Lutte contre le piratage des oeuvres culturelles grâce à l'IA
Question de :
Mme Sophie Blanc
Pyrénées-Orientales (1re circonscription) - Rassemblement National
Mme Sophie Blanc interroge Mme la ministre de la culture sur sur les mesures envisagées pour lutter de manière efficace et innovante contre le piratage des oeuvres culturelles en France. Cette problématique, bien que persistante depuis plusieurs années, prend une ampleur préoccupante avec l'évolution rapide des technologies numériques et l'essor des plateformes illégales. Le Japon, acteur clé de l'industrie culturelle mondiale grâce à son expertise dans les mangas et l'animation, a, en avril 2024, déployé des systèmes basés sur l'intelligence artificielle pour identifier et traquer les contenus piratés en ligne. Selon une enquête de l'Agence japonaise des affaires culturelles, présentée en 2023, le piratage des mangas a entraîné une perte estimée à environ 2,4 milliards de dollars pour l'industrie japonaise entre 2021 et 2022. Cette situation a été aggravée par une prolifération rapide des sites illégaux de téléchargement et de streaming, qui génèrent plus de 100 millions de visites mensuelles à l'échelle mondiale. L'agence japonaise a proposé de s'appuyer sur l'intelligence artificielle (IA) pour automatiser la détection des contenus piratés en ligne. Ce projet s'inspire de l'approche adoptée par la Corée du Sud, qui utilise également l'IA pour protéger ses industries culturelles, notamment dans le domaine de la musique et des Kdramas, ce qui a eu comme conséquences de renforcer la compétitivité de son industrie audiovisuelle et musicale, fortement exportée à l'international. L'initiative japonaise inclut le développement d'un système capable de détecter les images et textes illicites sur les sites pirates, avec un budget initial de 300 millions de yens (environ 1,9 million d'euros). En parallèle, la stratégie « Cool Japan », adoptée en 2022, vise à stimuler l'exportation des biens culturels, notamment les mangas et animés, qui représentent une part importante des revenus culturels japonais. En Europe, des initiatives commencent à émerger. En Allemagne, des systèmes d'IA sont testés pour lutter contre la distribution illégale de musique et de films sur les plateformes de streaming. Au Royaume-Uni, des outils similaires sont intégrés dans les programmes de protection des droits d'auteur, en particulier dans le domaine de l'audiovisuel. En France, le piratage des oeuvres culturelles reste un problème majeur. D'après le rapport annuel de l'ARCOM publié en décembre 2022, environ 10 millions de Français accèdent régulièrement à des contenus illégaux, qu'il s'agisse de films, de séries, de livres numériques ou de musiques. Cette pratique a des conséquences économiques et culturelles graves. Elle fragilise les artistes et les producteurs, réduit les investissements dans la création et menace des secteurs stratégiques comme l'édition de mangas, qui connaît une croissance importante en France mais est particulièrement touchée par le piratage numérique. En France, la lutte contre le piratage repose aujourd'hui sur des moyens essentiellement réactifs, tels que les signalements manuels et les actions judiciaires. Bien que nécessaires, ces outils montrent leurs limites face à l'ampleur et à la complexité du problème. Dans un contexte où les technologies utilisées par les pirates évoluent rapidement, il devient impératif que la France adopte une approche plus proactive et s'appuie sur les innovations technologiques, notamment l'intelligence artificielle. L'IA offre des perspectives prometteuses dans la lutte contre le piratage. Ses capacités d'analyse rapide et de traitement massif des données permettent de détecter efficacement les contenus illicites sur les plateformes de streaming et les réseaux sociaux. En France, certaines start-ups, telles que ContentArmor et LeakID, ont déjà développé des solutions innovantes dans ce domaine, mais leur adoption à grande échelle reste limitée par des contraintes budgétaires et un manque de coordination entre les acteurs publics et privés. L'ampleur des pertes économiques et le risque de désaffection des créateurs pour des secteurs comme le cinéma, la musique ou l'édition justifient une mobilisation accrue. Le rayonnement culturel de la France, tout comme la compétitivité de ses industries culturelles, est en jeu. L'intégration de l'intelligence artificielle dans les politiques de lutte contre le piratage représente une opportunité majeure pour protéger le patrimoine culturel français et soutenir ses créateurs face aux défis posés par l'économie numérique mondiale. Quelles sont les initiatives actuelles ou prévues par le ministère pour soutenir le développement et l'adoption d'outils d'intelligence artificielle destinés à protéger les oeuvres culturelles françaises contre le piratage ? Le ministère envisage-t-il de collaborer avec des partenaires internationaux, comme le Japon ou la Corée du Sud, pour mutualiser les efforts et les technologies dans ce domaine ? Des fonds spécifiques seront-ils alloués pour encourager les start-ups françaises spécialisées dans l'IA et la cybersécurité à développer des solutions adaptées aux besoins de l'industrie culturelle ? Comment le ministère prévoit-il de sensibiliser les consommateurs français aux conséquences économiques et culturelles du piratage, en particulier auprès des jeunes publics fortement exposés à ces pratiques ? Enfin, elle lui demande si le Gouvernement compte renforcer le cadre législatif actuel pour faciliter la mise en oeuvre de ces technologies et accélérer le retrait des contenus illégaux.
Auteur : Mme Sophie Blanc
Type de question : Question écrite
Rubrique : Propriété intellectuelle
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Date :
Question publiée le 18 février 2025