représentant lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que la personne gardée à vue pourrait tenter de s'évader ou représenter une menace pour elle-même ou pour autrui. Dans les faits, cette évolution suscite des inquiétudes quant à son impact sur le bon déroulement des gardes à vue, sur l'organisation des services et sur la sécurité des policiers, qui sont susceptibles d'être victimes d'agressions violentes. Ces derniers alertent également sur une nécessaire réorganisation des effectifs qui implique que certains d'entre eux soient retirés du terrain pour assurer la surveillance physique des personnes en garde à vue, compensant ainsi l'absence de vidéosurveillance. Une telle situation risque d'affecter la disponibilité des forces de l'ordre pour leurs missions de lutte contre la délinquance dans un contexte où les effectifs sont déjà sous tension, en particulier dans des territoires marqués par une forte insécurité. Au-delà de cette problématique opérationnelle, la suppression de la vidéosurveillance systématique soulève également des interrogations sur la protection des droits des gardés à vue et des policiers. Les enregistrements vidéo constituaient jusqu'à présent un élément de preuve objectif permettant d'éviter d'éventuels contentieux liés à des accusations de violences ou des agressions commises par des personnes en garde à vue. En l'absence d'une captation automatique et systématique, ces contentieux pourraient se multiplier, rendant plus complexes les enquêtes et procédures disciplinaires. Il lui demande donc si le Gouvernement entend revenir sur cette réforme ou, à défaut, s'il compte prendre des mesures pour assurer la protection des policiers et éviter qu'elle ne désorganise leur action.
Réponse publiée le 3 juin 2025
Depuis le 1er octobre 2024, les conditions de vidéosurveillance des personnes placées en garde à vue (ou en retenue douanière) ont changé en application des articles L. 256-1 et suivants du code de la sécurité intérieure. Ce nouveau cadre juridique est issu de la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Initialement destiné à combler un vide juridique concernant les dispositifs de vidéosurveillance dans les locaux de garde à vue et à tirer les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel, promu par diverses autorités de contrôle, il a été considérablement encadré et donc alourdi lors de la discussion parlementaire, puis lors de la phase d'élaboration des règlements d'application et aux différentes étapes de l'examen des textes par le Conseil d'État. Décidé « lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que [la] personne pourrait tenter de s'évader ou représenter une menace pour elle-même ou pour autrui », et devant donc être motivé, le placement sous vidéosurveillance d'un gardé à vue est désormais l'exception. Il s'accompagne de droits pour la personne filmée, dont celle-ci doit être informée, comme doit lui être notifiée la décision de la placer sous vidéosurveillance. Des diligences sont également à accomplir auprès de l'autorité judiciaire. Par ailleurs, des diligences supplémentaires s'appliquent (avocat, médecin) lorsque la personne bénéficie d'une mesure de protection juridique (tutelle, etc.) ou est mineure. Par ailleurs, un registre administratif spécifique doit être mis en place. Des diligences spécifiques sont également à accomplir en matière d'enregistrement des séquences vidéo (habilitation des agents autorisés à consulter les images, application des règles relatives à la protection des données, conservation des images, etc.). La mise en œuvre de ces nouvelles normes impose, en outre, d'équiper de nombreuses caméras d'enregistreurs, ce qui suppose des investissements financiers significatifs. Un pare-vue ou un filtre opacifiant doit également être fixé dans les cellules équipées de sanitaires. Ce nouvel encadrement juridique suscite la préoccupation voire l'incompréhension de nombre de policiers et pèse sur les services de police, qui doivent fréquemment se réorganiser pour y faire face. Il soulève donc de sérieuses interrogations dont le ministre d'État, ministre de l'Intérieur, est conscient. Ce cadre légal alourdit en effet le formalisme de la procédure alors que la simplification est une attente centrale des agents, notamment de ceux exerçant en filière investigation. La simplification de la procédure pénale constitue d'ailleurs, depuis plusieurs années, une priorité affichée par les Gouvernements successifs. Par ailleurs, avec un recours désormais restrictif à la vidéosurveillance, la charge de travail induite par la surveillance physique des cellules détourne nécessairement des policiers de missions opérationnelles, « immobilisés » dans les locaux des commissariats pour effectuer des rondes et procéder à des contrôles visuels directs de l'intérieur des cellules. Alors que les attentes des Français sont très fortes en matière de sécurité, et notamment de présence visible des forces de l'ordre sur le terrain, ce nouveau cadre juridique ne va pas dans le sens souhaité. Il convient de rappeler que le ministre d'État, ministre de l'Intérieur, a fait du renforcement de la sécurité du quotidien une priorité, qui passe par une présence accrue des patrouilles sur la voie publique. Pour la gendarmerie nationale, il convient de mentionner qu'il n'existe pas, à l'heure actuelle, de dispositif de vidéosurveillance de cellules de garde-à-vue. Néanmoins, une expérimentation de la vidéosurveillance a débuté au sein du groupement de gendarmerie du Lot-et-Garonne depuis le 17 février 2025 pour une durée de 6 mois. Elle permettra notamment d'éprouver le cadre légal d'emploi. Face aux conséquences opérationnelles et financières de ce nouveau cadre juridique, des mesures doivent être prises. Le ministre d'État, ministre de l'Intérieur, a donc demandé que soient étudiées toutes les possibilités juridiques pour réviser le cadre légal et permettre de revenir à un fonctionnement plus rationnel sur le plan opérationnel et moins coûteux sur le plan humain.Il convient en outre de rappeler que le ministre d'État, ministre de l'Intérieur, souhaite que soient intensifiés les efforts engagés depuis plusieurs années pour limiter le temps consacré aux actes de pur formalisme et réduire les contraintes administratives et les missions périphériques qui éloignent le policier et le gendarme de leur cœur de métier et notamment du terrain. Il s'agit de lutter contre des contraintes coûteuses et démotivantes et ainsi de redonner du sens au travail et à la vocation des policiers et des gendarmes, qui attendent beaucoup sur ce plan. Au-delà des indispensables évolutions législatives et réglementaires de simplification de la procédure pénale, d'importantes mesures ont déjà été prises ou sont en cours pour simplifier le travail policier : recours accru aux personnels administratifs pour exercer des fonctions non opérationnelles et pour suppléer les enquêteurs dans l'exécution des diligences procédurales, développement de l'amende forfaitaire délictuelle, réduction des missions dites périphériques, etc. Il est également fondamental que les policiers et gendarmes disposent d'outils numériques et d'aide à l'enquête performants et modernes, tant pour les gains de temps et d'efficacité, dont ils sont porteurs, que pour limiter la charge que représente une procédure pénale toujours plus complexe : déploiement progressif du programme « procédure pénale numérique », caméras mobiles, caméras embarquées et aéroportées, terminaux numériques de nouvelle génération NEO 2 et outils de plainte en mobilité, plainte en ligne et projet de visioplainte, développement de logiciels de retranscription, etc. À la demande du ministre d'État, ministre de l'Intérieur, les travaux visant à déployer le nouveau logiciel de rédaction des procédures de la police nationale, qui simplifiera la production des actes de procédure, vont en particulier être accélérés.
Auteur : M. Thomas Ménagé
Type de question : Question écrite
Rubrique : Police
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 11 février 2025
Réponse publiée le 3 juin 2025