Question écrite n° 435 :
Absence de cadre juridique précis pour encadrer le cohabitât

17e Législature

Question de : M. Loïc Prud'homme
Gironde (3e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Loïc Prud'homme interroge Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine sur l'absence d'un cadre juridique précis pour encadrer les nouvelles formes de cohabitât. La France traverse actuellement une crise du logement sans précèdent qui affecte durement un nombre croissant de Français. Il est ainsi de plus en plus difficile pour le plus grand nombre de pouvoir accéder à un logement abordable et adapté à ses besoins, que ce soit dans le parc HLM ou privé et à faire face à l'augmentation continue du prix des loyers et des charges. La crise climatique entraîne également des conséquences très concrètes sur le secteur du logement : ilots de chaleur en ville, passoires thermiques, etc. Mais le bâtiment en est également l'une des cause : il représente en effet l'un des secteurs le plus fortement émetteur de gaz à effet de serre. À Bordeaux Métropole, il représente à lui seul près de 28 % des émissions de gaz à effets de serre. Les politique du logement doivent également s'adapter à l'objectif de limiter l'artificialisation des sols, comme le préconise la loi climat et résilience du 22 août 2021. Pour construire une politique d'aménagement durable, la stratégie nationale bas carbone enjoint à réinvestir les logements vacants et à lutter contre la sous-occupation des logements. Le nombre de logements vacants n'a cessé de s'accroître ces dernières années : il y en a actuellement près de 3,1 millions, soit un million en plus depuis 2006. En plus de mesures fiscales incitatives, la mobilisation de ce parc vacant ne sera possible que par son adaptation aux nouvelles normes écologiques et socio-culturelles liés au logement. L'INSEE a ainsi montré que le modèle majoritaire n'était plus celui des couples avec enfants qui représentaient moins de 25 % de la population en 2019, mais bien le célibat pour 36,9 %, puis le couple sans enfant 25,4 %, sans oublier les familles monoparentales. Dans un contexte d'explosion des prix de l'immobilier et de transformation des schémas familiaux, la maison individuelle n'est donc plus systématiquement la demande première du marché. Face à ces urgences écologiques et sociales et à l'émergence de nouveaux besoins, le cohabitât représentent une solution innovante pour développer de nouvelles façon d'habiter et de penser l'aménagement du territoire de manière durable et solidaire. Pourtant, leur développement se voit entravé par l'absence d'un cadre juridique. Les municipalités se trouvent ainsi confrontées à un flou juridique en inadéquation avec l'aspiration croissante de leur population à expérimenter de nouveaux modes d'habitats. M. le député a ainsi été interpellé au sein de sa circonscription par divers habitants ayant fait le choix d'acheter entre amis pour cohabiter en réaménageant l'intérieur d'une maison existante. Dans certains cas, leurs perspectives de réaménagements ont été considérées comme potentiellement contraire au droit lorsqu'elles aboutissaient à un cloisonnement de l'intérieur de la maison en deux espaces distincts et automnes et ce malgré la conservation d'un jardin non cloisonné à usage partagé. Il leur a donc été demandé d'abattre la cloison pour laisser une ouverture permettant de naviguer de façon permanente entre les deux parties. Dans le cas contraire et pour que ce cloisonnement ne soit pas abattu, il leur aurait fallu diviser leur propriété pour créer deux ilots d'habitation distincts. En plus de s'inscrire en contradiction avec leur projet d'aménagement, cette décision abouti à la fragmentation pérenne de la maison et casse le caractère collectif de la propriété et de l'usage de ce bien qui fondent pourtant la notion de cohabitât. Ce flou juridique empêche ainsi les personnes ayant fait le choix du cohabitât de moduler l'intérieur de leur maison selon leurs besoins sans que cela n'aboutisse à la fragmentation de leur bien. Face aux diverses crises rencontrées, les Français vont développer de façon croissante de nouvelles stratégies de mutualisation de leurs biens en habitat partagé. M. le député interroge donc M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement, afin d'obtenir des précisons sur la juridiction encadrant actuellement le cohabitât. Dans quelle mesure l'aménagement intérieur d'une habitation existante en cohabitât entraîne-t-elle la division obligatoire de ce bien en deux ilots d'habitation distincts ? Plus largement, quelles mesures entend il mettre en place afin de favoriser le développement du cohabitât qui représente une solution innovante pour favoriser l'accès à un logement décent, abordable et durable pour l'ensemble des Français ?

Réponse publiée le 9 septembre 2025

Le droit des sols a vocation à régir la délivrance des autorisations d'urbanisme, et ne vise pas en principe à organiser l'aménagement intérieur des habitations. Par exception, l'article L. 423-1 du code de l'urbanisme permet au maire de demander à ce que le plan intérieur du projet soit joint au dossier de demande de permis de construire ou à la déclaration préalable lorsque la demande concerne la construction de logements collectifs. La transmission du plan intérieur permet de contrôler le respect des règles d'urbanisme imposées par les plans locaux d'urbanisme (PLU) en matière de surfaces minimales d'habitation ainsi que de nombre de places de stationnement par rapport au nombre de logements. Afin de déterminer s'il est possible pour le maire de demander les plans intérieurs, il convient d'identifier si le logement est considéré comme collectif au moment du dépôt de la demande d'autorisation d'urbanisme en vue de la construction du bâtiment. La notion de logement collectif n'est pas définie dans le code de l'urbanisme, mais a fait l'objet d'exemples dans la jurisprudence. Le juge administratif a pu considérer qu'un ensemble de trois maisons d'un étage et de leurs annexes, d'une surface hors œuvre nette totale de 332 m2 agencées autour d'une cour commune et comportant en tout 5 logements distincts constituait une construction à usage d'habitation et non une construction à usage d'habitation collective en raison de son architecture et de sa faible superficie (CE, 22 juillet 1992, n° 78196), ou encore que la construction de deux habitations distinctes mitoyennes doit être regardée, eu égard là aussi à son architecture et à sa superficie, comme une construction à usage d'habitation individuelle (CE, 20 novembre 2002, n° 211042). Ainsi, une maison individuelle peut comporter plusieurs unités d'habitation (CE, 12 novembre 2012, n° 344365). La présence d'une cour commune ne suffit pas à caractériser un logement collectif, et une habitation individuelle peut comporter plusieurs logements. La qualification s'apprécie au cas par cas au regard d'éléments tels que l'architecture et la superficie, aussi la présence de plusieurs logements notamment sous la forme d'habitat participatif n'entraîne pas obligatoirement de division en habitations distinctes. Dans le cas exposé, qui traite d'une maison de faible superficie, ces logements ne seraient pas des logements collectifs, seule qualification de nature à permettre au maire de demander les plans intérieurs. Le cohabitat serait ainsi possible au regard des critères dégagés par le juge et il ne serait pas nécessaire de réaliser la division obligatoire de ce bien en deux ilots d'habitation distincts. S'agissant des leviers complémentaires disponibles pour développer le cohabitat, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (loi ALUR) vient encadrer l'habitat participatif dans lequel s'inscrit le « cohabitat », défini au premier alinéa de l'article L. 200-1 du code de la construction et de l'habitation comme « une démarche citoyenne qui permet à des personnes physiques de s'associer, le cas échéant avec des personnes morales, afin de participer à la définition et à la conception de leurs logements et des espaces destinés à un usage commun, de construire ou d'acquérir un ou plusieurs immeubles destinés à leur habitation et, le cas échéant, d'assurer la gestion ultérieure des immeubles construits ou acquis ». La loi ALUR a ainsi créé un statut juridique pour l'habitat participatif, à savoir les sociétés d'habitat participatif. Sans préjudice des autres formes juridiques prévues par la loi, elles peuvent se constituer sous la forme de coopératives d'habitants ou de sociétés d'attribution et d'autopromotion (article L. 200-2 du code de la construction et de l'habitation). Dans le décret n° 2015-1725 du 21 décembre 2015 relatif aux sociétés d'habitat participatif, le gouvernement est venu définir les modalités d'application des dispositions relatives aux sociétés d'habitat participatif.

Données clés

Auteur : M. Loïc Prud'homme

Type de question : Question écrite

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : Logement et rénovation urbaine

Ministère répondant : Logement

Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 9 septembre 2025

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