Déforestation et culture durable
Question de :
Mme Brigitte Barèges
Tarn-et-Garonne (1re circonscription) - UDR
Mme Brigitte Barèges interroge Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les nouveaux critères d'obtention des aides de la politique agricole commune (PAC) notamment sur les céréales. Pour rappel, la PAC a été mise en place en 1962. Elle instaure un partenariat entre l'Union européenne (UE) et les agriculteurs des pays membres. Elle remplit les objectifs suivants : soutenir les agriculteurs et améliorer la productivité agricole (en garantissant un approvisionnement stable en denrées alimentaires à un prix abordable) ; assurer un niveau de vie décent aux agriculteurs de l'UE ; contribuer à lutter contre le changement climatique et gérer les ressources naturelles de manière durable, préserver les zones rurales et les paysages dans l'ensemble de l'UE, préserver l'économie rurale en promouvant l'emploi dans l'agriculture, l'industrie agroalimentaire et les secteurs associés La France est la première bénéficiaire de la PAC avec près de 9 milliards d'euros (sur 60 milliards) ; néanmoins, la France est le deuxième contributeur net au budget de l'UE avec 22 milliards d'euros. En juin 2023, la Commission européenne a fait adopter, au sein de l'UE, le « UE deforestation regulation » : cette nouvelle réglementation interdit aux entreprises de commercialiser des récoltes issues de la déforestation. Depuis 2024, le dossier PAC exige une attestation supplémentaire notamment sur les céréales : il est demandé aux exploitants de préciser si leurs céréales sont « durables », la qualification de « durable » étant définie par la précision que les récoltes ne soient pas issues de la déforestation. Il s'agit d'une nouvelle condition des aides de la PAC. Cette nouvelle exigence provient du règlement UE 2024/3234 du 19 décembre 2024. Selon cette nouvelle réglementation, à compter du 30 décembre 2025, les entreprises devront prouver que leurs produits ne proviennent pas de zones/terres issues de la déforestation, « assurer la traçabilité jusqu'à la parcelle d'origine » et d'autres règles liées aux fonciers. Cette obligation se ferait en deux temps, le premier pour les grandes entreprises d'ici la fin de cette année et courant de l'année 2026 pour les petites structures. Or la France n'est pas un pays qui pratique la déforestation. En effet, selon l'association « France bois forêt », les forêts françaises ont retrouvé leur niveau datant du Moyen Âge, avec 17,5 millions d'hectares en 2024, sachant que lors de la période de Révolution industrielle, la France comptait seulement 8,5 millions d'hectares de forêts. Le modèle en la matière est donc « durable » étant donné que les surfaces de forêts augmentent chaque année. La France est donc pionnière dans ce domaine, c'est pourquoi le Gouvernement s'est donné comme objectif de lutter contre la déforestation « importée », par l'adoption de la Stratégie nationale de lutte contre la déforestation 2018-2030 (SNDI) qui est inscrite dans la loi n° 2021-1104 « climat et résilience ». Pourtant l'UE a signé le traité de libre-échange avec les pays du « Mercosur » qui pratiquent la déforestation, notamment en Amazonie. Considérant que l'UE demande aux agriculteurs français de prouver que leurs cultures ne sont pas issues de la déforestation, considérant que la France ne pratique pas la déforestation, considérant que la Commission européenne signe des accords avec des pays pratiquant la déforestation, considérant que le Gouvernement a adopté la Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée, elle souhaite donc savoir si le Gouvernement protégera les agriculteurs français pour obtenir les aides de la PAC en ne leur appliquant pas cette nouvelle réglementation européenne de 2024.
Réponse en séance, et publiée le 16 juillet 2025
CONDITIONS D’ATTRIBUTION DES AIDES DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE
Mme la présidente . La parole est à Mme Brigitte Barèges, pour exposer sa question, no 412, relative aux conditions d’attribution des aides de la politique agricole commune.
Mme Brigitte Barèges . Je souhaite appeler l’attention de Mme la ministre de l’agriculture sur les nouveaux critères d’attribution des aides de la politique agricole commune (PAC) – à propos, en particulier, des céréales.
En juin 2023, la Commission européenne a fait adopter le règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts – le règlement EUDR. Cette nouvelle réglementation interdit aux entreprises de commercialiser des récoltes issues de la déforestation.
Depuis le règlement du 19 décembre 2024, la PAC exige des agriculteurs, notamment des céréaliers, une nouvelle attestation : ils doivent préciser si leurs céréales sont « durables », c’est-à-dire non issues de la déforestation. À compter du 30 décembre 2025, les entreprises devront « assurer la traçabilité jusqu’à la parcelle d’origine », ce à quoi s’ajoutent d’autres règles liées au foncier. Cette obligation prendrait effet en deux temps : d’ici la fin de l’année pour les grandes entreprises, et au cours de l’année 2026 pour les petites structures.
Pourtant, comme vous le savez, la France ne pratique pas la déforestation. Selon l’association France bois forêts, les forêts françaises, avec 17,5 millions d’hectares en 2024, ont retrouvé leur niveau du Moyen Âge, quand la France n’en comptait que 8,5 millions lors de la révolution industrielle. Le modèle français est donc bien un modèle durable, avec ses surfaces forestières augmentant chaque année.
La France est même pionnière en ce domaine, le gouvernement s’étant donné pour objectif de lutter contre la déforestation importée par l’adoption de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation inscrite dans la loi « climat et résilience ». Son attention à ce sujet va donc au-delà de nos frontières, puisque ce sont essentiellement les pays du Mercosur qui sont concernés, la plupart d’entre eux – particulièrement ceux qui recouvrent la région amazonienne – pratiquant largement la déforestation.
Voilà donc ce qui nous paraît être une anomalie. Bien que cela soit du ressort de l’Union européenne, le gouvernement français compte-t-il protéger ses agriculteurs – qui en ont bien besoin – en obtenant que cette nouvelle réglementation conditionnant les aides de la PAC ne leur soit pas applicable, ou du moins différemment ?
Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative . L’Union européenne, avec le soutien de la France, a mis en place un règlement visant à lutter contre la déforestation. Il vise les produits responsables de la déforestation, et ne concerne donc pas ceux qui proviennent des pays européens – notamment de la France. Afin de pouvoir imposer ces exigences à un pays tiers, l’Union est obligée de vérifier qu’elles sont bien respectées à domicile – c’est le principe des mesures miroirs. Les pays européens doivent ainsi assurer, d’une part, que les sept produits de base importés concernés par le règlement – bois, bovins, soja, cacao, café, huile de palme et caoutchouc – n’entraînent pas de déforestation et, d’autre part, que les productions européennes n’en entraînent pas non plus. Les pays européens ont été classés dans les pays au risque le plus faible de déforestation. Le travail mené depuis plus d’un an avec l’interprofession Terres Univia a permis de définir des processus de mise en œuvre simplifiée répondant aux contraintes des opérateurs et aux spécificités de la filière soja. Le classement dont bénéficie notre pays permet, de plus, des modalités simplifiées de contrôle. Les simplifications défendues par le gouvernement, enfin, ont été introduites dans les documents infraréglementaires établis par la Commission européenne.
Soyez assurée que le travail avec les filières agricoles et la Commission européenne se poursuit, afin de garantir une application du règlement EUDR à partir du 30 décembre 2025, et la plus simple possible.
Mme la présidente . La parole est à Mme Brigitte Barèges.
Mme Brigitte Barèges . Les agriculteurs français et nous-mêmes vous en remercions. Vous savez comme ces dossiers pour la PAC sont compliqués à constituer – certains agriculteurs me disent y consacrer presque deux jours par semaine, quand arrive le moment de les remplir. Il nous paraissait donc important que les choses ne soient pas rendues plus complexes encore, surtout quand rien ne vient le justifier. Je vous remercie de cet effort, que j’espère voir porter ses fruits d’ici à la fin de l’année 2025.
Auteur : Mme Brigitte Barèges
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 10 juin 2025