Conditions d'accueil des mineurs non accompagnés
Question de :
Mme Christelle D'Intorni
Alpes-Maritimes (5e circonscription) - UDR
Mme Christelle D'Intorni appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les conditions d'éligibilité incompréhensibles quant à l'accueil de mineurs recueillis avant l'âge de 16 ans ainsi que pour l'accueil de ceux qui ont entre 16 et 18 ans. En effet, Mme la députée constate qu'un mineur étranger, entré isolé en France et confié au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) au plus tard à l'âge de 16 ans, peut obtenir une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ». Bien pire et dans ce cas de figure, une entrée régulière sur le territoire national n'est pas exigée. Dans le même mouvement, un mineur étranger, entré isolé en France et confié au service de l'ASE entre ses 16 et 18 ans peut aussi être admis au séjour sous la forme d'une régularisation exceptionnelle. Dans ce cas-ci, il incombe au préfet de saisir tout le caractère sérieux desdites demandes. Une fois encore, une entrée régulière sur le territoire national n'est pas exigée. Cependant, Mme la députée refuse que l'accueil de mineurs isolés soit, en filigrane, une façon de nourrir et de contribuer à l'immigration clandestine. Or, en l'état actuel des choses, l'accueil de mineurs isolés nourrit et sert d'appel d'air à l'immigration clandestine. Aussi, Mme la députée souligne-t-elle que personne, y compris l'État, n'a la garantie que ces personnes aient la qualité de mineurs voire de personnes isolées. En conséquence, elle lui demande s'il entend exiger de subordonner à la fois l'obtention d'admission au séjour et l'obtention d'une carte de « séjour temporaire vie privée et familiale » à une entrée régulière sur le territoire national. Aussi, elle lui demande quelles mesures il entend prendre pour que la France soit assurée du caractère sérieux, véridique et légitime de ces demandes.
Réponse publiée le 3 juin 2025
L'ensemble des Etats membres de l'Union européenne sont soumis à un cadre juridique commun à travers la Convention internationale des droits de l'enfant, qui introduisit en 1989 le concept d'intérêt supérieur de l'enfant, et le droit de l'Union européenne. En particulier, l'article 24 de la directive 2013/33/UE fixe des règles communes relatives à l'accueil et au traitement des mineurs étrangers non accompagnés, tandis que l'article 25 de la directive 2013/32/UE prévoit des garanties spécifiques pour les mineurs non accompagnés dans le cadre de la procédure de demande d'asile. Il existe ainsi de fortes similitudes dans les droits accordés aux mineurs isolés dans les différents pays européens, même si l'effectivité de ceux-ci et les conditions matérielles offertes peuvent varier significativement, y compris au sein d'un même État. En raison de leur vulnérabilité comme de leur afflux important sur le territoire, notamment via la frontière avec l'Italie, les personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille (MNA) font l'objet d'un cadre législatif strict, notamment quant au processus d'évaluation de la réalité de leur situation, ainsi que d'une prise en charge adaptée à leurs besoins. Afin de les identifier, une évaluation pluridisciplinaire est ainsi menée sous la responsabilité du conseil départemental. Celle-ci inclut la présentation, désormais obligatoire depuis la mise en œuvre de la loi Taquet du 7 février 2022, des jeunes en préfecture afin qu'ils soient enrôlés dans une base de données dite d' « appui à l'évaluation de minorité » (AEM), sauf cas de minorité manifeste. Ce dispositif vise à faciliter l'action des autorités en favorisant la détection des faux mineurs, pour éviter une prise en charge indue d'adultes et assurer une protection plus rapide et effective aux jeunes évalués MNA. A la suite de cette évaluation, qui prend également en considération les éventuels examens complémentaires tels que les tests osseux, l'autorité judiciaire décide si un demandeur doit ou non faire l'objet d'une mesure en assistance éducative jusqu'à sa majorité. Du point de vue du droit des étrangers, il est important d'avoir à l'esprit que le droit français, à la différence des législations d'autres États membres de l'Union européenne, n'exige pas que les mineurs étrangers sollicitent un titre de séjour. De ce fait, ils ne peuvent être en situation irrégulière et sont, sous réserve de quelques exceptions, protégés contre les décisions d'éloignement. Protégés contre l'éloignement, les mineurs étrangers bénéficient en outre de garanties particulières lorsqu'ils forment une demande d'asile. S'agissant du droit au séjour pour les mineurs non accompagnés devenus majeurs, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) distingue deux procédures d'obtention d'un titre de séjour, selon l'âge de prise en charge par l'aide sociale à l'enfance ou un tiers digne de confiance (articles L. 423-22 et L. 435-3 du CESEDA), indépendamment de la régularité de l'entrée sur le territoire français. Ces dispositions prévoient des conditions de délivrance d'un titre de séjour notamment relatives au suivi d'une formation professionnelle, à la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans le pays d'origine et à l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société sont exigées. Parallèlement, sur le plan du droit civil, les mineurs non accompagnés relèvent du régime de la protection des enfants en danger. S'agissant plus particulièrement des mineurs étrangers non accompagnés présents sur le territoire français, leur protection en droit civil passe par une prise en charge au titre de l'assistance éducative. La disposition centrale est l'article 375 du Code civil, selon lequel si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par le juge. Subordonner l'admission au séjour à une entrée régulière sur le territoire national reviendrait à demander à exiger de ces mineurs de détenir un passeport, de potentiellement solliciter depuis son pays d'origine un visa français et de franchir la frontière par un mode de transport permettant d'établir la date d'entrée sur le territoire. Or, force est de constater que cela ne correspond pas à la réalité des situations de ces mineurs, parfois très jeunes souvent pris en charge par des réseaux de passeurs. Toutefois, à l'âge adulte, la délivrance d'un titre de séjour est strictement soumise à l'appréciation du préfet au regard des conditions prévues par le CESEDA. Ce dernier rend une décision individuelle, sur la base du comportement du jeune et d'un état civil qui peut être vérifié par la police aux frontières en cas de doute sur son authenticité.
Auteur : Mme Christelle D'Intorni
Type de question : Question écrite
Rubrique : Immigration
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 4 mars 2025
Réponse publiée le 3 juin 2025