Question écrite n° 4454 :
Accompagnement des mineurs et majeurs isolés étrangers

17e Législature

Question de : M. Pierre-Yves Cadalen
Finistère (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Pierre-Yves Cadalen attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les difficultés croissantes rencontrées par les mineurs et jeunes majeurs isolés étrangers dans leur parcours d'accompagnement en France. Tout d'abord, les procédures de demande de titre de séjour sont complexes et les délais de traitement de demandes par les préfectures sont particulièrement longs. À cela s'ajoute une dématérialisation croissante des démarches, une suspicion croissante quant à la parole des jeunes et des éducateurs ainsi qu'un taux élevé de refus. Ces refus peuvent être motivés par une non-justification de l'absence de liens familiaux dans le pays d'origine. Pourtant, selon le droit en vigueur, il revient à la préfecture d'apporter la preuve de ces liens. Cette inversion de la charge de la preuve complique ainsi davantage leurs démarches administratives. La promulgation de la loi Immigration de 2024 a considérablement fragilisé la protection des mineurs et jeunes majeurs isolés étrangers. En effet, l'article 44 de cette loi exclut désormais les jeunes étrangers sous obligation de quitter le territoire français (OQTF) du dispositif contrat jeune majeur, une aide pourtant essentielle pour assurer une transition vers l'autonomie. De plus, quand un contrat jeune majeur est accordé, un titre de séjour ou une activité salariée peuvent entraîner son interruption. De nombreux jeunes se retrouvent donc sans solution de logement à leur majorité ou contraints de reprendre leur parcours migratoire, tandis que les dispositifs d'hébergement d'urgence sont déjà saturés. Par ailleurs, sur le plan éducatif, ces jeunes sont quasiment systématiquement orientés vers des formations professionnelles, souvent sans considération pour leurs aspirations personnelles, leur seul objectif étant d'accéder à un emploi quel qu'il soit. L'accès aux soins est également un autre point de tension, avec des délais extrêmement longs pour obtenir un suivi médical adapté. La situation actuelle est en contradiction flagrante avec les engagements internationaux de la France, notamment l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), qui énonce que « l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » dans toutes les décisions le concernant. Pourtant, la logique actuelle privilégie une approche migratoire restrictive et coercitive au détriment de la protection de l'enfance. Sur la base de ces éléments, il l'interroge sur les mesures immédiates et concrètes qu'il entend mettre en œuvre pour assurer un accompagnement effectif et durable des mineurs et jeunes majeurs isolés étrangers aux niveaux administratif et social.

Réponse publiée le 10 juin 2025

S'agissant du droit au séjour pour les mineurs non accompagnés (MNA) devenus majeurs, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) distingue deux procédures d'obtention d'un titre de séjour, selon l'âge de prise en charge à l'aide sociale à l'enfance ou un tiers digne de confiance (articles L. 423-22 et L. 435-3 du CESEDA). Indépendamment de la régularité de l'entrée sur le territoire français, les conditions relatives au suivi d'une formation professionnelle, à la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans le pays d'origine et à l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société sont exigées. Plus spécifiquement, la condition tenant à la nature, et non l'absence, des liens de l'étranger avec sa famille restée dans le pays d'origine, si elle ne constitue pas à elle seule un élément décisif dans l'appréciation du droit au séjour, permet de lutter contre l'établissement de filières d'immigration irrégulière. En outre, l'examen anticipé du droit au séjour mis en place par instruction du 21 septembre 2020 permet au jeune et avec l'accompagnement du conseil départemental d'entreprendre les démarches nécessaires en amont de la majorité, pour l'obtention de son titre de séjour à la majorité. Par ailleurs, aux termes de la loi, la prise en charge et l'évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille relèvent du président du conseil départemental. Si celui-ci estime que le jeune est majeur ou accompagné, alors il met fin à la mise à l'abri du jeune. En raison de leur vulnérabilité, les personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille (MNA) font l'objet d'un cadre législatif strict, notamment quant au processus d'évaluation de la réalité de leur situation, comme d'une prise en charge adaptée à leurs besoins. Afin d'identifier les personnes se présentant comme MNA, une évaluation pluridisciplinaire, sous la responsabilité du conseil départemental, est menée par des professionnels formés à l'évaluation sociale et ayant une expérience ou une qualification dans les métiers de la protection de l'enfance, du droit, de la psychologie, de la santé ou de l'éducation. Celle-ci inclut les éléments éventuellement transmis par la préfecture et, le cas échéant, des examens complémentaires tels que les tests osseux, réalisés sur décision de l'autorité judiciaire et conformément aux dispositions de l'article 388 du code civil, peuvent être diligentés. En amont et durant cette évaluation, il convient de souligner que les jeunes se présentant comme MNA font l'objet d'une mise à l'abri dans le cadre d'un accueil provisoire d'urgence telle que définie dans le code de l'action sociale et des familles. La personne est ainsi prise en charge dans une structure adaptée à sa situation. Elle bénéficie également d'un entretien pour évaluer ses besoins en matière de santé. Le juge des enfants et le procureur de la République en cas d'urgence, peuvent, dans l'exercice de leur compétence, ordonner des mesures provisoires dans l'attente de la décision en matière d'assistance éducative, sur le fondement de l'article 375-5 du code civil. Leurs décisions sont prises en stricte considération de l'intérêt de l'enfant, et reste à leur libre appréciation. De même, il est à noter que le Conseil d'Etat, dans une décision du 14 mars 2023 (n° 471867), estime qu'il est également possible pour la personne de saisir le juge du référé liberté sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. A ce titre, le juge des référés peut enjoindre la poursuite de l'accueil provisoire s'il estime que l'appréciation du président du conseil départemental est manifestement erronée et qu'il existe un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité. En dehors de ce cas précis, le juge des référés n'intervient pour protéger cette liberté fondamentale que lorsque l'atteinte à celle-ci est causée par une carence des services départementaux dans l'exercice de leurs missions, respectant ainsi la compétence de l'autorité judiciaire, qui est saisie au fond à la suite de la phase administrative de mise à l'abri et d'évaluation de la situation de la personne. Enfin, s'agissant des personnes reconnues comme étant MNA par le juge des enfants, la loi du 7 février 2022 améliore la situation des enfants placés mettant fin aux sorties « sèches » de l'aide sociale à l'enfance à la majorité en garantissant un accompagnement pour les 18-21 ans par les départements. Cette prise en charge est appelée dans la pratique « contrat jeune majeur « (article L.222-5 du code de l'action sociale et des familles). L'aide proposée comporte à la fois un suivi éducatif, social et psychologique, une aide financière et une aide en matière d'hébergement. La loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration du 26 janvier 2024, prévoit cependant que les étrangers faisant l'objet d'une mesure portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) sont désormais exclus du bénéfice du contrat jeune majeur. En effet, la mise en pratique des dispositions de la loi du 7 février 2022 générait des difficultés en imposant aux conseils départementaux de composer avec des injonctions contradictoires, dès lors qu'ils étaient parfois tenus d'accorder le bénéfice de dispositifs d'accompagnement à des jeunes majeurs à qui l'administration avait pourtant demandé de quitter le territoire national, en l'absence de droit au séjour.

Données clés

Auteur : M. Pierre-Yves Cadalen

Type de question : Question écrite

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 25 février 2025
Réponse publiée le 10 juin 2025

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