Quel bilan pour les 20 ans de la loi Handicap ?
Question de :
Mme Karen Erodi
Tarn (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Karen Erodi attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap, au sujet du bilan de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, vingt ans après son adoption. Cet anniversaire met en lumière que l'application concrète de cette loi n'a pas eu tous les effets escomptés. En effet, les attentes des 12 millions de personnes en situation de handicap et de leurs proches restent vives. En 2025, les personnes handicapées ne peuvent toujours pas vivre dignement et agir comme des citoyens à part entière. Cette situation persiste malgré les nouveaux engagements pris par la France depuis 2005 notamment avec la ratification de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées en 2010. D'une part, le droit français et l'action publique ne se sont toujours pas mis pleinement en cohérence avec le droit international, malgré les condamnations répétées des instances internationales. D'autre part, la cinquième branche de la sécurité sociale sur l'autonomie, créée en 2020, reste insuffisamment dotée et sans vision politique pluriannuelle cohérente, empêchant de répondre réellement aux besoins sur le terrain. Selon le bilan rédigé par le collectif Handicaps, regroupant 54 associations de défense des droits des personnes en situation de handicap et de leurs familles, l'urgence doit être de rendre effectifs les droits fondamentaux des personnes handicapées, sur l'ensemble du territoire, à commencer par les deux piliers de la loi, l'accessibilité universelle et le droit à compensation. En effet, vingt ans après la promulgation de la loi handicap, l'accessibilité universelle (cadre bâti, transport, communication, numérique, etc.) n'est toujours pas une réalité. En ce qui concerne l'accessibilité, de nombreux logements font face à un mépris des objectifs en matière de personnes à mobilité réduite (PMR). L'accès à une compensation effective et personnalisée des conséquences du handicap sur le quotidien relève donc du parcours du combattant. Le niveau de vie des personnes en situation de handicap et de leurs proches est aussi inférieur à l'ensemble de la population : une personne en situation de handicap sur quatre est pauvre. Les droits à l'éducation, à l'emploi, au logement ou encore à la santé continuent d'être bafoués du simple fait du handicap. Peu d'avancées ont également été réalisées dans la prise en compte et la reconnaissance des nouveaux handicaps. En somme, la stigmatisation et l'invisibilisation des personnes en situation de handicap et de leurs aidants, la précarité à laquelle ilsdoivent faire face, le manque de professionnels d'accompagnement et du soin, ainsi que l'inaccessibilité générale sont autant de freins, d'injustices et d'inégalités qui ne sont plus acceptables en 2025. C'est pourquoi elle lui demande quelles mesures elle entend prendre pour traduire les promesses de la loi du 11 février 2005 en actes et rendre enfin effectifs les droits des personnes en situation de handicap.
Réponse publiée le 6 mai 2025
Vingt ans après la promulgation de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, des progrès significatifs ont été réalisés, mais de nombreux défis persistent. Le Gouvernement, conscient des attentes légitimes des 12 millions de personnes en situation de handicap et de leurs proches, s'engage à accélérer les efforts pour une société plus inclusive. Dans le domaine de l'accessibilité, pour accélérer la mise en conformité des Etablissements recevant du public (ERP), les agendas d'accessibilité programmée ont été mis en place en 2015. Ce dispositif a permis à 700 000 ERP d'entrer dans une démarche d'accessibilité et 350 000 ERP ont été déclarés accessibles depuis 2015. Toutefois, il reste encore 900 000 ERP qui ne sont engagés dans aucune démarche, dont près de 90 % relèvent de la 5ème catégorie. Plusieurs leviers ont été mis en place afin d'accélérer l'accessibilité des territoires et des ERP : le fonds territorial d'accessibilité ; les dotations du fonds de soutien à l'investissement local ; la direction de l'immobilier de l'État. Ces aides seront maintenues avec le déploiement de nouvelles initiatives comme la mise en accessibilité de sentiers domaniaux et le contrôle des ERP, en ciblant ceux n'ayant pas entrepris de démarche en matière d'accessibilité et qui pourront se voir infliger des sanctions. Pour accompagner les territoires, l'Etat lancera en 2025 un comité de suivi visant à réaffirmer les orientations de la charte « Pour une société pleinement inclusive ». Dans les transports, en 2024, la recherche et la réservation des billets de train a fait l'objet d'une simplification pour les usagers en situation de handicap avec la mise en place de la plateforme unique de réservation. Dans le secteur aérien, certaines mesures ont vocation à être pérennisées, comme les dispositifs de continuité des parcours, pour permettre, par exemple, l'acheminement des fauteuils roulants jusqu'au pied de l'avion, la sensibilisation et la formation des personnels aéroportuaires. En outre, l'accessibilité du numérique est une priorité afin d'assurer l'accès aux principales démarches en ligne. Ainsi, après la définition d'un cadre normatif dédié, la mise en accessibilité des sites serviciels va s'accélérer. Le respect des obligations de mise en accessibilité des sites et des applications numériques des personnes morales de droit public est placé sous le contrôle de l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Par ailleurs, un cadre normatif, issu de l'acte législatif européen sur l'accessibilité et entrant en vigueur le 28 juin 2025, précise les obligations qui seront prochainement applicables aux services de communication électronique, ainsi qu'aux sites et applications numériques de commerce électronique, bancaires, de médias audiovisuels et de transports. Ce dispositif, qui renforce la régulation des acteurs privés, fera notamment l'objet de contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. En matière d'éducation, l'accès à la scolarisation pour les élèves en situation de handicap a connu une nette amélioration en deux décennies. Entre la rentrée 2005 et celle de 2024, le nombre d'élèves en situation de handicap a plus que triplé, passant de 151 500 à 520 000. Le développement des Accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) a constitué une avancée importante pour offrir un soutien adapté aux élèves, avec près de 140 000 personnels dédiés. Au niveau national, ce sont ainsi 15 000 postes d'AESH qui ont été créés en quatre ans, dont 3 000 à la rentrée 2024. 2 000 postes seront créés à la rentrée prochaine. Les efforts se poursuivent pour structurer davantage le modèle de l'école pour tous en simplifiant les démarches, en renforçant la formation des professionnels et en réaffirmant la nécessité d'amplifier la coopération avec les professionnels du secteur médico-social au sein même de l'école, avec des réponses graduées selon la nature des besoins évalués. C'est le sens du développement des pôles d'appui à la scolarité dont le nombre sera considérablement augmenté à la rentrée 2025 et qui seront généralisés à la rentrée 2027. Dans l'enseignement supérieur, l'accessibilité est soutenue, notamment en ce qui concerne le bâti avec un soutien aux établissements. Afin d'accélérer des changements structurels au sein des établissements pour l'accessibilité des formations et l'environnement de la vie étudiante, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a lancé un appel à projet pour permettre à six universités de devenir démonstratrices des meilleures pratiques inclusives et des outils pour se former à une pratique pédagogique inclusive. Plus de 10 millions d'euros (10,5 M€) seront engagés par le ministère jusqu'en 2026 pour accompagner le financement des projets des six lauréats : l'université de Pau et Pays de l'Adour, l'université d'Angers, l'université Lyon 3, l'université Bretagne occidentale, l'université de Lorraine, l'université Sorbonne Nouvelle. L'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap a fait l'objet de nombreuses réformes depuis 2005. La loi a renforcé l'obligation d'emploi de 6 % pour les entreprises de plus de 20 salariés, favorisant ainsi l'embauche de travailleurs en situation de handicap. Depuis 2017, le taux de chômage des personnes handicapées est passé de 19 % à 12 % en 2024. La transformation du service public de l'emploi et l'implication des entreprises dans une démarche inclusive ont permis de diversifier les opportunités professionnelles et d'améliorer l'accompagnement des travailleurs handicapés, notamment via l'emploi accompagné et les plateformes de mise en relation. La France poursuit cette dynamique avec des mesures visant à lever les freins à l'accès à l'emploi : le déploiement de plateformes de prêt de matériel adapté et l'accompagnement renforcé vers l'environnement de travail le plus adapté. La liste des emplois exigeant des conditions d'aptitudes particulières sera révisée dans le but de mettre fin progressivement au dispositif. Par ailleurs, lors de la conférence nationale du handicap du 26 avril 2023, le Président de la République a annoncé le plan pluriannuel de transformation de l'offre médico-sociale, dit « plan des 50 000 solutions » qui a pour objectifs de : conforter l'offre d'accompagnement en volume, corriger les disparités territoriales constatées et accompagner la transformation de l'offre vers la transition inclusive. Doté d'un montant de 1,5 milliard d'euros programmés sur la période 2024-2030, il a notamment vocation à servir les engagements nationaux traduits dans les différentes stratégies nationales (agir pour les aidants, stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement, plan de prévention des départs non souhaités des enfants en situation de handicap en Belgique, plan de développement accéléré de l'offre médico-sociale pour les départements d'Outre-mer) et à créer des solutions à destination de publics identifiés comme prioritaires, parmi lesquels ceux relevant de l'aide sociale à l'enfance. Enfin, la ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap a souhaité engager des travaux sur l'amélioration du parcours des personnes en situation de handicap. Fin janvier 2025, elle a ainsi annoncé la mise en place d'une taskforce « MDPH et facilitation des parcours », un groupe de travail dédié à la simplification des démarches, à l'accélération des délais, à la facilitation des parcours des personnes en situation de handicap et de leurs aidants et à l'homogénéité des pratiques au sein des différents territoires. Cette taskforce a été officiellement lancée le 26 mars 2025. La ministre a également souhaité lancer un « Tour de France des solutions » permettant de donner la parole aux usagers, à leurs aidants et aux agents des MDPH. Des temps d'échanges se tiennent dans une douzaine de départements, depuis début mars et jusque fin juin 2025, avant un temps fort national de restitution de ce Tour de France. Ces rencontres permettent la co-consturction de solutions et nourrissent le travail de la taskforce, qui pilote des actions in itinere en même temps qu'elle propose des évolutions des pratiques et des dossiers.
Auteur : Mme Karen Erodi
Type de question : Question écrite
Rubrique : Personnes handicapées
Ministère interrogé : Autonomie et handicap
Ministère répondant : Autonomie et handicap
Dates :
Question publiée le 18 février 2025
Réponse publiée le 6 mai 2025