Dangers encourus par la filière betteravière en France
Question de :
Mme Marie-France Lorho
Vaucluse (4e circonscription) - Rassemblement National
Mme Marie-France Lorho interroge Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les dangers encourus par la filière betteravière en France. Récemment marquée par la fermeture de l'une des deux dernières sucreries familiales de France, la filière betteravière française est en danger. En 2017, la suppression des quotas avait engendré des difficultés pour les betteraviers, qui ne pouvaient plus bénéficier de revenus suffisants. L'importation massive de sucre d'Ukraine, passée de 20 000 tonnes annuelles à 700 000 tonnes de 2022 à 2023-2024, constitue par ailleurs une concurrence forte pour la production nationale. Une concurrence qui risque par ailleurs de s'accentuer en vertu de l'accord sur le Mercosur, qui pourrait engendrer l'importation de 190 000 tonnes de sucre originaires de cultures OGM. Cette concurrence est d'ordre déloyal puisque ces cultures importées comportent des produits interdits en France. L'interdiction de l'acétamipride sans solution de remplacement alternative a entériné cette concurrence déloyale. Elle lui demande quelles dispositions elle compte prendre pour soutenir la filière betteravière française.
Réponse publiée le 20 mai 2025
La sucrerie Ouvré de Souppes-sur-Loing (Seine-et-Marne) a en effet arrêté son activité fin 2024 mais les betteraviers qui livraient dans cette usine ont pu livrer aux sucreries avoisinantes et être rémunérés pour ces livraisons. Pour les campagnes prochaines, ils ont la possibilité de livrer (en adhérant ou pas) à une des deux coopératives du secteur (Tereos ou Cristal Union). Des offres leur ont d'ores et déjà été adressées en ce sens. L'Ukraine a exporté vers l'Union européenne 496 000 tonnes (t) de sucre en 2023 et 332 000 t en 2024, exerçant une pression à la baisse sur le prix du sucre au sein du marché européen et provoquant une perte de parts de marché à l'export pour les fabricants français. En 2024, le mécanisme de frein d'urgence décidé au niveau européen a été déclenché le 2 juillet 2024 et a limité les volumes importés. Entre le 1er janvier et le 5 juin 2025 (date d'expiration du règlement relatif aux mesures de libéralisation temporaire), l'Ukraine pourra exporter à droits nuls au maximum 109 438,62 t de sucre. Les négociations sont engagées pour décider du niveau d'importation qui sera permis à compter du 6 juin 2025. L'accord du marché commun du Sud (Mercosur) prévoit pour le sucre l'élimination des droits de douane pour 180 000 t de sucre brut d'un contingent existant destiné au raffinage et un nouveau contingent de 10 000 t de sucre brut destiné au raffinage. L'ensemble des conditions que la France a posées n'étant pas satisfaites, la France continuera à s'opposer à la signature de cet accord. Le Gouvernement reste déterminé à défendre les intérêts de l'agriculture française avec toute la rigueur nécessaire. Ainsi, le Gouvernement se mobilise depuis déjà plusieurs mois pour réunir, le cas échéant, une minorité de blocage et faire peser les voix nombreuses qui s'opposent à un tel accord. Ce travail commence à porter ses fruits, et la France ne relâchera pas ses efforts. S'agissant de l'utilisation de l'acétamipride en protection des cultures, celle-ci n'est plus permise depuis l'interdiction d'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant une substance active de la famille des néonicotinoïdes (NNI) instaurée par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016. Des travaux législatifs sont en cours, notamment dans le cadre de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur votée au sénat en janvier 2025, un article en discussion prévoyant une dérogation ciblée et strictement encadrée à cette interdiction. Face aux difficultés phytosanitaires rencontrées par la filière et afin de ne pas laisser les agriculteurs sans solution, le ministère chargé de l'agriculture délivre des autorisations de mise sur le marché au titre de l'article 53 du Règlement (CE) n° 1107/2009 pour des alternatives à ces produits. Pour mémoire, depuis 2020, le Gouvernement a pris des mesures pour sécuriser les surfaces betteravières, l'approvisionnement des sucreries et donc le maintien d'une filière sucrière forte et compétitive en France, tout en limitant l'impact des NNI sur les pollinisateurs. Le Gouvernement a notamment mis en place un plan national de recherche et d'innovation (PNRI) mobilisant au total environ 20 millions d'euros (M€) (dont 7,2 M€ de subventions) afin de faire face à la menace de la jaunisse, et d'apporter des solutions alternatives aux NNI qui soient techniquement et économiquement viables. Ce plan, inédit par son format, ses moyens et sa durée, permet aujourd'hui de disposer de meilleures connaissances sur les viroses de la jaunisse et sur les pucerons, vecteurs de ces viroses, ainsi que sur les différents leviers de luttes contre ces derniers afin de limiter la transmission de la maladie : pratiques agronomiques, produits et techniques de biocontrôle, génétique, etc. Le PNRI a mis en avant l'importance de la prophylaxie pour la gestion de la jaunisse, dont l'efficacité requiert un effort collectif au sein de la filière betterave à sucre, mais également en inter-filière avec les autres productions de betteraves (porte-graines, betteraves potagères), pour assurer la maîtrise des réservoirs viraux et réduire le niveau de pression de la maladie. Ces résultats sont diffusés vers l'ensemble de la filière par les acteurs du PNRI, et en premier lieu l'institut technique de la betterave (ITB). Par ailleurs en 2023, un nouveau plan d'action a été déployé afin d'assurer un soutien financier aux producteurs atteints par la jaunisse cette année-là, et poursuivre la recherche et le développement de nouvelles alternatives pour protéger ces cultures : cela a donné lieu à la décision du ministre chargé de l'agriculture de prolonger le PNRI via le nouveau dispositif « PNRI-C » (PNRI consolidé) qui est doté d'une enveloppe de 4 M€ du compte d'affectation spécial pour le développement agricole et rural. Ce nouveau programme de recherche-expérimentations permettra d'opérationnaliser les leviers de lutte contre la jaunisse identifiés dans le PNRI 2020-2023. L'un de ces piliers est notamment un dispositif innovant d'expérimentation en conditions réelles sur des fermes pilotes, qui permet d'accélérer le transfert des solutions et de prendre en compte le retour d'expérience des agriculteurs. Le Gouvernement se tient au côté des acteurs de la filière pour garantir la compétitivité et la viabilité de la filière betterave-sucre française. Dans ce contexte, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est pleinement engagé en faveur de la filière betteravière.
Auteur : Mme Marie-France Lorho
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 25 février 2025
Réponse publiée le 20 mai 2025