Projet de décret sur les micro-crèches
Question de :
M. Bruno Clavet
Pas-de-Calais (3e circonscription) - Rassemblement National
M. Bruno Clavet alerte Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur les conséquences préoccupantes du projet de décret relatif à la nouvelle procédure d'autorisation des établissements d'accueil de jeunes enfants et au renforcement des exigences de qualification dans les micro-crèches. Ce texte prévoit qu'à compter du 1er septembre 2026, les professionnels actuellement en poste devront être remplacés par des diplômés d'État, ce qui engendrera un bouleversement majeur pour le secteur. Une telle mesure, en imposant des exigences de formation difficilement atteignables en l'état, risque d'entraîner la fermeture de nombreuses micro-crèches, privant ainsi des milliers de familles d'un mode de garde essentiel. D'après les professionnels du secteur et l'association REMi (Regroupement des entreprises de micro-crèches), cette réforme menace directement plus de 35 000 emplois et met en péril près de 80 000 places d'accueil, alors même que la France souffre déjà d'un déficit estimé à 200 000 solutions de garde. De plus, les récents rapports de l'IGAS et de l'IGF précisent qu'aucune différence significative de qualité d'accueil n'a été objectivée entre les micro-crèches et les autres structures collectives, remettant ainsi en question la pertinence de ce durcissement réglementaire. Par ailleurs, ce projet de décret jette l'opprobre sur les professionnels actuellement en exercice, en sous-entendant qu'ils ne seraient pas suffisamment qualifiés et que les enfants qu'ils accueillent ne seraient pas pleinement en sécurité. Une telle remise en cause est à la fois injuste et dégradante pour ces professionnels expérimentés qui, depuis des années, répondent aux attentes des familles avec engagement et rigueur. Surtout, cette réforme revient à nier la valeur des formations dispensées par l'État lui-même. Pendant des années, le Gouvernement a mis en place et promu les CAP petite enfance, formant ainsi des milliers de professionnels qualifiés. Or ce même État envisage aujourd'hui de ne plus reconnaître ces diplômes qu'il a lui-même créés et validés. Dans ces conditions, il lui demande si le Gouvernement envisage de revoir ce projet de décret afin d'éviter un effondrement de l'offre de garde et de permettre aux micro-crèches de continuer à remplir leur mission essentielle auprès des familles. Aussi, il souhaite savoir si le Gouvernement est enclin à revaloriser les professionnels actuellement en poste, moralement, après cette séquence, afin de reconnaître leur engagement et leur rôle crucial dans l'accueil et l'épanouissement des jeunes enfants.
Réponse publiée le 18 mars 2025
Ce projet de décret, en cours d'examen par le Conseil d'Etat, a notamment pour objet d'aligner les normes d'encadrement des micro-crèches sur les crèches classiques de taille similaire (petites crèches). Il revient sur les dérogations qui s'appliquaient aux micro-crèches et demande que la structure compte au moins un professionnel diplômé d'Etat de rang 1 et la possibilité pour ce professionnel d'accueillir seul jusqu'à 3 enfants. Le texte prévoit qu'un directeur exerce des fonctions de direction pour un maximum de 2 établissements. La priorité de cette mesure est la qualité de l'accueil des enfants et la mise en place des garanties nécessaires pour que l'accueil soit respectueux de leurs besoins et de leurs droits. Cette qualité d'accueil est également la condition primordiale pour restaurer l'attractivité des métiers : les professionnels ne pourront venir et rester dans le secteur de la petite enfance que s'ils sont en mesure d'exercer leur profession d'une façon qui soit conforme à leurs valeurs et à leur formation. La pénurie ne pourra pas se résoudre en dégradant les conditions d'accueil et les conditions de travail pour être en mesure de recruter et de maintenir l'offre : cette dynamique suivie au cours des quinze dernières années a montré toutes ses limites et a conduit à la crise que nous connaissons aujourd'hui. Tout a été mis en place depuis deux ans pour s'engager dans un mouvement positif afin de rétablir la qualité d'accueil comme corollaire et préalable de la réponse aux défis de la pénurie de professionnels. Plusieurs rapports des inspections générales, tant le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2023 sur la qualité d'accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches que le rapport IGAS-Inspection générale des finances (IGF) sur les micro-crèches de 2024, ont souligné au cours des deux dernières années que les conditions d'encadrement dérogatoires prévues pour les micro-crèches n'étaient pas suffisantes pour garantir cette qualité d'accueil et permettre un accompagnement adéquat des professionnels dans l'exercice de leur métier. Les conclusions de ces rapports, fruits de plusieurs mois d'investigations approfondies des inspections générales, ont été saluées par l'ensemble du secteur pour leur pertinence et leur fidélité à la réalité quotidienne des professionnels et des enfants qu'ils accueillent. Le Gouvernement agit en conformité avec ces recommandations. Les enfants qui sont accueillis dans les micro-crèches et dans les petites crèches sont les mêmes : il n'y a aucune raison acceptable que les conditions prévues pour l'encadrement ne soient pas similaires. Les catégories administratives n'ont pas à avoir d'influence sur la façon dont sont accompagnés les enfants. Ces orientations ne signifient nullement que l'Etat abandonne les micro-crèches : il finance ces établissements en versant aux parents le complément mode de garde et en accordant aux entreprises qui y réservent des berceaux des crédits d'impôt et des exonérations sociales. A ce jour, le montant global de financement public pour un berceau en micro-crèche prestation d'accueil du jeune enfant peut aller jusqu'à près de 22 000 euros par an (rapport IGAS-IGF). L'Etat agit en faveur des professionnels, qui sont confrontés quotidiennement aux difficultés induites par des conditions d'encadrement fragiles, pour leur donner la même qualité de conditions de travail et d'accompagnement que les salariés de crèches classiques. S'agissant de fonctions de directeur, les professionnels titulaires de diplômes d'Etat, notamment les éducateurs de jeunes enfants et les infirmiers puériculteurs, sont formés pour assurer la direction des structures, accompagner et former leurs équipes, animer le projet pédagogique de l'établissement. Ils permettent à tous les professionnels de la structure de travailler en confiance et en sécurité avec un encadrement formé. Il est de la responsabilité des gestionnaires et des employeurs d'accompagner les professionnels titulaires d'un certificat d'aptitude professionnelle ou d'un diplôme d'auxiliaire de puériculture dans leur parcours de carrière et de leur permettre d'acquérir les diplômes et certifications nécessaires pour progresser vers des emplois de direction. Pour accompagner cette réforme, des mesures dérogatoires sont prévues pour les personnels déjà en poste et les nouvelles normes ne s'appliqueront aux recrutements qu'à partir du 1er septembre 2026, afin de laisser le temps nécessaire pour s'organiser et pour préserver les structures existantes. Des travaux sont également en cours pour faciliter l'accès à la validation des acquis de l'expérience pour les professsionnels. Le Gouvernement reste néanmoins vigilant quant au modèle économique global de ces crèches. C'est dans cette optique qu'une réforme du financement de l'accueil du jeune enfant est d'ores et déjà engagée. Les élus seront associés à cette démarche et ses effets se concrétiseront pleinement dans la prochaine convention d'objectifs et de gestion de la caisse nationale des allocations familiales, afin de favoriser la création et le maintien de places dans un cadre financier plus sécurisé.
Auteur : M. Bruno Clavet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions et activités sociales
Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles
Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles
Dates :
Question publiée le 25 février 2025
Réponse publiée le 18 mars 2025