Conditions de vie des jeunes en zone rurale
Question de :
M. Thomas Ménagé
Loiret (4e circonscription) - Rassemblement National
M. Thomas Ménagé attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité, sur les difficultés spécifiques rencontrées par les jeunes vivant en milieu rural en matière d'insertion sociale et professionnelle. Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), publié en novembre 2024 et intitulé « Pauvreté et conditions de vie des jeunes dans le monde rural : comment adapter les réponses institutionnelles ? », met en évidence un certain nombre d'inégalités qui affectent ces jeunes, à la fois dans l'accès à l'éducation, à l'emploi, aux services publics et à la mobilité. Les jeunes ruraux, qui représentent environ 24 % de leur classe d'âge, sont pourtant moins visibles dans les politiques publiques en raison de leur dispersion géographique. Ce manque de prise en compte aggrave leur précarité, d'autant plus que la statistique publique peine à fournir des données récentes et détaillées sur leur situation. Le rapport estime ainsi, sur la base de données de 2014, que 338 000 jeunes ruraux de 18 à 24 ans vivent sous le seuil de pauvreté. Dans certaines zones particulièrement isolées, le taux de chômage des jeunes peut atteindre 40 %, alors qu'il est déjà de 22,4 % en moyenne pour les 16-29 ans en milieu rural. Par ailleurs, les formes d'emplois précaires, telles que les contrats à durée déterminée et l'intérim, concernent 37,8 % des jeunes ruraux en activité, rendant leur insertion professionnelle plus instable et limitant leur accès à des ressources pérennes. Le rapport souligne que l'accès à l'enseignement supérieur constitue un défi majeur pour la jeunesse rurale. Seuls 28 % des jeunes ruraux poursuivent des études supérieures contre 37 % des jeunes urbains, notamment en raison de l'éloignement des établissements universitaires et des formations qualifiantes. Le coût élevé des déplacements, la difficulté à trouver un logement à proximité des lieux d'études et le poids des représentations sociales contribuent à une forme d'autocensure qui freine leur ambition scolaire et professionnelle. Cette réalité impacte directement leurs perspectives d'insertion sur le marché du travail. L'accès aux services publics et aux dispositifs d'accompagnement est également plus limité pour les jeunes ruraux. Les structures d'accompagnement à l'emploi, à la formation ou à l'insertion sociale, telles que les missions locales ou les agences France Travail, sont principalement implantées dans les villes, ce qui rend leur accès plus difficile pour les jeunes vivant dans des territoires plus éloignés. Le rapport met par ailleurs en lumière un non-recours aux droits particulièrement élevé, notamment en raison de l'éloignement des services, du manque d'information et des difficultés liées à la dématérialisation des démarches administratives. Les difficultés liées à la mobilité constituent aussi un frein majeur à l'autonomie des jeunes en milieu rural. Le coût du permis de conduire, l'achat et l'entretien d'un véhicule personnel représentent des dépenses importantes que de nombreux jeunes ruraux ne peuvent assumer, alors même que 92 % d'entre eux utilisent une voiture ou un deux-roues pour leurs déplacements quotidiens. L'absence de transports en commun et/ou d'un cadencement adaptés accentue leur isolement et limite leur accès à l'emploi, à la formation et aux loisirs. Par ailleurs, l'accès au logement autonome est particulièrement contraint dans ces territoires, où le marché locatif est restreint et souvent inadapté aux besoins des jeunes. Nombre d'entre eux sont ainsi contraints de rester plus longtemps au domicile familial, ce qui retarde leur processus d'émancipation et d'insertion professionnelle. Le rapport met également en avant les effets de l'isolement social sur le bien-être des jeunes ruraux. La précarité et l'éloignement des structures de prise en charge aggravent par ailleurs les risques liés à la santé mentale, notamment en raison de la difficulté d'accès aux soins psychologiques. Ce constat est encore plus marqué pour les jeunes femmes rurales, qui sont davantage exposées aux violences conjugales et rencontrent des obstacles spécifiques en matière d'accès à la santé sexuelle et reproductive. Malgré ces constats alarmants, les dispositifs existants peinent à s'adapter aux contraintes de la ruralité. Le Contrat d'engagement jeune (CEJ), censé proposer un accompagnement renforcé aux jeunes en difficulté, peine à se déployer dans les territoires ruraux, en raison du manque de structures locales et d'un modèle économique inadapté aux zones à faible densité de population. Le rapport souligne que les financements alloués aux missions locales et aux opérateurs de formation sont généralement calculés en fonction du nombre de bénéficiaires, ce qui pénalise les territoires ruraux où la population est plus dispersée. Face à ces difficultés, le rapport recommande plusieurs pistes d'amélioration, notamment la création d'un cadre de priorisation des jeunes ruraux précaires, à l'image des quartiers prioritaires de la politique de la ville, afin de mieux cibler les interventions publiques. Il préconise également l'ajout de bonifications financières pour compenser les surcoûts liés à l'éloignement et à la faible densité de population, afin d'adapter les dispositifs d'accompagnement aux réalités des territoires ruraux. Le développement de dispositifs mobiles et de permanences itinérantes est également recommandé pour faciliter l'accès aux services publics et aux structures d'accompagnement. Enfin, la pérennisation et l'élargissement des initiatives innovantes, telles que les campus connectés, les internats ruraux ou les antennes mobiles des écoles de la deuxième chance, sont envisagés comme des leviers essentiels pour améliorer l'insertion des jeunes ruraux. Il lui demande donc quelles mesures elle entend mettre en place pour garantir un accès équitable aux opportunités pour les jeunes ruraux, notamment en matière de formation, d'insertion professionnelle, de mobilité et de logement. Il souhaite savoir si des adaptations des dispositifs existants sont envisagées afin de mieux prendre en compte les réalités spécifiques des territoires ruraux et d'assurer une égalité des chances entre jeunes urbains et jeunes ruraux.
Auteur : M. Thomas Ménagé
Type de question : Question écrite
Rubrique : Ruralité
Ministère interrogé : Ruralité
Ministère répondant : Ruralité
Date :
Question publiée le 18 février 2025