Question écrite n° 4274 :
Action de la France pour la paix au Kivu en République démocratique du Congo

17e Législature

Question de : M. François Gernigon
Maine-et-Loire (1re circonscription) - Horizons & Indépendants

M. François Gernigon alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères concernant la situation géopolitique dans la région des Grands Lacs et plus spécifiquement au Kivu en République démocratique du Congo. Depuis plus de 20 ans, de nombreuses violations des droits de l'Homme sont constatées dans la région. De nombreux massacres de populations civiles ainsi que des violences sexuelles à l'encontre des femmes et des enfants sont commis par différents groupes armés. Le bilan est catastrophique : on compte ainsi plus de 6 millions de morts depuis 1998, 4 millions de déplacés, sans compter les millions de femmes et d'enfants victimes de viols et de mutilations depuis le début de ces guerres. Les richesses minières, très présentes dans la région du Kivu, alimentent les conflits. Le lien entre ces derniers et l'exploitation du coltan, un minerai extrêmement convoité et nécessaire à la création des téléphones portables, est tel qu'on en vient à parler désormais de « coltan de sang » . Dans la nuit du dimanche 26 au lundi 27 janvier 2025, la capitale de la province congolaise du Nord-Kivu, Goma, a été prise par le groupe armé M23, qui sévit dans cette province depuis plusieurs années. Ce groupe est activement soutenu par les forces armées rwandaises selon plusieurs rapports de l'ONU. Cet évènement alarmant souligne les fragilités structurelles auxquelles la République démocratique du Congo est confrontée. À terme, l'approvisionnement français en minerais stratégiques risque d'être entièrement contrôlé par des groupes armés comme le M23 qui se renforcent de jour en jour grâce à leur exploitation, comme en témoigne le contrôle de la mine de Rubaya. C'est pourquoi à la suite de cette étape de plus dans un engrenage interminable de la violence, il l'interroge concernant l'action de la France pour protéger les populations civiles et aboutir à un apaisement du conflit. Plus largement, il demande si la France envisage des sanctions financières ciblées sur l'exportation du coltan afin de priver le M23 et ses soutiens de cette source de financement.

Réponse publiée le 6 mai 2025

La position de la France sur la crise à l'est de la RDC est claire et constante depuis 2022. Elle condamne l'offensive du Mouvement du 23 mars (M23), le soutien apporté par le Rwanda à ce groupe armé, ainsi que la présence de troupes rwandaises sur le territoire congolais. La souveraineté et l'intégrité territoriale de la République Démocratique du Congo (RDC) doivent être préservées. C'est une préoccupation majeure pour la France, qui est pleinement mobilisée dans la recherche d'une solution politique à cette crise. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères s'est rendu en RDC le 30 janvier et au Rwanda le 31, afin de porter les messages du Président de la République, appelant à un cessez-le-feu immédiat et à un retour de l'ensemble des parties au conflit à la table des négociations. Par ailleurs, la France a multiplié ses actions au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. En tant que plume, nous avons mené les discussions pour la rédaction et le vote à l'unanimité de la résolution 2773 du 21 février 2025, condamnant l'offensive du M23 soutenu par le Rwanda et appelant à une solution politique au conflit. Nous avons soutenu l'adoption d'une résolution par le Conseil des droits de l'Homme, à Genève le 7 février, qui crée deux mandats d'enquête sur les violations des droits de l'Homme à l'est de la RDC, dont certaines ont déjà été recensées et dénoncées par l'ONU. La France est très préoccupée par le démantèlement des camps de déplacés par le M23, ainsi que par l'augmentation des violences sexuelles et basées sur le genre. C'est pourquoi la France s'est engagée à apporter une aide supplémentaire de 3 millions d'euros aux ONG œuvrant à la protection des populations civiles. La situation humanitaire est catastrophique et se dégrade de jour en jour. Depuis janvier, l'offensive du M23 a fait près d'un million de déplacés, et 2 900 morts lors de la prise de Goma selon l'ONU. Pour maintenir la pression sur les forces déstabilisatrices dans la région, la France plaide, aux Nations unies et à l'UE, en faveur de l'adoption de mesures restrictives individuelles ciblant notamment le M23 et les acteurs contribuant à la crise actuelle, y compris rwandais. Depuis décembre 2022, elle a travaillé avec les autres Etats membres à renforcer le régime de sanctions européen : de nouveaux critères ont ainsi été adoptés et désormais 24 personnes font l'objet d'un gel des avoirs et d'une interdiction de pénétrer sur le territoire de l'UE. L'adoption de nouvelles sanctions a été approuvée sur le principe lors du Conseil des affaires étrangères de l'UE du 24 février, et devrait être rapidement confirmée. La France poursuit ses efforts et soutient l'adoption rapide par l'UE d'un nouveau train de sanctions. La France est favorable à l'adoption de sanctions supplémentaires en cas de poursuite du conflit. La solution à la crise actuelle ne pourra être que politique. La France soutient, de façon constante, les processus diplomatiques régionaux. A ce titre, nous soutenons les initiatives conjointes de la SADC (Communauté de développement de l'Afrique australe) et de l'EAC (Communauté est africaine) en vue d'un cessez-le-feu, d'une cessation des hostilités et de la reprise d'un processus politique. La France poursuit ses échanges avec l'ensemble des pays de la région sur le sujet. Parallèlement, la France poursuit ses efforts pour répondre aux causes profondes de cette crise, notamment en ce qui concerne une gestion plus transparente des ressources naturelles. Ainsi, une déclaration d'intention bilatérale sur les métaux critiques et la transition énergétique a été signée en présence des deux Chefs d'Etat français et congolais, le 9 mars 2023, mettant l'accent sur les investissements, la mise en place de chaines de valeur résilientes, soutenables et équilibrées, et de standards environnementaux, sociaux, de gouvernance et de formation plus élevés. Plusieurs projets ont été lancés pour mettre en œuvre ces engagements, dont le déploiement de deux experts techniques internationaux (ETI) au sein d'ITIE RDC à Lubumbashi et de l'Université de Kolwezi pour l'accompagner dans la création d'une Haute école des Mines et de l'Industrie. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) français est également fortement mobilisé auprès du Service géologique national du Congo (formation, banque de données) et de la société minière de RDC, la Gécamines (évaluation de la teneur en minerais de plusieurs terrils). Au niveau européen, en octobre 2023, la France a appuyé la signature par l'UE et la RDC d'un partenariat stratégique sur les chaînes de valeur des substances minérales stratégiques et critiques exploitées en RDC. L'enjeu est de rétablir la souveraineté congolaise sur ses minerais tout en renforçant la transparence de leur exploitation. Un protocole d'accord sur les chaînes de valeur durables pour les matières premières a été signé entre l'UE et le Rwanda en février 2024 : la France appelle aujourd'hui à sa suspension par la Commission européenne du fait de l'implication de Kigali dans la crise. La France et l'UE n'ont pas ménagé leur effort sur la gestion des minerais stratégiques, alors même que les pays asiatiques (Chine, Hong-Kong, Singapour), les Emirats Arabes Unis et les Etats-Unis sont les principaux importateurs des minerais rwandais et congolais. Concernant spécifiquement le coltan, qui est exporté majoritairement vers la Chine et les Etats-Unis, la France n'importe que du coltan raffiné, provenant de raffineries allemandes à 93 % et du Kazakhstan à 7 %.

Données clés

Auteur : M. François Gernigon

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 18 février 2025
Réponse publiée le 6 mai 2025

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