Question écrite n° 4460 :
Situation des conjointes d'agriculteurs en cas de séparation

17e Législature

Question de : M. Pierre-Yves Cadalen
Finistère (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Pierre-Yves Cadalen appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur la situation des conjointes d'agriculteurs dans le cadre d'une séparation. Suite à des signalements en circonscription et à l'alerte du Planning familial local, M. le député s'est intéressé à cette question et invite fortement Mme la ministre à faire de même. Comme l'expose la sociologue Céline Bessière : « Si les couples d'agriculteurs se séparent moins que les autres, ce n'est pas dû à un conservatisme qui serait inhérent à la population rurale mais aux caractéristiques de ces unions, composées le plus souvent d'un agriculteur et d'une partenaire qui vient vivre et parfois travailler sur l'exploitation. Parce qu'ils sont liés par une coopération productive ou financière, une séparation entraîne pour eux des coûts élevés, voire un risque d'appauvrissement pour la femme ». En effet, malgré la création d'un statut de co-exploitante en 1980, malgré la loi d'orientation agricole de 1999 qui institue le statut de « conjoint collaborateur » (dont les protections sociales sont assez minimes), la position des conjointes d'agriculteurs reste fragilisée. Certes, de nombreuses conjointes travaillent aujourd'hui en dehors de l'exploitation agricole, mais cela ne les empêche pas de réaliser du travail gratuit pour l'entreprise de leur conjoint (que ce soit du travail sur l'exploitation, un magasin de vente directe, ou du travail domestique) : « Cette implication, qui n'est jamais nulle, est mal reconnue par l'institution judiciaire au moment des divorces : selon des modalités renouvelées, les compagnes d'agriculteurs continuent de payer le prix fort des séparations ». Par ailleurs, un divorce signifie aussi, pour la conjointe, la perte du logement, généralement situé sur l'exploitation, laquelle appartient le plus souvent à l'ex-mari ou à la famille de l'ex-mari. Ainsi, que ce soit au niveau de la perte de revenus, de la perte du logement, du partage du patrimoine (en lien avec la difficulté d'évaluer l'impact du travail de l'épouse dans le cadre de sa participation non déclarée à l'exploitation agricole), les femmes d'agriculteurs sont globalement perdantes, sans compter qu'elles sont souvent garantes des emprunts de leur conjoint. Il lui demande ainsi ce que le Gouvernement prévoit pour protéger les droits et les biens des conjointes d'agriculteurs en cas de divorce.

Réponse publiée le 8 juillet 2025

La liquidation d'un régime communautaire conduit à la répartition entre les époux des seuls biens composant la communauté, chaque époux conservant ses biens propres. Ainsi, pour ces biens, sauf si leur contrat de mariage en dispose autrement, chacun des époux devra percevoir l'équivalent en nature de la moitié de la valeur des biens composant le boni de communauté, tels qu'évalués au jour du partage. En principe, les lots des époux doivent être égaux. Cependant, les articles 831 et 832 du code civil permettent à l'époux qui participe ou a participé à une entreprise agricole d'en obtenir l'attribution préférentielle. Ce dispositif qui vise à éviter le morcellement des exploitations agricoles préserve dans le même temps les droits de l'autre époux. Il prévoit à cet égard que lorsque la valeur de cette exploitation excède la moitié de l'actif net de la communauté, l'attributaire de l'exploitation agricole sera redevable d'une soulte à l'égard de son conjoint. La soulte due est payable comptant mais les époux peuvent convenir à l'amiable de délais de paiement. À défaut d'accord entre les époux, il résulte des dispositions combinées des articles 1476, alinéa 2, et 832-4 du code civil que le juge pourra octroyer à l'époux attributaire des délais pour le paiement de la moitié de la soulte, qui ne pourront excéder dix ans. La prestation compensatoire obéit quant à elle à une logique très différente : elle est destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux. L'article 267 du code civil prévoit que le juge saisi d'une telle demande dans le cadre de la procédure de divorce doit notamment prendre en compte le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial. Ainsi le montant des revenus générés par l'exploitation agricole sera nécessairement intégré lors de la fixation du montant de la prestation compensatoire. 

Données clés

Auteur : M. Pierre-Yves Cadalen

Type de question : Question écrite

Rubrique : Femmes

Ministère interrogé : Égalité entre les femmes et les hommes et lutte contre les discriminations

Ministère répondant : Égalité entre les femmes et les hommes et lutte contre les discriminations

Dates :
Question publiée le 25 février 2025
Réponse publiée le 8 juillet 2025

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