Affaire Notre-Dame de Bétharram
Question de :
Mme Colette Capdevielle
Pyrénées-Atlantiques (5e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 19 février 2025
AFFAIRE NOTRE-DAME DE BÉTHARRAM
Mme la présidente . La parole est à Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle . J'associe à ma question mes collègues des Pyrénées-Atlantiques, Peio Dufau et Inaki Echaniz. Les élus et les responsables politiques ont un devoir d’exemplarité et de transparence. Monsieur le premier ministre, vous affirmiez ici même, le 11 février, à propos de Notre-Dame de Bétharram, que vous n'aviez jamais été informé de quoi que ce soit, ni de violences, ni de violences sexuelles. De nouveaux témoignages sont apparus. Le juge d’instruction Christian Mirande affirme vous avoir rencontré longuement dans son bureau pour parler du père Carricart, accusé de viols. Ce juge a-t-il menti ?
Ce matin, dans le quotidien La République des Pyrénées, l’enquêteur qui officiait à la section de recherches au moment des faits affirme que le déferrement du père Carricart au juge Mirande avait été retardé, car le procureur général voulait voir le dossier, suite à une intervention de M. Bayrou. Ce gendarme a-t-il menti ?
Face à l'omerta, qui a duré des décennies, nous devons la vérité aux victimes pour qu’elles puissent enfin se reconstruire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS, LIOT et GDR.) Alors même que vous n’avez pas été capable de prononcer le mot « victime » devant nous, vous vous êtes livré la semaine dernière à une pathétique opération de sauve-qui-peut et à des promesses de gascon. Partout en France, les besoins sont impérieux pour rendre justice aux victimes. Plutôt que de chercher à tout prix à vous disculper, quelles sont les mesures et les actions que vous entendez rapidement engager pour protéger les victimes, afin qu’il n’y en ait plus aucune autre ? Puisque vous vous présentez en victime, avez-vous, comme annoncé, déposé plainte, contre qui, et sur quel fondement ? Devant la représentation nationale, les yeux dans les yeux,…
M. Emeric Salmon . Les socialistes ne sont pas les mieux placés pour dire ça !
Mme Colette Capdevielle . …je vous pose trois questions, qui attendent trois réponses. Nous ne demandons que la vérité. (Les députés du groupe SOC, plusieurs députés du groupe EcoS et Mme Andrée Taurinya se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente . La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique. Comme vous le savez sans doute, j'ai passé la journée de samedi en compagnie du collectif des victimes ; ce furent quatre heures d'une émotion intense. C'était la première fois que quelqu'un recevait les victimes…
M. Alexis Corbière. C'est bien le problème !
Mme Danielle Simonnet . Pourquoi pas avant ?
M. François Bayrou, premier ministre . …et c'était la première fois qu'elles étaient réunies. Les victimes ont exprimé plusieurs choses, terriblement bouleversantes, qui ne peuvent laisser indifférents face à ce qu'elles ont vécu il y a parfois plusieurs décennies. Mais elles ont également déclaré qu'elles détestaient la récupération politique en cours (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes DR et HOR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS) et qu'elles la trouvaient haïssable, parce qu'elle les privait de leur histoire.
M. Alexis Corbière . Ce n'est pas digne, monsieur le premier ministre, ce que vous faites ! (Mme Claudia Rouaux et M. Cyrille Isaac-Sibille s'apostrophent de banc à banc.)
M. Cyrille Isaac-Sibille. Honte à vous !
M. François Bayrou, premier ministre . Cela étant dit, je répondrai clairement à votre question.
Suis-je jamais intervenu dans cette affaire comme dans d'autres affaires judiciaires ? La réponse est non, jamais, ni de près, ni de loin – et je vais vous en apporter la preuve.
Mme Marie-Charlotte Garin . Donc le procureur ment ?
M. François Bayrou, premier ministre . Vous avez cité le nom du juge d'instruction Christian Mirande : c'est mon voisin depuis cinquante ans (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), dans mon village, dont vous ignorez sans doute où il se situe. (« Et alors ? » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Il s'agit d'une amitié de longue date, avant même qu'il ne soit magistrat. Est-ce que nous avons pu parler de cette affaire ? Sans doute, oui. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Mais en respectant une limite absolue : un magistrat n'a pas le droit, comme en dispose un article central du code de procédure pénale (M. Paul Vannier s'exclame), sous peine des sanctions disciplinaires les plus sévères et d'une peine pouvant aller jusqu'à trois ans de prison, de communiquer le moindre élément du dossier dont il a la charge, à quelque personne extérieure au dossier que ce soit. (Mme Sabrina Sebaihi s'exclame.) Christian Mirande est un juge d'une absolue intégrité et il ne m'a jamais communiqué le moindre élément du dossier : nous avons pu parler de l'ambiance, de l'établissement, jamais du dossier. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme Dieynaba Diop . Alors, il dit la vérité ?
M. Erwan Balanant . Écoutez-le premier ministre !
M. François Bayrou, premier ministre . S'agissant du procureur général, M. Rousseau, que je ne connais pas et qui est mort il y a vingt-trois ans – ce qui rend facile de lui imputer certains propos –, la certitude est pour moi la même : ce haut magistrat respectait de la même façon les règles de sa profession, qui est d'ailleurs une vocation, et il n'a eu aucune communication avec qui que ce soit à propos de ce dossier. Mais si je ne savais rien de cette affaire, si je n'y ai été associé en quoi que ce soit, d'autres savaient. J'affirme devant vous – vous le vérifierez – que le procureur général a tenu la Chancellerie informée de cette affaire à quatre reprises dans l'année 1998.
M. Erwan Balanant . Ah !
M. François Bayrou, premier ministre . Il l'a fait téléphoniquement le jour de l'incarcération du père Carricart, puis il l'a fait à trois reprises par écrit, en signalant la gravité des faits. Qui était alors ministre de la justice ? Quel était le gouvernement ? De 1997 à 2002, le gouvernement était socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et HOR.) La ministre de la justice était Élisabeth Guigou, et je ne peux imaginer qu'elle n'ait pas tenu compte d'un signalement aussi grave émis par le procureur général. Dans tous les cas, j'affirme que lorsque j'étais au gouvernement, un signalement aussi important ne pouvait être donné sans que le ministre de l'éducation nationale en soit averti. Qui était alors le ministre de l'éducation nationale ? Claude Allègre. Qui était la ministre déléguée à l'enseignement scolaire ? Ségolène Royal. (Exclamations sur les bancs du groupe RN. – Interruptions et vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Philippe Gosselin . Laissez-le parler !
M. François Bayrou, premier ministre . Je ne crois pas qu'on puisse imputer à ces personnalités des manquements aussi graves.
Je pose à mon tour la question : qu'est-ce qui a été fait, à la suite des signalements du procureur général, pour que soient entreprises les démarches que vous recommandez ? Lorsque j'ai été saisi de cette affaire en 1996, c'est-à-dire deux ans avant, j'ai demandé une inspection, dont je n'ai aucune trace, (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) mais qui a été publiée dans les journaux et que je vous invite à lire pour vous assurer de la parfaite transparence de ce dossier.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP . Menteur ! (Exclamations sur les bancs des groupes DR et Dem.)
Mme Sabrina Sebaihi . Alors le gendarme a menti ?
M. François Bayrou, premier ministre . Je ne connais pas ce gendarme, mais il suffit de poser la question au juge Mirande qui répondra sur les propos qu'il a tenus ou qu'on lui prête. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Le gendarme dit qu'il a entendu quelqu'un dire que…
M. Olivier Faure . Non, il n'a pas dit ça !
M. François Bayrou, premier ministre . …le déferrement de l'accusé avait été retardé de deux heures. Je répète que le procureur général en a rendu compte le jour même à la Chancellerie. (Mme Ségolène Amiot mime à plusieurs reprises le nez de Pinocchio.)
Une question importante demeure : que peut-on faire pour améliorer la prise en charge des victimes ? Nous devons améliorer le repérage précoce et la prévention (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes EPR et DR), comme cela vient d'être annoncé dans le programme que Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale a présenté. (Mme Ségolène Amiot s'exclame.) Enfin, nous devons rassurer les victimes : si les actes qui les ont traumatisées sont prescrits, elles ne sont pas sans droits. Nous allons ainsi approfondir la question de la procédure civile, qui peut permettre de répondre aux traumatismes des victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et HOR.)
Auteur : Mme Colette Capdevielle
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 février 2025