Discriminations à l'égard des enseignantes contractuelles enceintes
Question de :
M. Stéphane Peu
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine
M. Stéphane Peu interroge Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la situation des enseignantes contractuelles enceintes confrontées à des difficultés de renouvellement de leur contrat. En effet, confrontés au besoin de garantir une indispensable continuité pédagogique à leurs élèves, les responsables d'établissement seraient, selon plusieurs cas remontés à M. le député, peu enclins à renouveler le contrat d'enseignantes qui, bien que donnant toute satisfaction, s'apprêtent à faire valoir leurs droits légitimes au congé de maternité. Dans leur situation, ces enseignantes n'ont à l'issue de leur contrat aucune garantie sur leur avenir. Faute de mission, leur contrat n'étant pas renouvelé par l'établissement, elles peuvent se retrouver définitivement écartées de leur poste et sans recours. Pour les autres, elles ne savent ni quand, ni où, ni sur quel poste elles pourront être à nouveau embauchées, avec, outre cette précarité inadmissible, une rupture potentiellement préjudiciable de leur continuité d'ancienneté sur leur poste. Au moment même où elles devraient bénéficier de facilités et aménagements de travail en raison de leur grossesse, elles voient bien souvent leurs conditions de travail se détériorer et se trouvent mise en difficulté et même directement menacées dans leurs perspectives professionnelles. Une situation anormale qui ne peut qu'alimenter l'inquiétude de ces femmes, parfois tentées de cacher leur « situation » à leurs collègues et responsables d'établissement à l'approche de la signature de leur contrat. Ces faits, qui ne semblent pas isolés, constituent une discrimination qui n'a pas sa place dans le service public de l'éducation nationale. Il serait en effet tout à fait incompréhensible que les enseignantes contractuelles fassent les frais des tensions observées plus globalement dans le recrutement des personnels, dans un contexte de crise des vocations et d'attractivité de la profession. Il est intolérable que la reconduction des contractuelles enceintes ne soit pas « naturelle » mais, comme c'est parfois le cas, l'objet de luttes syndicales pour faire respecter les droits de ces salariées. Les disparités de statuts dans l'éducation nationale ne sauraient justifier en aucune manière qu'une catégorie de personnel subisse une inégalité de genre supplémentaire, venant s'ajouter à celles qui peuvent malheureusement être déjà observées sur les salaires et le déroulement de la carrière professionnelle. M. le député a déjà déposé une écrite identique lors de la précédente législature (n° 11396) mais qui est restée sans réponse. Il renouvelle donc sa démarche afin de connaître le point de vue de Mme la ministre sur le sujet et le cas échéant demande communication des données en sa possession sur ce phénomène préoccupant. Il souhaite connaître les dispositions qu'elle entend prendre pour faire cesser ces discriminations et les directives qu'elle compte adresser aux chefs d'établissement dans ce domaine.
Réponse publiée le 28 octobre 2025
Le ministère chargé de l'éducation nationale ne dispose pas de données statistiques précises sur les enseignantes contractuelles enceintes confrontées à des difficultés de renouvellement de leur contrat lorsqu'elles s'apprêtent à faire valoir leur droit à congé maternité, difficile à quantifier. Les organisations syndicales ont toutefois eu l'occasion d'évoquer ces situations dans les instances de dialogue social, qui constituent effectivement, lorsqu'elles sont avérées, un cas de discrimination prohibé par la loi. L'article 27 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 modifié relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État prévoit que lorsque le contrat est à durée déterminée, certains congés (dont le congé maternité prévu au titre IV de ce décret) ne peuvent être attribués au-delà de la période d'engagement restant à courir. La circulaire du 20 octobre 2016 relative à la réforme du décret n° 86-83 précité précise quant à elle que lorsque l'administration se propose de renouveler un contrat ou un engagement à durée déterminée, un congé pris en partie à la fin du contrat ou de l'engagement initial peut se prolonger sur le contrat ou l'engagement résultant du renouvellement. Si un principe général du droit s'oppose au licenciement d'un agent en état de grossesse, ce principe ne fait toutefois pas obstacle à l'absence de renouvellement d'un contrat à durée déterminée à l'expiration de celui-ci, alors même que l'agent concerné se trouve en cet état. Toutefois, si les agents contractuels ne disposent d'aucun droit au renouvellement de leur engagement, la jurisprudence limite le pouvoir discrétionnaire de l'administration en exigeant que la décision de ne pas renouveler le contrat soit justifiée par l'intérêt du service ou prise en considération de la personne, que les motifs aient ou non un caractère disciplinaire (Conseil d'État n° 118298 du 4 juillet 1994). Ces éléments seront rappelés aux directions des services départementaux de l'éducation nationale et aux rectorats, qui sont les recruteurs des enseignants contractuels dans l'enseignement primaire et secondaire, afin de veiller à ne pas laisser, le cas échéant, perdurer ces situations.
Auteur : M. Stéphane Peu
Type de question : Question écrite
Rubrique : Discriminations
Ministère interrogé : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : Éducation nationale
Dates :
Question publiée le 25 février 2025
Réponse publiée le 28 octobre 2025