Surpopulation carcérale, aménagements de peine et alternatives à l'incarcération
Question de :
M. Mickaël Bouloux
Ille-et-Vilaine (8e circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Mickaël Bouloux interroge M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice sur le sujet de la surpopulation carcérale et le manque de moyens octroyés aux aménagements de peine et aux alternatives à l'incarcération. Selon le syndicat Force ouvrière (FO), au cours des dernières années, 40 % des peines de prison ferme ont été aménagées ou converties en alternatives à l'incarcération, passant de 8 % en 2019 à 57 % en 2023, suite à l'application de la loi de programmation de la justice (LPJ). Bien que cette évolution soit positive, 80 % de ces aménagements sont organisés sous la forme de la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE), limitant ainsi l'utilisation d'autres aménagements de peine qui pourraient offrir des solutions plus diversifiées et adaptées pour une individualisation de la peine. Concernant le taux d'aménagement de peines pour les personnes incarcérées, sur 80 669 détenus écroués, seulement 22,7 % en avaient bénéficié au 1er janvier 2025, soit 17 321 détenus. Ce chiffre est en baisse par rapport à 2019, où le taux était de 29,5 %, représentant une diminution de 6 points en cinq ans. Cette tendance soulève des questions fondamentales sur la capacité du système judiciaire à intégrer des mesures de réinsertion efficaces et à réduire le nombre de matelas au sol dans les maisons d'arrêts. Par ailleurs, la libération sous contrainte de plein droit (LSCPD), censée désengorger et automatiser l'aménagement de peine sur les trois derniers mois de détention, semble être un échec cuisant. En effet, au 1er janvier 2025, seulement 1,6 % de LSCPD (soit 687 détenus) avaient été prononcées par les juges d'application des peines (JAP). Cet état de fait entraîne une augmentation des sorties sèches, impliquant de facto une augmentation du risque de récidive à l'issue de la peine. En conséquence, M. le député souhaite savoir si le Gouvernement envisage des solutions concrètes pour améliorer l'accès aux aménagements de peine et pour augmenter le recours aux alternatives à l'incarcération pour les personnes détenues. Il souhaite également savoir si le Gouvernement compte s'inspirer de l'exemple espagnol pour faire évoluer le système carcéral français. Les Espagnols confient en effet à l'administration pénitentiaire la compétence pour décider d'une partie importante des mesures alternatives à l'emprisonnement. En s'inspirant du système espagnol, le champ décisionnel ne relèverait ainsi plus seulement de l'autorité judiciaire (magistrats de l'application des peines), mais serait délégué en partie à l'administration pénitentiaire en vue d'aménagement de peines sous écrou - DDSE, semi-liberté (SL) et placement extérieur (PE) - tout en garantissant le principe contradictoire avec la présence du parquet et de l'avocat de la personne détenue. Cette solution aurait l'avantage d'alléger considérablement la charge de travail des JAP, qui pourraient se consacrer plus particulièrement aux nombreuses mesures suivies également par le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) en milieu ouvert (sursis probatoires, suivis socio-judiciaires, TIG, etc.).
Réponse publiée le 26 août 2025
Le développement des aménagements de peine et des alternatives à l'incarcération constitue un objectif constant du ministère de la Justice, avec une importance accrue dans un contexte de forte hausse de la densité carcérale. La direction de l'administration pénitentiaire s'inscrit dans une démarche volontariste à cet égard. En 2024, le tour de France du placement à l'extérieur a valorisé les initiatives locales innovantes en termes de bonnes pratiques et les leviers en faveur du développement de la mesure. Pour l'année 2024, une légère tendance à la hausse du nombre de prises en charge de mesures de TIG est à noter (+ 1,5). Elle est en cohérence avec la progression observée la même année des prononcés de mesures de TIG (+6 %). Ce mouvement confirme les effets des actions engagées par le ministère de la Justice entre 2023 et 2024 pour redynamiser le recours à la peine de TIG comme alternative à l'incarcération, avec pour objectif d'accentuer la connaissance de l'offre de TIG au niveau local, et d'engager la modification des pratiques professionnelles. Dans le même sens, les états généraux de l'insertion et de la probation (EGIP) dont le lancement est annoncé le 24 juin 2025 par le garde des Sceaux permettront d'identifier des pistes de réflexion innovantes et adaptées à travers une approche pluridisciplinaire pour donner un sens et un contenu plus robuste aux peines prononcées, notamment aux peines aménagées et mesures alternatives à l'incarcération. Le renforcement des modalités de collaboration entre l'administration pénitentiaire et les autorités judiciaires et de la pluridisciplinarité du travail en SPIP seront abordées à cette occasion. S'agissant du transfert d'une partie des compétences du juge d'application des peines (JAP) vers les services de l'administration pénitentiaire, un rapport a été rendu le 11 mai 2025 par la mission d'urgence relative à l'exécution des peines instituée en novembre dernier par le précédent garde des Sceaux. Il préconise de recentrer le JAP sur ses missions et de réaffirmer sa position de garant de la continuité du parcours de réinsertion et de prévention de la récidive. Limiter l'intervention du JAP aux simples recours formés devant lui enlèverait toute cohérence à son action, d'autant que l'intervention du juge à différentes étapes de l'exécution de la peine est de nature à améliorer le respect de la mesure par les personnes condamnées. Enfin, face à un large éventail de peines, le garde des Sceaux entend soumettre à la concertation la réduction à 4 peines : la peine d'emprisonnement sans sursis, la peine de probation, jour amende et amende, la peine d'interdiction ou d'obligation. Le recours aux peines de probation ou d'amende devra être privilégié.
Auteur : M. Mickaël Bouloux
Type de question : Question écrite
Rubrique : Lieux de privation de liberté
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 4 mars 2025
Réponse publiée le 26 août 2025