Question orale n° 44 :
Absence de définition juridique française de la fleur de sel

17e Législature

Question de : M. Stéphane Buchou
Vendée (3e circonscription) - Ensemble pour la République

M. Stéphane Buchou interroge Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur l'absence d'une définition juridique française de la fleur de sel. Sur la côte atlantique, les sauniers récoltent la fleur de sel de manière artisanale, à la main, en surface des cristallisoirs, selon un savoir-faire traditionnel. Cette méthode diffère de celle des processus industriels. Le vide juridique actuel ouvre la voie à un large panel de techniques de production qui peut induire en erreur les consommateurs quant à la nature et à la qualité de la fleur de sel qu'ils achètent. Du fait de l'importance de ce mode de production artisanale, il lui demande quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour définir précisément, d'un point de vue juridique, la fleur de sel afin de protéger à la fois les producteurs traditionnels et les consommateurs.

Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2024

ABSENCE DE DÉFINITION JURIDIQUE FRANÇAISE DE LA FLEUR DE SEL
M. le président . La parole est à M. Stéphane Buchou, pour exposer sa question, no 44, relative à l'absence de définition juridique française de la fleur de sel.

M. Stéphane Buchou . J'appelle l'attention du gouvernement sur un joyau de notre patrimoine gastronomique et culturel : la fleur de sel. Ce produit d'exception, surnommé le sel des grands chefs, symbolise l'excellence de la table française et repose sur un savoir-faire transmis de génération en génération depuis plus de mille trois cents ans. Récoltée à la main dans les marais salants qui façonnent nos paysages en Camargue, à Guérande, sur l'île de Ré ou, dans ma circonscription de Vendée, à Noirmoutier et à l'Île-d'Olonne, la fleur de sel est issue d'un processus naturel remarquable. L'eau de mer, guidée avec précision dans un réseau de canaux et de bassins, s'évapore sous l'action du soleil et du vent. À la surface des œillets, de fins cristaux se forment lors des journées estivales propices et sont délicatement récoltés à l'aide d'une lousse, sans aucun additif ni intervention industrielle. Ce savoir-faire unique confère à la fleur de sel des caractéristiques exceptionnelles, tant sur le plan physico-chimique qu'organoleptique. Riche en sels minéraux et en oligoéléments, elle est un produit naturel aux vertus diététiques reconnues.

Or ce patrimoine remarquable est aujourd'hui menacé. Un sel récolté en fond de bassin, au contact des argiles, est parfois commercialisé sous l'appellation de fleur de sel. Pourtant ses caractéristiques et son mode de récolte diffèrent fondamentalement. Ce flou nuit gravement à la réputation de nos 600 producteurs de l'Atlantique, qui perpétuent des pratiques ancestrales exigeantes, et trompe les consommateurs, privés de garanties sur l'authenticité du produit qu'ils achètent et qu'ils consomment. Les labels existants – indication géographique protégée (IGP), appellation d’origine contrôlée (AOC), appellation d’origine protégée (AOP) ou encore spécialité traditionnelle garantie (STG) – protègent l'origine géographique de la fleur de sel mais restent insuffisants : aucun ne définit clairement son mode de récolte, qui est pourtant l'élément différenciant essentiel pour garantir la nature et la qualité du produit.

Ce vide juridique compromet l'avenir de nos récoltants et l'intégrité de notre patrimoine culinaire. À l'image du Portugal, qui a su légiférer pour protéger sa propre fleur de sel, la France doit prendre les mesures qui s'imposent. C'est pourquoi j'ai engagé un travail visant à inscrire dans la loi une définition stricte de la fleur de sel, basée sur son mode de récolte et ses caractéristiques spécifiques. Cette initiative vise à protéger nos artisans, à garantir la transparence pour les consommateurs et à préserver l'intégrité de nos paysages et de notre patrimoine culturel.

Cette démarche nécessite un soutien fort et déterminé du Gouvernement. Êtes-vous prête, madame la ministre, à vous tenir aux côtés de ceux qui, par leur travail issu d'un savoir-faire ancestral, perpétuent cette harmonie unique entre l'homme et la nature, et contribuent ainsi à l'excellence de la table française ?

M. le président . La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt . Actuellement, deux principaux bassins de production de fleur de sel coexistent en France : le littoral atlantique, que vous évoquez, incluant Guérande, l'île de Ré et Noirmoutier ; et la Camargue. Ces deux régions utilisent des méthodes de récolte très différentes qui aboutissent à des produits ayant chacun leur spécificité, ce qui rend difficile une définition harmonisée. Il n'existe pas, en effet, de définition juridique officielle de la fleur de sel en France et en Europe. Une telle définition nécessiterait de tenir compte de l'ensemble de modes de production très divers. Pour l'heure, aucun consensus n'a été atteint.

Cependant plusieurs IGP applicables aux produits dénommés fleur de sel ont été enregistrées en France et en Europe. Une IGP doit respecter un cahier des charges qui encadre la méthode d'obtention du produit ainsi que des éléments établissant le lien entre une qualité déterminée, la réputation ou une autre caractéristique du produit, et l'aire géographique dont il est originaire. Ces cahiers des charges sont publiés et accessibles librement par tous les consommateurs, qui peuvent ainsi prendre connaissance des méthodes et savoir-faire traditionnels qui s'appliquent pour chacune des IGP.

La reconnaissance des IGP, en plus de protéger les dénominations enregistrées par les producteurs de fleur de sel contre des usurpations, assure que les produits placés sur le marché sont obtenus conformément aux méthodes traditionnelles, utilisées par exemple sur le littoral atlantique. Ainsi, la fleur de sel de Guérande bénéficie d'une IGP depuis 2021. Une démarche similaire a été entreprise pour le sel et fleur de sel de Camargue, avec la reconnaissance des IGP en janvier 2024. Ces labels permettent de reconnaître les spécificités de chaque terroir.

Je suis naturellement disposée – dans l'hypothèse où… (Sourires) – à apporter mon appui à votre démarche qui vise à protéger ce fleuron de la gastronomie française et de nos paysages.

M. le président . La parole est à M. Stéphane Buchou.

M. Stéphane Buchou . Merci, madame la ministre, pour votre soutien et votre engagement. Compte tenu du contexte politique, je souhaite que vous puissiez poursuivre votre action pour que nous arrivions, ensemble, à mieux protéger les producteurs de fleur de sel de l'Atlantique.

Certes, les labels existent, mais le mode de récolte à la surface, qui caractérise la fleur de sel, est en l'occurrence déterminant. Malgré l'existence des IGP, AOP et AOC, les problèmes demeurent, d'où la démarche de l'Association française des producteurs de sel marin de l'Atlantique, qui m'a interpellé.

Données clés

Auteur : M. Stéphane Buchou

Type de question : Question orale

Rubrique : Consommation

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 novembre 2024

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