Question écrite n° 4138 :
Impacts sur la filière piscicole iséroise de l'arrêté « gestion des cormorans »

17e Législature

Question de : Mme Sylvie Dezarnaud
Isère (7e circonscription) - Droite Républicaine

Mme Sylvie Dezarnaud attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur les impacts du projet d'arrêté fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant les grands cormorans, notamment sur l'économie piscicole et la biodiversité locale, particulièrement dans le département de l'Isère. Ce territoire, qui abrite près de 4 000 hectares d'étangs, une des plus importantes concentrations en France, joue un rôle crucial dans le développement économique rural et le maintien d'une biodiversité riche. La filière piscicole y représente plusieurs centaines d'emplois directs et indirects, principalement dans les zones rurales. En outre, ces étangs contribuent à la régulation des écosystèmes, par exemple via la captation de carbone et la préservation de nombreuses espèces aquatiques et aviaires. Toutefois, le projet d'arrêté dans sa version actuelle soulève de vives inquiétudes. Premièrement, l'exigence de preuves scientifiques démontrant des « dommages et impacts avérés » liés au grand cormoran représente une charge disproportionnée pour les pisciculteurs, tant sur le plan financier que logistique. Deuxièmement, il est crucial de revoir les délais et modalités imposés aux exploitants, notamment l'obligation de transmettre les comptes-rendus de destruction sous 24 heures, qui paraît irréaliste et administrativement lourde. Une fréquence semestrielle semble plus adaptée. Par ailleurs, Mme la députée s'interroge sur le calcul des plafonds de destruction, qui nécessiterait une clarification des critères, incluant les types de recensements (nicheurs, hivernants ou les deux). Il convient également de s'assurer que ces plafonds ne soient pas appliqués de manière injustifiée à d'autres contextes que les cours d'eau. De plus, l'élargissement de la période autorisée pour la protection des poissons à l'ensemble de l'année apparaît essentiel, étant donné la présence continue des cormorans sur les territoires concernés. Enfin, les dispositions relatives à l'effarouchement et au dérangement d'espèces périphériques nécessitent d'être revues afin d'éviter d'introduire des contraintes supplémentaires non discutées avec les parties prenantes initiales. En conséquence, elle lui demande quelles mesures elle entend prendre pour alléger les contraintes administratives pesant sur les pisciculteurs, notamment en révisant les obligations de transmission des comptes-rendus et les preuves scientifiques exigées, préciser les critères de calcul des plafonds de destruction et leur champ d'application, revoir la période autorisée de protection des poissons pour mieux correspondre aux réalités locales, réexaminer les dispositions relatives aux effarouchements et dérangements d'espèces périphériques. Enfin, elle souhaite savoir si elle est disposée à reporter l'adoption de cet arrêté afin de permettre une reprise des discussions avec les parties prenantes concernées et à intégrer pleinement les spécificités locales de territoires comme l'Isère, modèle de gestion durable des ressources naturelles.

Réponse publiée le 8 avril 2025

Le grand cormoran est une espèce autochtone, piscivore, protégée au niveau national. Il bénéficie également au niveau européen du régime général de la protection de toutes les espèces d'oiseaux (directive « oiseaux »). La population de la sous-espèce Phalacrocorax carbo sinensis s'était significativement réduite jusque dans les années 1970. Depuis lors, en raison de sa protection, le nombre moyen de grands cormorans a augmenté jusqu'à atteindre une population de presque 120 000 individus hivernants en 2024, ce chiffre étant relativement stable depuis 2013. Afin de contrôler l'impact que le grand cormoran occasionne sur les piscicultures et, le cas échéant, les poissons sauvages, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de régulation depuis les années 1990. Ces moyens d'action font régulièrement l'objet d'ajustements, notamment en lien avec l'évolution de la population sur le territoire et les besoins des acteurs. Ainsi le nouvel arrêté-cadre du 24 février 2025 fixe les nouvelles conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de perturbation intentionnelle et de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant les grands cormorans. Ce texte autorise de nouveau la destruction de grands cormorans au titre de la protection des espèces piscicoles menacées dans les cours d'eau et plans d'eau. Au-delà des consultations obligatoires, il a fait l'objet de nombreux échanges avec l'ensemble des partenaires concernés afin de tenir compte de l'ensemble des remarques des parties prenantes. Il apporte un cadre rénové, plus ambitieux et plus sécurisé juridiquement, visant à la cohabitation du grand cormoran avec les pisciculteurs et à la limitation de son impact sur les écosystèmes aquatiques, dans le respect de la réglementation en vigueur pour la protection des espèces. Dans le nouvel arrêté-cadre du 24 février 2025 figurent des simplifications administratives et des assouplissements importants s'agissant des dérogations à l'interdiction de perturbation intentionnelle et de destruction de l'espèce. Ainsi la période de destruction est étendue de droit jusqu'au 30 juin pour les piscicultures. La mise en œuvre d'opérations complémentaires est permise jusqu'au 31 juillet en pisciculture sur justification (auparavant, les opérations complémentaires devaient s'achever au plus tard le 30 juin). Désormais, les plafonds de destruction autorisés au titre de la protection des poissons menacés seront fixés par les préfets en respectant le seuil maximal de 20 % de la population départementale hivernante recensée lors du comptage national, ce seuil pouvant être porté à 30 % en cas d'absence de plafond sur les piscicultures dans le département. En outre, en cas d'atteinte du plafond accordé au titre de la protection des piscicultures avant la fin de la campagne, le plafond peut être augmenté dans la limite de 10 % du nombre d'individus autorisés à la destruction sur les piscicultures dans le département. De même, afin de piloter au plus près les destructions de grand cormoran, il est ajouté un délai de transmission des comptes-rendus des opérations aux préfets de 72 heures suivant les destructions, via une plateforme en ligne simplifiée qui sera créée. Enfin, tout bénéficiaire d'une dérogation à l'interdiction de destruction pourra réaliser, aux mêmes périodes et sur les mêmes lieux que les tirs, en complément, des opérations d'effarouchement sonores et visuels, sans qu'il soit besoin d'effectuer des démarches administratives supplémentaires. L'ensemble de ces assouplissements doit cependant respecter les enjeux liés aux règlementations en vigueur, et notamment l'exigence que des mesures alternatives aient préalablement été mises en place sans succès, et le nécessaire évitement des impacts sur les autres espèces protégées. Ainsi, le texte a pour ambition d'assurer une meilleure cohabitation entre le grand cormoran et les activités de pêche et de pisciculture, tout en permettant de maintenir un bon état de conservation de l'espèce et de limiter l'impact sur le milieu des opérations menées.

Données clés

Auteur : Mme Sylvie Dezarnaud

Type de question : Question écrite

Rubrique : Cours d'eau, étangs et lacs

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Dates :
Question publiée le 18 février 2025
Réponse publiée le 8 avril 2025

partager