Question de : M. Didier Le Gac
Finistère (3e circonscription) - Ensemble pour la République

M. Didier Le Gac attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins, sur le « hikikomori », ce syndrome qui pousse les gens à rester enfermés chez eux. Le syndrome est apparu dans les années 90 au Japon, en même temps que le début de la crise économique. Le phénomène se développe partout dans le monde, raison pour laquelle il est important d'identifier les signes avant-coureurs. Du verbe japonais «hikikomoru», qui signifie «se cloîtrer », ce syndrome japonais d'isolement volontaire touche de plus en plus de jeunes Français. Accéléré par la crise de la Covid, ce «retrait social » est difficile à vivre aussi pour les familles. Au Japon, environ 1 million de personnes (en grande majorité des hommes, soit près de 3,3 % de la population âgée de 15 à 50 ans) vivraient recluses dans leur chambre depuis au moins six mois et parfois depuis des années. Au Japon, la pathologie est reconnue et une prise en charge est mise en place. Dans la mesure où le hikikomori n'est pas reconnu dans le DSM-V, le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux et des troubles psychiatriques qui sert de référence internationale, aucune définition ne fait encore consensus. En France, il s'agit d'un phénomène silencieux mais bien réel. Il reste cependant très difficile à quantifier. Il n'est pas fait mention de ces jeunes, car ils ne dérangent personne : ils restent chez eux où leurs parents les assument matériellement dans une solitude souvent épuisante. Dans sa circonscription, il a été alerté par une famille concernée par le «retrait social » du fils. Âgé de 25 ans, ni en emploi, ni en formation, ce jeune est sans revenu et hors de tout radar administratif. Des cas comme celui-ci sont mal recensés pour plusieurs raisons : le manque de consensus sur la définition, l'absence de plainte des personnes concernées et la difficulté pour les proches de reconnaître la gravité de la situation. « Les hikikomoris sont probablement et en partie inclus dans ce qu'on appelle les NEETs (les jeunes de 15 à 29 ans sans étude, sans formation et / ou sans emploi). En 2021, ces derniers représentent près de 12,8 % de cette tranche d'âge en France, soit plus d'1,4 million de personnes. On peut donc raisonnablement considérer qu'il y a plusieurs milliers de hikikomoris en France », estiment les experts. L'isolement de la société coïncidant souvent avec un problème de santé mentale et la santé mentale ayant été, il y a peu, déclarée grande cause nationale pour 2025, il lui demande de quelle manière il serait davantage possible de médiatiser ce syndrome pour libérer la parole, aider à sa détection et venir ainsi en soutien à ces jeunes et à leurs aidants.

Réponse publiée le 27 mai 2025

En l'absence d'inscription spécifique de ce diagnostic dans les classifications internationales, le retrait social de l'enfant, de l'adolescent ou du jeune adulte est encore mal défini sur le plan psychopathologique et difficilement évaluable sur le plan épidémiologique. Pour autant, de sorte à limiter la souffrance qu'il engendre, il est possible d'agir en prévention sur les déterminants de la santé mentale, de repérer et de prendre en charge de façon précoce. Le Gouvernement est mobilisé de longue date pour inscrire la santé mentale des enfants et des jeunes comme une priorité de sa politique de santé. Dès juin 2018, et en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale de santé, le Gouvernement a adopté une feuille de route santé mentale et psychiatrie organisée autour de trois axes : la prévention, le parcours de soins et l'insertion sociale. Forte de 37 actions concrètes, elle a été enrichie en 2020 par des mesures complémentaires du Ségur de la santé, en 2021 par 30 mesures issues des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, avec un axe spécifique pour repérer et agir plus précocement pour la santé psychique des enfants et des jeunes en réponse à la dégradation de la santé mentale chez les jeunes constatée depuis la crise du Covid-19, et en mai 2024 par des mesures des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant. Les 30 mesures des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie représentent un engagement de près de 1,9 milliard d'euros sur 5 ans (soit environ 380 millions d'euros par an sur la période 2022-2026). Elles représentent aussi, à horizon 2026, une augmentation du budget annuel supplémentaire pour notre système de santé de plus de 420 millions d'euros dédiés à la santé mentale et à la psychiatrie. Dans le champ de la prévention, les mesures principales sont l'organisation d'une communication grand public régulière sur la santé mentale, notamment avec la mise en ligne par Santé publique France en 2025 d'un site internet dédié à la santé mentale ; l'amplification du déploiement du secourisme en santé mentale dans tous les milieux et la poursuite de ce déploiement auprès des étudiants ; l'expérimentation de maisons de l'enfant et de la famille en charge de la coordination de la santé des 3-11 ans, et enfin, la mise en service du numéro national gratuit de prévention du suicide, le 3114. Par ailleurs, une autre mesure d'envergure est le déploiement d'une stratégie nationale multisectorielle de renforcement des Compétences psychosociales (CPS) chez les enfants et les jeunes dans tous les secteurs accueillant des enfants, des adolescents et des jeunes ; les CPS permettant d'augmenter l'autonomisation, de maintenir un état de bien-être psychique, et de favoriser un fonctionnement individuel et relationnel optimal. Santé publique France a lancé plusieurs campagnes de communication ciblant spécifiquement la santé mentale des adolescents et des jeunes depuis 2021 : la campagne « #JEnParleA » pour les 11-17 ans en 2021 et 2022, et, plus récemment, cinq courtes vidéos à destination des 11-24 ans, présentant différents comportements favorables à la santé mentale, « Le Fil Good », réalisées dans le cadre d'un partenariat média et diffusées sur les réseaux sociaux d'octobre 2023 à janvier 2024. Ces communications renvoient systématiquement vers le dispositif Fil Santé Jeunes, qui informe les 12-25 ans sur les différents aspects de leur santé, notamment la santé mentale et le bien-être, et propose un forum, un tchat et numéro d'appel anonymes et gratuits. Pour les jeunes en repli social ayant un statut d'étudiant, il existe également des lignes d'écoute leur étant dédiées : Nightline qui est un dispositif associatif soutenu par de nombreux partenaires notamment ministériels et la coordination nationale d'accompagnement des étudiantes et des étudiants), dont la plateforme téléphonique s'adresse depuis décembre 2023 à tous les étudiants, avec le soutien du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. La prévention du suicide constitue aussi un axe prioritaire de la politique de santé publique du ministère chargé de la santé. Décrite dans l'action n° 6 de l'axe 1 de la feuille de route santé mentale et psychiatrie de 2018, la stratégie nationale de prévention du suicide a comme objectif la mise en œuvre de façon coordonnée, synergique et territorialisée d'un ensemble d'actions intégrées : le maintien du contact avec la personne qui a fait une tentative de suicide (programme VigilanS) ; des formations au repérage, à l'évaluation du risque suicidaire et à l'intervention de crise suicidaire ; des actions ciblées pour lutter contre la contagion suicidaire ; l'information du public et, enfin, la mise en place du numéro national de prévention du suicide, le 3114. Différents travaux en cours permettront de renforcer l'action à destination des jeunes : adaptation du protocole VigilanS pour le public des mineurs, programme de recherche visant à expérimenter une « équipe en ligne d'intervention et d'orientation pour les adolescents et les jeunes adultes en souffrance » composée de web-cliniciens formés à la prévention du suicide intervenant directement sur les réseaux sociaux pour venir en aide aux jeunes en proie à des idées suicidaires, et mise en place d'un tchat au 3114 afin d'en faciliter l'accès à ce public. Concernant les soins, le dispositif « Mon soutien psy » permet le remboursement par l'Assurance maladie d'une prestation d'accompagnement psychologique dès l'âge de 3 ans, pour des troubles d'intensité légère à modérée, comprenant jusqu'à 12 séances par an. D'autres mesures clés favorisant l'accès aux soins des jeunes sont le renforcement du réseau des maisons des adolescents, l'augmentation des effectifs des centres médico-psychologiques pour enfants et adolescents, ainsi que le renforcement en psychologues dans les maisons de santé et centres de santé, avec extension du dispositif aux enfants et adolescents à partir de l'âge de 3 ans. Enfin, une mesure importante des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant de mai 2024 est de renforcer les crédits dédiés aux maisons des adolescents pour accompagner leur montée en puissance et permettre le déploiement d'équipes mobiles, dispositif de choix pour la prise en charge des jeunes en repli social. Le Gouvernement agit donc à la fois sur la prévention et la prise en charge des troubles psychiques des enfants et des jeunes, et reste attentif à l'évolution de l'état de la santé mentale de la population. Enfin, dans le cadre de la santé mentale grande cause nationale de 2025, de nombreuses actions de communication seront menées sur l'ensemble des dimensions de la santé mentale.

Données clés

Auteur : M. Didier Le Gac

Type de question : Question écrite

Rubrique : Maladies

Ministère interrogé : Santé et accès aux soins

Ministère répondant : Santé et accès aux soins

Dates :
Question publiée le 18 février 2025
Réponse publiée le 27 mai 2025

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