Responsabilité fiscale du gestionnaire défaillant d'une indivision immobilière.
Question de :
M. Édouard Bénard
Seine-Maritime (3e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine
M. Édouard Bénard interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le caractère solidaire des pénalités et autres majorations fiscales résultant d'une mauvaise gestion d'un patrimoine immobilier indivis. En l'état du droit, lorsque le gestionnaire d'un patrimoine indivis ne s'est pas acquitté des impôts et taxes locales, les pénalités fiscales peuvent être exigées de l'ensemble des indivisaires. Le principe de solidarité entre les indivisaires dans le règlement des impôts est affirmé à l'article 1313 du code civil qui dispose que « la solidarité entre les débiteurs oblige chacun d'eux à toute la dette ». Même si le retard ou l'absence de paiement des impôts et taxes locales sont imputables au seul gestionnaire du patrimoine, désigné par le juge, par convention entre les co-indivisaires, ou lorsque l'un des héritiers indivis s'est octroyé de fait, le monopole de la gestion des biens indivis, l'administration fiscale peut se retourner contre n'importe quel co-indivisaire en vue d'obtenir le règlement de la totalité des sommes dues. Si l'article 815-10 du code civil précise que « sont de plein droit indivis [...] les créances et indemnités qui remplacent des biens indivis » en justice, M. le député s'interroge sur le bienfondé de cette disposition dès lors que le principe de solidarité est susceptible de déresponsabiliser le gestionnaire du patrimoine immobilier indivis en faisant peser ses manquements sur les co-indivisaires. En effet, ce principe présuppose que les indivisaires sont en mesure de prendre une part active à la gestion des biens indivis, ou tout du moins, de surveiller régulièrement la gestion des biens indivis. Or il apparaît que les indivisaires ne sont pas toujours en situation de pouvoir exercer un tel contrôle du fait de la mauvaise foi ou de la non coopération du gestionnaire des biens indivis. Si le recours au service de la justice peut constituer une solution en cas de litige entre les co-indivisaires et le gestionnaire du patrimoine, les délais de traitement de ces dossiers par les tribunaux peuvent conduire à un rapide accroissement du passif fiscal du patrimoine indivis. C'est pourquoi il l'interroge sur la nécessité de faire évoluer le cadre législatif relatif à la gestion des biens indivis afin de responsabiliser davantage les gestionnaires de ces biens immobiliers. À ce titre, il suggère que les pénalités liées au non-paiement des droits, taxes et autres impôts grevant les biens indivis puissent n'être exigées qu'auprès du seul gestionnaire du patrimoine indivis dès lors qu'il est avéré que le non-paiement des recettes fiscales est directement imputable à sa mauvaise gestion. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire part des évolutions législatives et réglementaires susceptibles d'être envisagées par le Gouvernement pour responsabiliser davantage les gestionnaires de biens immobiliers indivis.
Réponse publiée le 3 décembre 2024
La solidarité pouvant exister en matière fiscale est l'application en cette matière d'un principe général du droit civil (article 1313 du Code civil), qui permet au créancier de demander le paiement intégral d'une créance à un seul débiteur sur une seule et même dette due par plusieurs codébiteurs, les libérant ainsi totalement ou partiellement dans leur ensemble selon que le paiement est total ou partiel. Ce principe constitue une garantie pour le créancier de pouvoir recouvrer sa créance. Ainsi, en présence d'une dette fiscale à la charge d'indivisaires solidaires, l'administration peut être amenée à s'adresser à l'un des indivisaires pour obtenir le paiement de la totalité d'une imposition. Il incombe alors à l'indivisaire ayant réglé cette dette d'entamer, le cas échéant, une action récursoire contre les autres indivisaires pour les faire contribuer au paiement à ses côtés. Cela étant, la solidarité ne se présume pas et ne s'applique que dans les cas expressément prévus par la loi. Ainsi, il a été jugé que « la solidarité ne s'attache pas de plein droit à la qualité d'indivisaire ni à la circonstance que l'un d'eux a agi comme mandataire des autres » (Cour de cassation, 3e civ., 12 mai 1975, n° 74-11.154). Le régime de solidarité qui tient les codébiteurs au paiement d'une créance dépend donc de la nature de l'obligation qui les lie au regard du droit civil et non de l'impôt concerné (BOI-REC-PREA-10-10-30). À cet égard, en matière d'impôts grevant un bien immobilier indivis, l'imposition collective n'implique pas l'obligation solidaire de chacun des copropriétaires au paiement de la totalité de la cotisation. Tel est le cas pour la taxe foncière (BOI-IF-TFB-10-20-10, n° 30). De même, en matière de taxe d'habitation sur les résidences secondaires, le Conseil d'État juge que seul le recouvrement de la part incombant à chaque indivisaire peut être légalement poursuivi par l'administration, écartant ainsi le principe de solidarité entre indivisaires (v. en ce sens l'arrêt du Conseil d'État du 30 sept. 2019, n° 419384, 419490). Il en va de même pour la taxe sur les logements vacants. Les pénalités résultant de l'absence de paiement dans les délais de l'impôt, qui en constituent l'accessoire, suivent le même régime que ce dernier. En conséquence, pour les impôts locaux précités pour lesquels il n'y a pas de solidarité, les indivisaires ne sont tenus de régler les pénalités qu'à hauteur de leurs droits dans l'indivision. Ces précisions sont de nature à répondre aux préoccupations exprimées.
Auteur : M. Édouard Bénard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Impôts et taxes
Ministère interrogé : Économie, finances et industrie
Ministère répondant : Économie, finances et industrie
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 3 décembre 2024