Lever l'interdiction pour les diabétiques de type 1 de devenir réservistes
Question de :
M. Henri Alfandari
Indre-et-Loire (3e circonscription) - Horizons & Indépendants
M. Henri Alfandari attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'interdiction d'engager des personnes atteintes de diabète de type 1 dans la réserve de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Jusqu'à récemment, l'aptitude médicale des candidats aux métiers de la police et de la gendarmerie était évaluée selon le référentiel SIGYCOP. Cependant, un décret n° 2022-1465 du 24 novembre 2022 a modifié ce cadre, sans que l'on comprenne précisément les nouvelles règles appliquées en matière d'aptitude médicale pour les réservistes. Bien qu'il ait modifié les conditions de santé requises pour les fonctionnaires actifs de la police nationale, il n'a pas spécifiquement levé cette interdiction pour les réservistes. Or, dans un contexte où les forces de sécurité de l'État cherchent à renforcer leurs effectifs, cette exclusion systématique des personnes atteintes de diabète de type 1 apparaît contre-productive. Cette pathologie, bien qu'impliquant un suivi médical rigoureux, est aujourd'hui parfaitement gérée grâce aux traitements modernes, notamment par l'insulinothérapie et l'utilisation de dispositifs de surveillance en continu. Exclure les candidats atteints de diabète de type 1 revient donc à priver les forces de l'ordre de la possibilité de recruter des citoyens compétents, volontaires et en capacité d'exercer certaines missions, notamment au sein de la réserve. Il souhaite ainsi savoir sur quelles bases médicales et scientifiques repose cette interdiction et si le ministère de l'intérieur envisage de réévaluer ces critères d'aptitude ; une réflexion pourrait être engagée afin de permettre à des personnes atteintes de diabète de type 1 de rejoindre la réserve, sous réserve d'un suivi médical adapté, garantissant à la fois leur sécurité et celle des missions accomplies.
Réponse publiée le 15 juillet 2025
À l'instar des autres maladies chroniques, les exemples du diabète insulino-dépendant (diabète de type 1 - DT1) posent la question de l'aptitude médicale à servir au sein de la police nationale ou de la gendarmerie nationale. Compte tenu des contraintes du traitement, et des complications qui peuvent survenir au quotidien (hypoglycémie, avec risque de perte de connaissance, hyperglycémie), le problème réside notamment dans les conséquences neuro-glycopéniques des variations de la glycémie, c'est-à-dire dans l'altération du fonctionnement du cerveau sous l'effet de la privation de glucose (troubles de la concentration, de l'élocution, et visuels, voire perte de connaissance). Les troubles qui en résultent peuvent survenir avant même les symptômes bien connus du malade et qui habituellement signent à ses yeux la crise hypoglycémique. La survenue d'une hypoglycémie peut donc perturber les capacités de vigilance et de réaction avant même que la personne n'en perçoive la réalité physique. Or, les contraintes physiologiques et mentales de l'exercice du métier de policier ou de gendarme doivent être rappelées. Elles tiennent essentiellement : - à la disponibilité exigée, avec de possibles variations imprévues de l'emploi du temps et du temps de travail ; - à des conditions de travail qui sont difficiles en situation opérationnelle (surveillance de longue durée dans des conditions parfois pénibles, maintien de l'ordre en formation constituée, etc.) ; - au stress en situation professionnelle : stress physique générant des besoins énergétiques imprévisibles, situations d'usage de la force physique ou des armes, stress psychique, anxiété, peur ; - au port d'équipements de protection pouvant limiter l'usage des dispositifs de surveillance glycémique ou d'injection si la personne n'est pas dotée d'une pompe implantable couplée à une mesure automatisée de la glycémie. La conjonction de ces contraintes physiques, psychologiques ou matérielles peut avoir des effets délétères pour une personne affectée par un diabète insulino-dépendant, cette pathologie nécessitant une gestion médicale permanente, difficilement compatible avec l'imprévisibilité du terrain et l'exigence de réactivité immédiate. La réaction de stress en particulier, et son effet bien connu sur la sécrétion de cortisol, est susceptible de provoquer une variation inattendue de la glycémie et donc un besoin de correction rapide. Les signes physiques du stress (palpitations, nausées, crampes, etc.) peuvent en particulier être interprétés à tort comme les prémices d'une hypoglycémie et perturber le traitement. Or, en situation opérationnelle, le policier diabétique insulino-dépendant devrait gérer simultanément deux activités distinctes : sa participation à l'action de police, sa sécurité et celle des autres fonctionnaires présents, d'une part ; ses besoins glycémiques (apport sucré ou au contraire d'insuline). Le confort apporté par les dispositifs les plus récents (pompe implantable et mesure de la glycémie non invasive) n'évacue pas à cet égard le risque de dysfonctionnement ou de configuration inappropriée de l'algorithme de gestion du dispositif. Dans le même contexte, il est précisé que le code de la défense qui dispose du statut militaire des personnels de la gendarmerie nationale, définit les grandes lignes de l'aptitude à servir. Les militaires doivent pouvoir exercer leurs fonctions à tout moment, en tout lieu et sans restriction. Cette aptitude est évaluée par les médecins des armées, sur la base de critères médicaux et scientifiques, mais aussi grâce à leur connaissance approfondie des contraintes liées au métier de gendarme. Les médecins des armées s'appuient sur plusieurs textes réglementaires, à commencer par l'arrêté du 20 décembre 2012 relatif à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale, modifié par l'arrêté du 16 novembre 2017. Ensuite, l'arrêté du 8 juin 2021 fixe les conditions physiques et médicales requises pour les personnels militaires de la gendarmerie nationale et les candidats à l'admission en gendarmerie. Enfin, l'arrêté du 21 avril 2022 précise les modalités de détermination et de contrôle de l'aptitude médicale à servir pour l'ensemble du personnel militaire. Dans la police nationale, la dimension individuelle de l'aptitude médicale ne peut être détachée de sa dimension collective qui répond au besoin de constituer une population de professionnels en capacité d'assumer - dans la durée d'une carrière longue - l'ensemble des activités attendues du policier, et de disposer d'un vivier de personnels capables d'occuper, en cours de carrière, les emplois exigeants sur le plan médical dont elle a besoin. L'exercice des activités inhérentes au métier de policier et de gendarme est donc de nature à solliciter fortement l'organisme en suscitant des besoins glycémiques dont la satisfaction pourrait se heurter à des impératifs opérationnels, d'une part, et à favoriser la survenue d'une hypoglycémie qui, dans sa phase infra-clinique, pourrait perturber les capacités de vigilance et de réaction du policier face à une situation dangereuse pour lui-même ou pour autrui, d'autre part. L'existence de solutions techniques facilitant la perfusion continue d'insuline et la mesure continue de la glycémie, s'ils améliorent nettement le confort de vie du patient, ne le libèrent pas pour autant d'une vigilance constante et qui demeurerait problématique dans un environnement professionnel aussi particulier que celui de la police ou de la gendarmerie nationales. Certaines contraintes sont accentuées au sein de la gendarmerie nationale, du fait de l'obligation d'opérer dans des environnements parfois hostiles, isolés, ou dépourvus d'infrastructure médicale (ex. postes isolés en outre-mer, projection en opération extérieure…). Les contraintes logistiques peuvent compromettre l'approvisionnement en produits de santé nécessaires au traitement du diabète, et les conditions d'hygiène en campagne compliquer les soins de base. Dans les deux cas, l'état de santé de l'intéressé pourrait se dégrader rapidement en l'absence d'un encadrement médical sécurisé ou d'une capacité d'évacuation sanitaire rapide. L'ensemble de ces éléments fait non seulement courir un risque à l'intéressé, mais aussi à ses camarades, et in fine à la réussite de la mission. Cela est d'autant plus incompatible avec l'exigence de la capacité à servir en tout temps et en tous lieux imposée au personnel militaire, telle que définie dans le code de la défense. La préservation de l'état de santé de l'agent, l'obligation pour l'employeur de ne pas le soumettre à des conditions incompatibles avec son état de santé, comme le souci de préserver la capacité opérationnelle de la police nationale impliquent d'écarter les personnes diabétiques insulino-dépendants lors de la visite d'aptitude médicale initiale à l'entrée dans la police. Cette situation est sans lien avec une quelconque approche discriminatoire : elle est fondée sur les impératifs liés à la spécificité du métier et aux précautions dont doivent bénéficier les diabétiques insulino-dépendants. La directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail comporte d'ailleurs un considérant qui rappelle les dérogations possibles au regard des contraintes professionnelles de certains métiers, dont ceux des services de police. Concernant les modalités de détermination de l'aptitude médicale du réserviste opérationnel, qui exerce les mêmes activités que le policier actif (à l'exception du maintien de l'ordre), peut être doté des mêmes armes et moyens de force intermédiaire, il est légitime de lui imposer le respect des mêmes conditions de santé particulières que celles attendues d'un policier actif. Pour autant, il convient de souligner que tous les métiers de la police nationale ne sont pas incompatibles avec le diabète insulino-dépendant : il en va ainsi des postes en police technique et scientifique et des postes administratifs. En gendarmerie nationale, les fonctions opérationnelles de terrain, soumises à des impératifs d'endurance, de mobilité, de réactivité et de sécurité collective, ne peuvent être assurées de manière fiable par une personne atteinte de diabète de type 1, la pathologie exposant à des risques d'incapacité subite en pleine mission. C'est pourquoi, lors de la visite d'expertise initiale, le médecin militaire ne peut que constater l'inaptitude à servir dans ces fonctions qui s'applique pour les personnels d'active comme de réserve.
Auteur : M. Henri Alfandari
Type de question : Question écrite
Rubrique : Discriminations
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 25 février 2025
Réponse publiée le 15 juillet 2025