Urgence de la mise en place d'une stratégie nationale de désamiantage
Question de :
M. Loïc Prud'homme
Gironde (3e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Loïc Prud'homme interroge Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur la politique qu'il souhaite mener pour répondre à l'urgence du désamiantage en France. Dans un silence quasi général, dix personnes meurent chaque jour du fait d'une exposition à l'amiante en France. Ils sont 3 000 à 5 000 morts chaque année, faisant de l'amiante une des priorités sanitaires du pays. L'amiante pourrait être responsable de 70 000 à 100 000 décès entre 2009 et 2050. Ce matériau engendre divers cancers du poumon, du larynx, des ovaires, de la plèvre etc. parfois des décennies après l'exposition. 28 ans après son interdiction en France, ce ne sont pas moins de 200 000 tonnes d'amiante friable (flocage, calorifugeage) et 20 millions de tonnes d'amiante lié (fibrociment, dalles de sol, tuyaux d'évacuation, etc.) qui sont encore présentes dans toutes les communes de France (écoles, hôpitaux, immeubles, bâtiments agricoles, bâtiments publics ou privé, etc.). Le rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) estime entre 400 000 et plus de 900 000 tonnes la masse annuelle des déchets amiantés. Le caractère imprévisible de la contamination à l'amiante en fait une bombe à retardement sanitaire pour l'ensemble des Français qui sont confrontés à la présence d'amiante. La question du désamiantage est centrale et M. le député s'étonne qu'elle ne soit pas prise en charge comme une priorité nationale. Et pour cause. Il existe dans le pays, des millions de bâtiments contaminés (dalles de sol, colles, plâtre, mastic, isolation, calorifugeage) dont les usagers sont en danger, des millions de toitures en fibrociment à base d'amiante qui diffusent le risque, lors d'évènements climatiques violents (grêle, tempête) ou d'accidents (incendies) et bien d'autres lieux contaminés (hôpitaux, usines, centrales nucléaires, etc.). Les pompiers intervenant dans des incendies sur des édifices amiantés ne sont pas protégés. La dispersion des fibres lors d'incendie met en danger la vie des habitants, parfois même à grande échelle comme ce fut le cas lors de l'incendie du bâtiment de l'usine Lubrizol à Rouen : 9000 m2 de toiture partis en fumée et des fibres d'amiante retrouvées par des riverains à plusieurs kilomètres à la ronde. L'article L1334-16-2 du code de la santé publique dispose que « Si la population est exposée à des fibres d'amiante résultant d'une activité humaine, le représentant de l'État dans le département peut, en cas de danger grave pour la santé, ordonner, dans des délais qu'il fixe, la mise en œuvre des mesures propres à évaluer et à faire cesser l'exposition ». Or ce genre d'incident peut se produire partout sur le territoire national, dans la mesure où près de la moitié des dossiers techniques amiantes (DTA) ne sont pas à jour dans les établissements scolaires, mais aussi dans la mesure où une partie de la population ignore souvent la présence d'amiante ou manque d'informations sur les consignes à suivre en cas de présence d'amiante. En conséquence, le réflexe de signaler une pollution à l'amiante est rare. Il faut également ajouter à cela le coût exorbitant du désamiantage qui pousse certains particuliers à le faire par leurs propres moyens, sans précaution pour leur santé et leur environnement et peut mener à des évacuations vers des décharges sauvages. M. le député souhaite savoir quelles sont les actions des préfectures visant à repérer les cas de contamination susmentionnés et à accompagner les particuliers dans les travaux de désamiantage. La préfecture de Paris a mis en place, en 2022, une « cellule amiante » afin de veiller au respect de la réglementation amiante notamment en ce qui concerne les diagnostics amiante prévus pour les immeubles, les espace accueillant du public et les particuliers mais également pour recueillir les signalements. Le représentant de l'État dans le département a en effet un rôle de contrôle et de sanction vis-à-vis du risque d'inhalation d'amiante dans des bâtiments. Afin que ce rôle soit rempli sur le territoire national, M. le député souhaite connaître la volonté du Gouvernement de contrôler l'effectivité de cette démarche et de généraliser ce dispositif « cellule amiante ». Si ce n'est pas le cas, il souhaite savoir comment le Gouvernement compte garantir l'effectivité du contrôle des diagnostics et des travaux à réaliser. En 2023, le documentaire « Vert de rage » diffusé par France 5 a révélé que parmi les écoles ayant répondu à une enquête, 5 507 contenaient encore des matériaux amiantés, représentant près de 709 000 élèves potentiellement exposés. Face à cette situation alarmante, les collectivités territoriales, désignées par le ministère de l'éducation nationale comme responsables, sont souvent démunies, ne disposant pas des ressources financières pour entreprendre un tel chantier. Là encore, une planification nationale manque à l'appel. Et pour cause, en 2020, après 25 ans d'existence, l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité (ONS) dans les établissements scolaires a été supprimé. Celui-ci bénéficiait d'une certaine légitimité démocratique du fait de la présence d'élus désignés par l'Assemblée nationale, du Sénat et des collectivités territoriales en son sein. En 2023, la cellule « bâti scolaire » rattachée au ministère de l'éducation nationale a fait circuler un questionnaire aux établissements scolaires publics et privés sous contrat et centralisé les réponses concernant les DTA et la présence d'amiante. Les résultats temporaires ont été présentés par le ministère à l'occasion d'un groupe d'étude amiante le 20 novembre dernier : « Le DTA n'est présent que dans la moitié des écoles et des établissements du panel, alors qu'il est obligatoire pour chaque bâtiment dont le permis de construire a été délivré avant le 1er juillet 1997. 65,6 % des écoles et des établissements ayant répondu font état de la présence de matériaux amiantés. Cette enquête a révélé aussi que les contrôles périodiques sont très insuffisants (76 % non effectués ou non informés) alors que ce sont ces contrôles qui vont déterminer s'il y a des risques avérés ». M. le député souhaite savoir quand le Gouvernement présentera les résultats à la représentation nationale de cette enquête nationale lancée en 2023 et qui n'a pour l'instant recueilli que 56 % de taux de réponse. Il demande si le Gouvernement compte allouer aux collectivités un financement spécifique pour accélérer la réalisation des travaux de désamiantage dans les établissements scolaires. Plus généralement, il sollicite le Gouvernement sur la stratégie nationale qu'il compte mettre en œuvre face au risque sanitaire qui menace les écoles.
Auteur : M. Loïc Prud'homme
Type de question : Question écrite
Rubrique : Produits dangereux
Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Date :
Question publiée le 25 février 2025