Question écrite n° 4242 :
Défis posés par le statut de région ultrapériphérique (RUP) à Saint-Martin

17e Législature

Question de : M. Frantz Gumbs
Saint-Barthélemy et Saint-Martin (1re circonscription) - Les Démocrates

M. Frantz Gumbs appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les défis posés par le statut de région ultrapériphérique (RUP) à Saint-Martin. Si ce statut offre des avantages certains, il soumet également l'île à la transposition automatique des normes et directives européennes, qui peuvent parfois constituer un frein au développement économique local et contribuer à un coût de la vie chère. Ces rigidités réglementaires poussent de nombreux habitants et entreprises à se tourner vers la partie néerlandaise de l'île, où les contraintes européennes ne s'appliquent pas de la même manière, mettant ainsi en difficulté les structures françaises. Conscient de cette problématique, le gouvernement avait déjà soutenu, en 2024, un projet de cadre dérogatoire permettant d'assouplir certaines normes européennes pour l'importation de matériaux de construction. Cette mesure, adoptée par le Parlement européen, avait été présentée comme une priorité par le précédent gouvernement. M. le député demande à M. le ministre de préciser l'état actuel de cette dérogation. Par ailleurs, lorsque la France transpose les directives européennes en droit national, ces règles s'appliquent uniformément à toutes les RUP françaises, mais aussi à Saint-Barthélemy dans les domaines où cette collectivité, bien que PTOM, a conservé certaines compétences. Or ces normes ne sont pas toujours adaptées aux réalités locales des RUP et peuvent représenter des contraintes excessives, notamment en matière d'approvisionnement régional. Afin de garantir un développement économique équilibré, de réduire le coût de la vie et d'assurer un cadre réglementaire plus souple sans compromettre la sécurité sanitaire et environnementale, une plus grande flexibilité semble nécessaire. Il lui demande donc si le Gouvernement envisage d'ouvrir des discussions avec l'Union européenne afin d'adapter certaines réglementations, notamment en matière d'approvisionnement énergétique et alimentaire, pour mieux répondre aux spécificités de Saint-Martin et des autres RUP.

Réponse publiée le 20 mai 2025

L'adaptation des normes adoptées par l'Union européenne (UE) aux spécificités des régions ultrapériphériques (RUP) est une possibilité ouverte par l'article 349 du traité de fonctionnement de l'UE (TFUE). En 2022, la Commission européenne a formalisé son engagement de recourir plus systématiquement à cet article dans l'élaboration de ses textes normatifs ou l'application de ses politiques au travers de l'adoption d'une communication intitulée « Donner la priorité aux citoyens, assurer une croissance durable et inclusive, libérer le potentiel des régions ultrapériphériques de l'Union ». Cette communication affichait un haut niveau d'ambition pour les RUP de l'UE, intégrant notamment l'objectif d'une meilleure utilisation des possibilités d'adaptation des normes aux RUP prévues par l'article 349 du TFUE. La mise en œuvre de cette communication a été suivie par les instances de l'UE : - le Parlement Européen a adopté une résolution sur ce sujet en 2023 ; - le Conseil a adopté des conclusions en 2022 ; - le Comité des régions a rendu un avis en 2023. La Commission a publié un rapport de mise en œuvre de cette communication, le 3 octobre 2024. Dans ce rapport, la Commission indique notamment avoir inscrit les spécificités des régions ultrapériphériques dans bon nombre de politiques de l'UE, telles que l'action pour le climat (système d'échange de quotas d'émission), la pêche (aides de minimis en faveur des petites flottes de pêche), les aides d'État (règlement général d'exemption par catégorie), la numérisation (paquet « connectivité »), la connectivité des transports (réseau transeuropéen de transport) et le commerce (évaluations de l'impact sur le développement durable). Enfin la Commission y confirme que, conformément à l'article 349 du TFUE, elle continuera d'accorder une attention particulière aux régions ultrapériphériques et de prendre des mesures adaptées aux contraintes permanentes auxquelles ces dernières sont confrontées. La France s'assure au quotidien que les spécificités des RUP sont prises en compte par les institutions et le rappelle régulièrement au sein du Conseil de l'UE. Elle veillera à ce que ces engagements soient suivis par la nouvelle Commission. S'agissant de l'adaptation de certaines réglementations en matière de construction, le Règlement du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2024 établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction et abrogeant le règlement (UE) 305/2011, permet aux RUP de déroger au marquage "CE" pour faciliter l'importation de produits de construction. Cette avancée, applicable à compter du 7 janvier 2025, a notamment été obtenue grâce à la mobilisation des autorités françaises. Elle doit permettre de faire baisser les coûts des matériaux des constructions dans des territoires ultramarins, en facilitant leur importation depuis les pays voisins ou en utilisant des matériaux locaux, en substituant au marquage CE des équivalences ; en veillant à l'assortir de garanties permettant l'assurabilité des constructions. La proposition de loi expérimentant l'encadrement des loyers et améliorant l'habitat dans les outre-mer, adoptée en première lecture au Sénat, le 6 mars dernier avec le soutien du gouvernement, prévoit à son article 3 bis que le représentant de l'Etat peut créer des "comités référentiels construction", compétents sur des zones géographiques définies "afin de contribuer à la mise en œuvre de cette exemption et de contribuer à la définition de référentiels de construction en tenant compte des besoins de la production locale, des spécificités et contraintes locales". Dans cette lignée, le Gouvernement travaille actuellement sur des modifications législatives et règlementaires créant de nouveaux dispositifs d'homologation des matériaux de construction dans les territoires ultramarins. S'agissant de l'adaptation de certaines réglementations en matière alimentaire, ce domaine relève de l'UE au titre de ses compétences en matière de santé publique (article 168 TFUE), de protection des consommateurs (article 169 TFUE), d'agriculture et de pêche (article 43 TFUE) et du marché intérieur (article 114 TFUE). Dans ce cadre, l'UE s'est dotée d'un corpus réglementaire complet visant à encadrer la production et la commercialisation de produits agricoles et alimentaires, et notamment le règlement 178/2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, qui prévoit que “seules les denrées alimentaires et des aliments pour animaux sûrs peuvent être mis sur le marché de l'Union”. Il encadre ainsi autant la production que l'importation de produits alimentaires appelés à être consommés sur le territoire de l'UE. De la même façon, l'UE est compétente en matière environnementale (articles 11, 191 et 193 TFUE), avec des domaines d'action étendus, comprenant notamment la pollution de l'air et de l'eau, la gestion des déchets et le changement climatique. L'UE a ainsi adopté de nombreux textes sectoriels, dans le plein exercice de ses compétences, couvrant l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement alimentaire (sécurité concernant la production primaire, conditions d'hygiène dans le domaine de la transformation alimentaire, l'emballage, l'étiquetage, contrôles officiels de la conformité en matière de sécurité alimentaire…) ; ou pour réaliser l'ambition du Green Deal, adopté en janvier 2020. Dans ce cadre, des dérogations ou des adaptations ont pu être négociées pour les RUP (à titre d'exemple : le marquage CE ou l'application différée dans le temps du marché carbone pour les ports et aéroports). Le Gouvernement fait de la simplification et de l'adaptation des normes applicables aux territoires ultramarins une priorité de son action, tout en garantissant le maintien de standards élevés en matière de santé publique, mais aussi de protection des consommateurs et des enjeux environnementaux. Ce chantier est un des leviers dans la politique du Gouvernement contre la vie chère, mais aussi dans sa politique d'engagement d'une transformation économique, via le renforcement du tissu économique local, la promotion des entreprises et les filières dans ces territoires.

Données clés

Auteur : M. Frantz Gumbs

Type de question : Question écrite

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Outre-mer

Dates :
Question publiée le 18 février 2025
Réponse publiée le 20 mai 2025

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