Impact des accords UE-Maroc sur le marché français de la tomate
Question de :
Mme Hélène Laporte
Lot-et-Garonne (2e circonscription) - Rassemblement National
Mme Hélène Laporte appelle l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'impact des accords liant l'Union européenne au Maroc sur le marché français de la tomate. Les relations commerciales entre la France et le Maroc sont régies par l'accord d'association du 26 février 1996 entré en vigueur le 1er mars 2000 et complété, pour les échanges de produits agricoles, par un accord sous forme d'échange de lettres du 7 septembre 2012. Le premier a établi un prix d'entrée de 461 euros par tonne pour les tomates marocaines, jamais révisé depuis l'entrée en vigueur de l'accord, ce malgré une inflation cumulée de 46 % depuis 2000. Le second a posé des réductions de droits de douane élevées sur les tomates issues du Maroc. Ainsi, l'article 3 de cet accord prévoit un contingent tarifaire annuel de 285 000 tonnes totalement exonéré de droits de douane entre le 1er octobre et le 31 mai. Ce contingent tarifaire n'a pas été modifié à l'occasion de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, alors que celui-ci a lui-même conclu un nouvel accord avec le Maroc prévoyant un quota de 47 000 tonnes. De plus, pour la période s'étendant du 1er juin au 30 septembre ainsi que pour tout ce qui excède le contingent tarifaire précédemment mentionné, les droits de douane sont diminués de 60 %. Ces conditions commerciales très avantageuses pour le Maroc, associées à un climat très favorable et à un coût du travail nettement inférieur à ceux observés en Europe (le salaire horaire moyen s'y élevant à 0,74 euros contre 13,64 euros en France), ont permis un essor considérable de sa production domestique de tomates et une explosion de ses exportations. Pour la campagne 2022-2023, celles-ci se sont élevées à 716 700 tonnes, dont les trois quarts vers l'Union européenne et 51 % vers la France, cette dernière étant le troisième importateur mondial de tomates derrière les États-Unis d'Amérique d'Amérique et l'Allemagne. Pour la première fois, il s'est vendu sur le marché européen plus de tomates produites au Maroc que de tomates produites en Espagne. Les exportations du Maroc vers la France se sont élevées en 2022 à 425 552 tonnes, en hausse de 19 % par rapport à l'année précédente. Le rapport de prix entre tomates françaises et marocaines s'élève à 2,4 pour les tomates cerises, un produit dans lequel l'agriculture marocaine s'est spécialisée et dont la part dans les achats des Français est passée de 7,8 % en 2015 à 14,3 % en 2020. Conséquence de cette métamorphose rapide du marché, la production française de tomates a reculé de 13 % en 2023. Pour défendre la filière française de la tomate face à cette situation évidente de concurrence déloyale, Mme la députée appelle Mme la ministre à soutenir auprès de ses homologues européens une renégociation de l'accord et à appliquer auparavant toutes mesures de sauvegarde appropriées pour empêcher la poursuite du déclin de la filière. Il apparaît en particulier urgent de supprimer la réduction de droits de douane applicable aux tomates exportées en saison estivale, cette mesure ne pouvant se justifier par des motifs environnementaux ou relatifs à la continuité de l'approvisionnement. Elle lui demande donc les suites qu'elle entend donner à ses récentes déclarations dénonçant l'injustice de la situation actuelle.
Réponse publiée le 1er avril 2025
La souveraineté alimentaire constitue une priorité de l'action du Gouvernement et l'axe principal de la politique conduite au ministère chargé de l'agriculture. Cette priorité, ainsi que le constat que la moitié des fruits et légumes consommés en France sont issus de l'importation, ont conduit à l'élaboration d'un plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes, annoncé lors de l'édition 2023 du salon international de l'agriculture (SIA). Il avait pour objectif de gagner 5 points de souveraineté en fruits et légumes dès 2030, et d'enclencher une hausse tendancielle de 10 points à horizon 2035. Ce plan a bénéficié des moyens du programme France 2030 qui ont permis de mobiliser, dès 2023, 200 millions d'euros en faveur de la filière fruits et légumes, notamment pour réaliser des investissements et mener des actions de recherche, de développement et d'innovation. Dans ce contexte, le ministère chargé de l'agriculture attache une grande importance à la question des importations de tomates marocaines et aux perturbations qu'elles pourraient entraîner sur ce secteur en France, afin que ces importations ne remettent en cause ni son développement, ni sa viabilité. Or les producteurs marocains bénéficient de conditions de production favorables qui leur permettent de proposer leurs produits sur le marché européen à des prix très compétitifs, y compris durant la période de production française, en été. L'exportation de tomates marocaines s'ancre dans le cadre de l'accord d'association signé entre l'Union européenne (UE) et le Maroc. Il convient de noter que l'UE, ainsi que la France, tirent nombre d'avantages de cet accord. Ceux-ci expliquent que l'UE ne se montre guère favorable à la réouverture de cet accord, ce qui pourrait conduire à remettre en cause ces avantages. La voie d'une renégociation de cet accord d'association, sans être exclue, n'apparaît donc ni aisée, ni forcément favorable aux intérêts nationaux. Dans ce cadre, la voie privilégiée par les professionnels français est de rechercher une solution avec leurs homologues marocains qui tienne compte des contraintes des deux parties, et réponde aux attentes de chacune par des mesures concrètes. Cette solution emporte la préférence du ministère chargé de l'agriculture dans la mesure où elle semble à même d'établir une relation fructueuse et mutuellement bénéfique, dans le cadre d'une relation bilatérale franco-marocaine forte, notamment dans le secteur agricole. Au terme de leurs échanges, les professionnels français et marocains se préparent à signer un accord qui puisse servir de cadre aux décisions qu'ils pourraient prendre dès le salon international de l'agriculture au Maroc (SIAM) qui se tiendra à Meknès, du 21 au 27 avril 2025. À cet égard, les ministres français et marocain de l'agriculture se sont entretenus à l'occasion de leur rencontre au SIA 2025. Ils ont affirmé leur appui à cette démarche. De son côté, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire veillera à ce que les échanges entrepris par les professionnels français aboutissent à des résultats pratiques dans les meilleurs délais.
Auteur : Mme Hélène Laporte
Type de question : Question écrite
Rubrique : Commerce extérieur
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 4 mars 2025
Réponse publiée le 1er avril 2025