Question écrite n° 4299 :
Service Public de la Petite Enfance : finances publiques locales en danger

17e Législature

Question de : Mme Karen Erodi
Tarn (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Karen Erodi alerte Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur le service public de la petite enfance qui a été remodelé au 1er janvier 2025, redéfinissant les contours de l'accueil et de la garde des enfants de moins de trois ans. Il est supposé officialiser une compétence communale et communautaire. Si l'ambition de conférer au niveau local une mission d'analyse des besoins et de déploiement concerté de l'offre de crèches est louée par les élus locaux, ce début d'année fut en la matière une douche froide. Les décrets d'application ne sont toujours pas parus, malgré les nouvelles obligations qui sont en vigueur. L'enveloppe de 86 millions d'euros, prévue dans les annexes budgétaires du projet de loi de finances 2025, est totalement insuffisante et ne couvrira pas l'ensemble des dépenses induites. « Entre 50 et 80 % » pour les communes, ce qui est trop peu. Mais en plus, il n'y a, à date, pas de compensation pour les EPCI, qui ont souvent absorbé cette prérogative dans la ruralité ! Certes, le texte dispose bien que « l'État accompagne financièrement les communes pour l'exercice de leurs compétences obligatoires en matière d'accueil du jeune enfant ». Mais la fin de l'article précise que cet accompagnement est réparti « en tenant notamment compte du nombre de naissances et du potentiel financier par habitant de chaque commune ». Qu'en dit l'association de maires de France (AMF), qui n'a jamais consultée pour le moindre décret d'application ? « Les critères de répartition de la compensation financière, actuellement envisagés, à savoir le potentiel financier et le nombre de naissances, sont imparfaits et insuffisants et ils doivent être redéfinis en concertation avec les maires de France ». Il y a par exemple ce point aveugle dans les clefs de répartition : les jeunes enfants qui viennent d'emménager sur un territoire avec leur famille et qui ne comptent pas dans le calcul des financements. On pourrait croire à une impréparation, voire à un amateurisme dans la mise en œuvre, qui conduit le Gouvernement à jouer avec les finances publiques locales déjà exsangues. De manière générale, il manque 10 000 personnels. À ce rythme, l'objectif de créer 200 000 places en crèche d'ici à 2030 est d'ores et déjà caduque, selon l'AMF. Par conséquent, Mme la députée demande à Mme la ministre d'agir en urgence sur ces enjeux. Quelques mois après la sortie du nouveau livre choc du journaliste d'investigation Victor Castanet, « Les Ogres », à la lumière du travail d'enquête sur les crèches privées de son ancien collègue député William Martinet et après la tragédie survenue à Lyon au sein du groupe « People and Baby» , on aurait pu espérer des acteurs publics une révolution en actes pour la petite enfance. Alors que Mme la députée soutient la volonté de mieux répondre aux besoins et de renforcer les contrôles, l'opération « crèches mortes » du secteur privé lucratif vient décupler les craintes des parents, des professionnels et des élus : en effet, cette opération était motivée par un chantage à l'emploi et à la place en crèche pour résister au renforcement de la sécurité des enfants, ce qui est inacceptable. Elle lui demande donc de répondre à la demande des exécutifs locaux, à savoir que l'État investisse 86 millions d'euros supplémentaires, pour faire face à l'augmentation des coûts et à la pénurie des 10 000 professionnels manquants dans ces services publics. Elle lui demande également d'agir pour endiguer les velléités d'un marché privé toujours aussi vorace et d'enfin planifier le déploiement d'un service vraiment public de la petite enfance.

Réponse publiée le 6 mai 2025

Depuis 2023, le Gouvernement a engagé une refonte d'envergure de la politique d'accueil du jeune enfant, en dotant, par deux vecteurs complémentaires, les acteurs du secteur de la petite enfance de moyens d'actions renforcés pour lever progressivement l'ensemble des obstacles à un accueil accessible pour tous et de qualité. D'une part, de nouvelles dispositions en matière de gouvernance, de régime d'autorisation, de sanctions et d'inspection-contrôle des modes d'accueil du jeune enfant ont été introduites par la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. D'autre part, les moyens en ingénierie et financiers dédiés à l'accueil du jeune enfant ont été significativement renforcés dans le cadre de la Convention d'objectifs et de gestion (COG), établie entre l'État et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), pour la période 2023-2027, avec près de 6 milliards d'euros supplémentaires qui seront mobilisés par la branche famille de la sécurité sociale à l'horizon 2027. L'article 17 de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi précise le périmètre des collectivités bénéficiaires d'un accompagnement financier pour l'exercice de leurs compétences en qualité d'autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant. Il dispose également, qu'en conformité avec l'article 72-2 de la Constitution, cet accompagnement financier est librement déterminé, tant dans ses modalités de répartition que dans son montant, par le législateur. L'adoption de la loi de finances pour 2025 a posé le principe d'une répartition entre les communes concernées, sur la base notamment des critères portant sur le nombre de naissances ainsi que sur le potentiel financier par habitant de chaque commune. Des précisions sur les modalités de calcul et de répartition de l'accompagnement financier seront déterminées par un décret en Conseil d'État, qui fera l'objet de concertation avec les représentants des communes et de leurs groupements. Par ailleurs, il convient de relever que le montant total de l'accompagnement financier dévolu aux autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant pour 2025 s'élève à 86 millions d'euros. S'agissant de la pénurie de professionnels en crèches et des moyens financiers investis pour l'endiguer, le Gouvernement a pris un engagement fort en 2024 pour la revalorisation des salaires, en participant à l'effort financier des employeurs dans le cadre de la COG établie avec la CNAF. Cette participation prend la forme d'un forfait (dit « bonus attractivité ») versé par les caisses d'allocations familiales aux gestionnaires des établissements financés par la prestation de service unique. Ce dispositif se traduit concrètement pour les professionnels par une augmentation de leur rémunération mensuelle de 100 euros nets pour les personnels communaux et de 150 euros nets en moyenne pour les salariés des établissements privés. En contrepartie, des évolutions des conventions collectives en faveur d'une amélioration durable et équitable des salaires, ainsi que des conditions de travail, sont attendues. Ainsi, des mesures fortes ont déjà été prises et sont amenées à se développer encore en 2025 et en 2026 dans le cadre du déploiement du service public de la petite enfance, et ce, tant en matière de lutte contre la pénurie de professionnels et de soutien du secteur de la petite enfance, qu'en matière de garantie et d'encadrement de la qualité du service rendu, avec comme objectif l'intérêt des jeunes enfants et de leurs familles.

Données clés

Auteur : Mme Karen Erodi

Type de question : Question écrite

Rubrique : Professions et activités sociales

Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles

Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles

Dates :
Question publiée le 18 février 2025
Réponse publiée le 6 mai 2025

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