Question de : M. Paul-André Colombani
Corse-du-Sud (2e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires

M. Paul-André Colombani interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'éventuelle création d'une antenne de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) en Corse. En effet, l'AGRASC est un organisme chargé de l'exécution de la peine de confiscation au nom du procureur de la République, qui prend en charge la gestion de tous les biens saisis, confisqués ou faisant l'objet d'une mesure conservatoire au cours d'une procédure pénale et ce afin de lutter notamment contre le blanchiment d'argent. L'AGRASC a expérimenté avec succès la création de deux antennes régionales en 2021, à Marseille et à Lyon et en a ouvert deux supplémentaires à Lille et à Rennes en 2022. Cette expérimentation s'est déroulée très positivement ; en quelques chiffres, l'ouverture de ces antennes s'est traduite en une nette augmentation de son activité : plus de 20 % par rapport à 2020, démontrant une forte croissance des saisies et des confiscations. Le bilan 2023 de l'AGRASC est éloquent : 1,44 milliard d'euros saisis, soit 87 % de plus qu'en 2022 et 175 millions d'euros confisqués, dont 110 millions reversés au budget de l'État. L'ouverture d'antennes régionales sur les quatre sites sus-cités a permis de dresser le profil de chaque juridiction en matière de saisies et de confiscations et a ainsi aidé à dessiner le terreau criminologique des ressorts. Si les deux antennes régionales de Lyon et Marseille ont permis à la fin de leur expérimentation de traiter pas moins de 15 475 affaires pour un montant de 75 millions d'euros versés à l'État, cela a été possible grâce à la proximité des antennes sur les espaces criminogènes et à la connaissance de leur ressort ; elles sont flexibles, s'adaptent à la demande et vont même au-devant des juridictions et des services enquêteurs. De plus, l'AGRASC a également la possibilité de mettre les biens immobiliers saisis ou confisqués dans le cadre d'une procédure pénale à la disposition du secteur associatif ou des organismes concourant à la politique du logement, afin d'optimiser l'utilisation de ces ressources pour des actions sociales bénéfiques à la collectivité. L'efficacité du dispositif mis en place est justifiée entre autres par le choix de l'emplacement géographique de ces antennes : celles-ci se situent dans des territoires fortement affectés par l'enracinement de réseaux criminels protéiformes. La Corse, région où la criminalité organisée prospère et où l'AGRASC opère déjà de nombreuses saisies de biens et d'avoirs criminels, pourrait bénéficier de l'implantation d'une antenne régionale et s'inscrire ainsi dans le processus de territorialisation déjà entrepris par l'AGRASC. La création d'une antenne régionale dans un territoire vulnérable aux divers réseaux criminels et mafieux constituerait un signal fort et permettrait de rapprocher territorialement l'agence des acteurs de terrain impliqués dans la lutte contre les réseaux mafieux et la délinquance du quotidien. Dans l'optique du futur renforcement de l'usage social des biens confisqués, l'implantation d'une telle antenne serait un atout supplémentaire qui faciliterait grandement la coopération avec les acteurs associatifs locaux, afin de mener à bien des projets d'affectation sociale en cohérence avec les besoins et les spécificités du territoire. Aussi, il lui demande s'il envisage étendre à d'autres régions le succès des antennes pilotes de Lyon, Marseille, Lille et Rennes, en établissant notamment une antenne de l'AGRASC en Corse.

Réponse publiée le 10 décembre 2024

Au regard des résultats très satisfaisants des deux premières antennes régionales de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) créées à Lyon et Marseille et mises en place depuis avril 2021, celles de Lille et Rennes ont débuté leur activité en avril 2022, puis quatre nouvelles antennes régionales ont vu le jour en avril 2023 à Bordeaux, Nancy, Paris et Fort de France. Depuis leur ouverture, le bilan de ces huit antennes régionales de l'AGRASC est extrêmement positif et l'Agence constate une adhésion globale des juridictions concernées au fonctionnement des antennes régionales ainsi qu'une réelle dynamisation, en lien avec la présence de ces antennes, de la politique pénale locale de saisies et confiscations. En 2023, sur l'ensemble des sommes versées sur le compte de l'AGRASC à la Caisse des dépôts et Consignation, 70 % provenaient d'affaires suivies par les antennes régionales. Les affaires enregistrées par les antennes régionales représentent 83 % du total des affaires enregistrées par l'AGRASC et 71 % des biens qui sont confiés à l'AGRASC par décision judiciaire (biens immobiliers et mobiliers, au titre de la remise avant jugement comme de la confiscation) en 2023. Le maillage territorial des antennes régionales de l'AGRASC reproduit celui des huit juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) compétentes sur un ressort étendu en matière de criminalité et délinquance organisées, pour des affaires particulièrement complexes. Il permet aujourd'hui de répondre efficacement à l'objectif poursuivi par le ministère de la justice d'amélioration de la gestion des scellés et du recouvrement des avoirs criminels sur l'ensemble du territoire national. En cette matière, la Corse, qui est un territoire marqué par une forte interpénétration des réseaux criminels, relève de façon tout à fait opportune et adaptée de l'antenne régionale de l'AGRASC localisée à Marseille, la JIRS de Marseille attrayant par ailleurs à elle un certain nombre d'affaires concernant des faits de criminalité et de grande délinquance organisées commises en Corse. La comparaison de l'activité des juridictions corses en matière de saisies et confiscation en 2022 et 2023 laisse en effet apparaître une augmentation significative des saisies mobilières et immobilières et des affectations de biens aux services enquêteurs. A titre d'illustrations, 4,2 millions d'euros de biens ont ainsi été saisis en 2023 contre 2,4 millions d'euros en 2022, 10 biens immobiliers ont été saisis en 2023 contre 4 en 2022, et 11 biens mobiliers saisis ou confisqués ont été affectés par les juridictions aux services d'enquête en 2023, contre 6 en 2022. Depuis la création de l'agence, 252 biens meubles saisis (dont 106 véhicules) ont été remis à l'AGRASC pour une valeur approximative de 780 000 euros et 16 confiscations immobilières ont été exécutées en Corse pour un montant total de 4,78 millions d'euros. La dynamique de gestion des scellés et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués des juridictions de Bastia et Ajaccio se trouve ainsi largement favorisée par l'accompagnement spécifique dont elles bénéficient de la part de l'AGRASC et de son antenne régionale localisée à Marseille, laquelle mène régulièrement des actions de formation dédiées en Corse auprès des magistrats, enquêteurs et fonctionnaires de greffe et assure efficacement la gestion des biens immobiliers saisi ou confisqués. Ainsi, sur les 9 biens immobiliers actuellement en gestion auprès de l'AGRASC, un bien a fait l'objet d'une vente avant jugement et un autre a été proposé à l'affectation sociale au bénéfice d'une association d'utilité publique, conformément aux possibilités offertes par la loi du 8 avril 2021. Cette organisation contribue ainsi efficacement à la gestion efficace des biens saisis et confisqués sur le territoire corse, tout en répondant de façon adaptée aux besoins opérationnels des enquêteurs, magistrats et agents des juridictions judiciaires de la Corse.

Données clés

Auteur : M. Paul-André Colombani

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 10 décembre 2024

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